Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.184

27 jun 1852 Nîmes, ESCURES Comtesse

En n’adoptant pas sa nièce, elle a laissé passer l’occasion d’être mère sans être épouse. – Il ne sait encore quel sera son avenir. – Elle n’est pas à Dieu, elle ne veut pas être au monde, il n’y a qu’à attendre.

Informations générales
  • T1-184
  • 166
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.184
  • Orig.ms. ACR, AN 18; D'A., T.D. 38, n. 18, pp. 130-132.
Informations détaillées
  • 1 EFFORT
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    2 CHAZELLES, MADAME DE
    2 REVOIL, MADAME HENRI-ANTOINE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PYRENEES
  • A MADEMOISELLE AMELIE DE PELISSIER
  • ESCURES Comtesse
  • le 27 juin 1852.
  • 27 jun 1852
  • Nîmes,
  • Maison de l'Assomption
  • Mademoiselle
    Mademoiselle de Pélissier
    Moulin Castelnau d'Auzon
    par Montréal du Gers
    Gers.
La lettre

J’étais souffrant, ma chère enfant, quand votre lettre m’est arrivée, et obligé de prendre du repos; je vais vous répondre aujourd’hui, et ce que je vais vous dire sera le résultat d’une très sérieuse réflexion. Vous me paraissez avoir les défauts de vos qualités; votre exquise délicatesse vous donne une irrésolution dont je me rends très bien compte, mais qu’il m’est impossible de ne pas déplorer. Je crois, et je suis fortement convaincu que vous devez être toute à Dieu. Il y a dans votre nature sensitive des points qui ne supporteront jamais le plus léger contact des doigts d’un mari. Vous aviez la possibilité d’être mère, sans être épouse, en adoptant votre nièce: elle vous a été offerte, vous avez préféré la voir passer aux mains de Mme de Chazelles, plutôt que de subir certains inévitables inconvénients. Où n’en trouverez-vous pas? Je trouve que cette occasion perdue, vous en retrouverez difficilement une semblable de vous poser sans vous marier et sans vous faire religieuse.

Maintenant que ferez-vous? Quel parti prendrez-vous? Le couvent? Vous en êtes trop éloignée, vous avez trop de préjugés contraires. Vous marierez-vous? Franchement, je ne vous le souhaite pas. Cependant, il est possible que les moments que vous allez passer dans les Pyrénées, en vous donnant quelques regrets, vous fassent prendre une résolution vigoureuse. Pour mon compte, c’est ce qui m’empêche de vous parler encore très clairement.

J’avais rêvé pour vous une vie de retraite sérieuse pendant quelques années, après lesquelles vous auriez pris votre parti de vous donner très rondement à Dieu devant le public, et, quoique vous me reprochiez de ne vous avoir pas tenu un langage assez vigoureux, quand vous étiez à Nîmes, si je vous le tenais aujourd’hui, peut-être que vous en auriez peur. Vous n’êtes pas encore à Dieu aussi franchement que vous croyez y être ou que vous avez envie d’y être. Votre pauvre nature se retrouve encore et cherche à se contenter; elle se débat et se dépite entre un certain bonheur humain et je ne sais quelle faiblesse, d’une part, et de l’autre, la main de Dieu qui vous a touchée, mais à laquelle vous résistez. Or, vous jugeant dans cet état, que puis-je vous dire de définitif? Si je me trompe sur vos dispositions, éclairez-moi vite. Sinon, quand vous passerez par Nîmes, nous essaierons de tout arranger par quelques explications, que je saurai bien avoir le temps de rendre aussi longues et aussi nombreuses qu’il le faudra. Je suis à Nîmes jusque vers le 1er septembre. Je passerai probablement ce mois à Paris et j’en partirai vers le 1er octobre, pour être ici pendant la rentrée. J’espère que Mme Revoil vous ramènera dans notre pays. Ainsi à revoir, ou dans six semaines, ou au plus tard dans trois mois.

Je suis tout à vos ordres pour votre petit jardinier.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum