Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.281

17 may 1853 Nîmes, ESCURES Comtesse

L’idée d’en appeler à ses services n’est pas de lui; c’est pourquoi il ne lui a pas d’abord parlé. Remerciements pour sa neuvaine. – Première communion des élèves – Du prix des âmes et de l’amour que Jésus-Christ leur porte. – La voie qu’elle parcourt est un noviciat nécessaire, parce qu’il prélude à d’autres épreuves. – Qu’elle ne s’inquiète pas de son avenir, il ne faut pas enjamber sur la Providence. – Nouvelles diverses. – Lectures à faire. – Leurs âmes doivent devenir toujours un peu plus une.

Informations générales
  • T1-281
  • 256
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.281
  • Orig.ms. ACR, AN 30; D'A., T.D. 38, n. 30, pp. 154-157.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 DEVOTION A LA SAINTE VIERGE
    1 DIVIN MAITRE
    1 ELEVES
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FOI
    1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
    1 LIVRES
    1 NEUVAINE A LA SAINTE VIERGE
    1 PATIENCE
    1 PREMIERE COMMUNION
    1 PROVIDENCE
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 SALUT DES AMES
    1 SOUCIS D'ARGENT
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 UNION DES COEURS
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VOIE UNITIVE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 BOSSUET
    2 COURTOIS, RAYMOND DE
    2 FENELON
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 NICOLAS, AUGUSTE
    2 REVOIL, MADAME HENRI-ANTOINE
    2 RUPERT, LOUIS
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
    3 PARIS
  • A MADEMOISELLE AMELIE DE PELISSIER
  • ESCURES Comtesse
  • 17 mai [18]53.
  • 17 may 1853
  • Nîmes,
  • Mademoiselle
    Mademoiselle de Pélissier
    13, avenue Marbeuf, près les Champs Elysées
    Paris.
La lettre

Ma chère fille,

Ne m’en veuillez pas, si je ne vous ai pas proposé tout d’abord de me rendre le service pour lequel vous êtes si bien disposée; il n’y a eu de ma part que l’incertitude de savoir ce que j’avais à faire dans l’affaire elle-même, mais dès que j’ai eu l’idée de m’arranger, comme la supérieure de l’Assomption me l’a proposé, je puis vous assurer que j’ai compté entièrement sur vous. Vous voyez bien que je sais bien, après tout, vous traiter comme ma fille, car il faut vouloir l’être bien entièrement pour consentir, comme vous le faites, à entrer dans quelques-unes de mes tribulations. Je puis bien vous assurer, ma bonne enfant, que, si j’avais eu le premier l’idée de m’adresser à vous, je vous aurais écrit, mais elle est venue tout d’abord à la tête de la supérieure, et j’ai dû la laisser faire. Je ne vous en remercie pas moins de ce que vous voulez bien faire. Quoique je vous en prévienne, je veux en conserver toute ma dette de reconnaissance, mais je veux que vous, vous éleviez votre pensée plus haut et que vous y voyez une bonne oeuvre à laquelle désormais nous travaillerons de concert.

Quant aux motifs que vous me donnez de ne pas faire connaître trop publiquement votre détermination, ils ont leur valeur, mais tenez pour sûr que, si vous ne fixez à M. de Courtois un terme pour lequel vous voulez votre argent, vous ne l’aurez jamais. Or, il est certain que, dans ce moment, les terres ont très considérablement augmenté de valeur, et qu’on ne peut les vendre mieux que depuis cinq ou six ans.

Merci de ce que vous avez fait pour moi pendant votre neuvaine. Je tâcherai de vous le rendre dans quelque temps; à présent, je suis très préoccupé de la première communion de nos enfants, qui aura lieu le jeudi 26 du courant. Priez beaucoup pour eux, et obtenez que tous ces petits coeurs soient bien purs pour recevoir Notre-Seigneur. La Sainte Vierge me rend de très grands services dans ce moment. Plusieurs de nos enfants s’améliorent très sensiblement; priez pour que cela persévère.

Parmi les choses qui me font le plus de bien et qui peuvent vous en faire, j’en suis sûr, c’est la méditation sur le prix des âmes et l’amour que Notre-Seigneur leur porte, qui me met le plus en train pour me convertir. Quand je songe à tout ce que Notre-Seigneur fait pour elles et tout ce qu’il ferait encore, si on le laissait libre d’agir au fond de certains coeurs, je voudrais, il me le semble, me mettre en pièces pour aider notre bon Maître dans son oeuvre. Ah! ma fille, si vous vouliez méditer un peu attentivement sur ces pensées, peut-être comprendriez-vous que Notre-Seigneur vous fasse subir quelques difficultés, avant de vous montrer la voie où vous devez entrer, précisément parce qu’il vous veut toute pour lui d’une certaine façon. Que rien ne vous décourage. Votre sillon se trace pour moi bien clairement et nettement; laissez faire, laissez faire. Dieu a ses moments; il les a pour vous certainement, et l’époque de votre vie que vous parcourez à présent n’est pas la moins précieuse. Ainsi, croyez-moi, formez-vous toujours, autant que vous le pourrez, aux vertus secrètes qui puissent mettre votre âme en union avec Notre-Seigneur par l’oraison, et vous vous en trouverez bien pour votre avenir. Songez que vous faites en ce moment un très rude noviciat, mais qui est le prélude d’autres épreuves, car la grande, l’importante chose, quand on veut devenir saint, c’est d’accepter la souffrance, de s’y porter de tout coeur, afin que, Dieu aidant, la pauvre nature une fois brisée, on puisse redevenir ce que nous aurions été sans le péché originel.

Je vous permets de faire quelques prières et mortifications pour la personne dont il est question. Seulement, croyez-moi, laissez un peu tomber ces sortes de préoccupations. Le diable est bien habile pour entortiller les gens, même avec les meilleures apparences. Je vous conjure de n’être pas si pressée de connaître la volonté de Dieu. Rappelez-vous que Notre-Seigneur dit: [[A chaque jour suffit son mal; ne vous inquiétez pas du lendemain]][1] Prenez cela pour vous et agissez en conséquence.

Ne vous tracassez pas des lectures de Mme Revoil; elle y viendra peu à peu. Dieu la pousse au bien, et elle est un peu embarrassée des noeuds coulants que Notre-Seigneur lui jette autour du cou, comme malgré elle. Il ne faut pas les lui serrer trop fort, cela l’étranglerait; mais elle arrive tout doucement, comme les poissons pris à l’hameçon. Ne croyez donc pas avoir échoué. Vous êtes beaucoup plus près que vous ne pensez. La conscience de ce que vous devriez être deviendra plus claire et plus constante, à mesure que vous voudrez plus fortement devenir ce que vous devriez être. Mais il ne faut pas être trop pressée, et je dois employer mon autorité à vous faire attendre.

Que Dieu vous appelle à lui, ceci est très positif; il n’en faut pas douter. Comment vous appelle-t-il? Je crois le voir, moi. Je ne puis me hâter de le dire, parce que, selon la belle expression de saint Vincent de Paul, il ne faut pas enjamber sur la Providence. Tâchez de vous fortifier dans ces pensées de foi. Priez beaucoup Notre-Seigneur d’augmenter cet esprit en vous; votre position s’éclaircira à cette lumière.

Je n’ai pas entendu parler de l’oeuvre que l’on vous a proposée; je ne puis donc pas vous dire mon avis. Je ne sais absolument pas si je pourrai aller à Paris; mon ignorance est complète à cet égard. L’idée d’attirer ici M. Rupert dépend de bien des choses; j’ai besoin de traiter bien des questions avant de répondre à celle-là. Avez-vous lu le volume de M. Nicolas sur le protestantisme?[2] Depuis quelque temps, je ne lis que de gros livres latins, et je ne suis pas très au courant des publications récentes, mais je vais m’occuper de trouver quelque chose à vous indiquer pour ma prochaine [lettre]. Si toutefois vous voulez vous livrer aux études positivement sérieuses, il faut lire l’Histoire des variations de Bossuet, le Traité de l’existence de Dieu de Fénelon et lire tout M. de Maistre, la plume à la main. Je veux que vous continuiez l’étude du latin; il faut vous briser un peu, afin d’être capable de quelque chose.

Adieu, bien chère enfant. Il me semble que nos deux âmes deviennent toujours un peu plus une. Je désire tant vous faire un peu de bien; votre lettre m’en fait beaucoup, car si vous trouvez plus d’ouverture dans ma correspondance, je fais absolument la même observation pour la vôtre. Adieu, ma chère Amélie. Que Notre-Seigneur vous dise lui-même combien je vous suis dévoué.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
2. Auguste NICOLAS, *Du Protestantisme et de toutes les hérésies dans leur rapport avec le* *socialisme.* Bruxelles, 1852, Goemaere, XIII-394 pp.1. Mt 4, 34.