Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.263

12 apr 1853 Nîmes, ESCURES Comtesse

Il ne demande pas mieux que de la stimuler. Oh! si j’avais eu, il y a quinze ans quelqu’un pour me pousser où je devais aller! – On ne peut se tromper à vouloir travailler à sa perfection chrétienne. – Avec son consentement, il appliquera à d’autres ses prières et ses mortifications. – Une autre personne de ses amies pourrait bien la devancer. – Prenons appui sur l’amour de Dieu qu’est le Saint-Esprit.

Informations générales
  • T1-263
  • 241
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.263
  • Orig.ms. ACR, AN 27; D'A., T.D. 38, n.27, pp. 145-148.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 DETACHEMENT
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FOI
    1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
    1 MALADES
    1 PENITENCES
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 RENONCEMENT
    1 RENOUVELLEMENT
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 TIERS-ORDRE FEMININ
    1 VETEMENT
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOIE UNITIVE
    2 ESGRIGNY, LUGLIEN de JOUENNE D'
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 REVOIL, MADAME HENRI-ANTOINE
    2 TACITE
  • A MADEMOISELLE AMELIE DE PELISSIER
  • ESCURES Comtesse
  • 12 avril [18]53.
  • 12 apr 1853
  • Nîmes,
  • Mademoiselle
    Mademoiselle Amélie de Pélissier
    13, avenue Marbeuf, près les Champs Elysées
    Paris.
La lettre

Il faut donc que je vous pousse, ma chère fille, et je ne demande pas mieux. Quelques dispositions que vous ayez à vous retrouver la même qu’autrefois, il vous faut prendre le grand parti d’avancer et effacer entièrement ces souvenirs dont Dieu vous demande le sacrifice complet, d’autant plus que vous ne vous appartenez plus. Puis, il est sûr que vous êtes dans un état de crise; plus elle se prolongera, plus vous souffrirez.

Vous sentez que vous avez quelques réformes à faire sur votre toilette. Je le pense comme vous et je donne à ces petits sacrifices plus d’importance que vous ne pensez. Voici pourquoi. Qu’est-ce qu’un vêtement, une parure, en dehors de ce qui est nécessaire pour nous préserver du froid ou du chaud? C’est un signe extérieur de ce que nous sommes ou voulons être. Une femme du monde qui se pare, se pare avec une intention. Une femme chrétienne, qui s’habille et qui prépare en elle une révolution, doit se servir de ces moyens extérieurs comme d’un engagement. Tout ce que vous ferez dans ce sens me comblera de joie, et je vous prie de m’en envoyer le détail. Si vous vous sentez la force de faire le renouvellement tout d’un coup, ce ne sera pas moi qui m’y opposerai, je vous y pousserai même très fortement. Oh! si j’avais eu, il y a quinze ans, quelqu’un pour me pousser où je devais aller![1] Il faut au moins que mon expérience soit utile à d’autres, et je suis tout heureux de la mettre à votre service. Oui, au point où vous en êtes, après toutes les réflexions que vous avez faites, on ne saurait prendre son parti trop rapidement.

Je continue de lire votre lettre. Voyons ce qui suit. Un jour ne viendra t-il pas où vous reconnaîtrez votre erreur? Quelle erreur, je vous prie? Voulez-vous ou ne voulez-vous pas travailler à votre perfection? Evidemment, rien ne vous y oblige. Vous n’êtes obligée de travailler qu’à votre salut; il reste une question d’amour envers Notre-Seigneur. Oh! Amélie, Amélie, que vous êtes heureuse et que le bon Dieu vous traite bien en enfant gâtée! Et vous appelez cela une erreur! Oui, sans doute, vous pouvez aller moins loin; mais si vous avez reçu des grâces spéciales, ne voulez-vous pas les faire valoir et être selon ce que Dieu demande de vous, une petite épouse de Jésus- Christ et n’ayant pas une pierre où poser sa tête? Vous pouviez choisir d’autres voies, vous avez choisi la meilleure. Maintenant, vous pourrez bien revenir encore, si vous ne prenez la résolution de marcher toujours en avant et beaucoup plus loin que vous ne l’avez fait.

Comment vous donnerez-vous tout entière? Laissez faire Dieu. Tenez-vous prête pour être ce qu’il voudra et ne vous inquiétez pas du reste. L’esprit de foi s’épure dans ces incertitudes, et c’est le meilleur moyen de tourner à bien un défaut de votre caractère.

La prière et la mortification ne vous coûteraient pas, si vous les appliquiez à une âme, à qui vous seriez attachée de coeur. Je crois que cela vous serait très dangereux sous un rapport et que, pour un temps, il vaut mieux mettre votre petit trésor de prières et de mortifications entre les mains de Notre- Seigneur, afin qu’il les distribue comme il lui conviendra. Si maintenant vous voulez que je me fasse l’organe de Notre-Seigneur, pour vous dire à quoi j’appliquerai le mérite de vos bonnes oeuvres, je ne demande pas mieux; et, de fait, ma chère enfant, j’ai bien besoin que l’on prie pour que je sache en bien des circonstances ce que je dois faire. La disposition avec laquelle vous pratiquez vos petites austérités paraît bonne. Je vous engage à continuer en augmentant toujours l’intensité de votre amour. Les actes plus généreux à faire, en ce moment que vos mortifications se portent sur votre toilette, vous-même me les avez indiqués. Je vous approuve parfaitement de vouloir rendre aux pauvres quelques soins un peu dégoûtants. Je pense que cela vous fera du bien, pourvu que vous ne vous approchiez pas de malades contagieux.

Oui, Madame Revoil fait de bien bons progrès. Elle me disait l’autre jour qu’elle prétendait vous remplacer. Je n’ai pas admis cela le moins du monde; mais après s’être mise un peu tard en route, je crains bien que, si vous n’y faites attention, elle ne finisse par vous dépasser devant Notre-Seigneur.

Vous ne vous sentez pas le courage de vous faire prescrire quelques actes d’humilité par Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Eh bien! nous attendrons. Cela prouve que vous n’êtes pas encore suffisamment humble; car, ne vous le dissimulez pas, ma bonne fille, Dieu vous appelle à être humble. Vous ne vous corrigerez de vos défauts qu’à cette condition. Je vous parlerai une autre fois du Saint-Esprit; aujourd’hui, le temps me manque, mais nous y reviendrons. Vous ne me dites pas un mot de ces demoiselles. Vous pouvez lire de Tacite tout ce que vous voudrez; je vous le permets sans difficulté.

Adieu, ma bien-aimée fille. Que Notre-Seigneur vous fasse sentir sa douce influence et vous attire tous les jours plus miséricordieusement sur son coeur! Je vous envoie, avec toute l’affection possible, une bénédiction de vrai père.

Je ne me relis pas. Je préfère vous dire, chère enfant, que je compte sur vous pour pousser Madame Revoil au Tiers-Ordre; puis, je vous dirai que si nous ne sommes pas plus fervents, c’est que nous n’aimons pas, et si nous n’aimons pas, c’est que nous ne nous appuyons pas assez sur l’amour de Dieu qui est le Saint-Esprit; mais je vous dirai cela plus longuement une autre fois. Ecrivez-moi donc un peu plus souvent, même quand je ne vous répondrai pas. Vos lettres me font un si grand plaisir! Surtout, beaucoup de détails. Puisque vous n’ouvrez votre âme qu’à moi, que ce soit au moins à deux battants.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Allusion à l'âge de Mlle Amélie, 27-28 ans. - Le 19 novembre 1838, l'abbé d'Alzon écrivait à son ami d'Esgrigny: <>. *(Lettres,* II, pp. 29- 30).