Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.284

18 may 1853 [Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il y a la mortification qui nuit à la santé, et celle qui ne lui nuit pas. – Contradictions constantes entre notre bonne volonté et notre faiblesse. – Règles à suivre en fait d’obéissance et de mortification. – Plus il fait et plus il peut faire. – Il est disposé à la mener un peu plus par l’obéissance.

Informations générales
  • T1-284
  • 258
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.284
  • Orig.ms. ACR, AD 891; D'A., T.D. 21, n. 148, pp. 90-91.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DISCIPLINE INSTRUMENT
    1 ESPRIT D'INDIFFERENCE
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FRANCHISE
    1 GENEROSITE
    1 LACHETE
    1 MORTIFICATION
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 SANTE
    1 SOEURS CONVERSES
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    2 ESCURES, MADAME GAILLARD D'
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le] 18 mai [18]53.
  • 18 may 1853
  • [Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Je veux répondre un peu longuement à votre lettre du 14. Je viens de passer quelque temps devant Notre-Seigneur, et, quoique j’aie assez de peine à y rester aussi recueilli que je le voudrais, il me semble qu’au sortir de ces communications un peu plus intimes, j’ai plus de grâces pour faire du bien aux personnes que j’aime.

[ 1°] L’article mortification me paraît s’éclaircir pour moi. Il me paraît que la mortification a deux côtés bien distincts: la mortification qui fait souffrir en nuisant à la santé, — celle-là, il faut vous l’interdire –; la mortification qui fait souffrir sans nuire à la santé. Voilà celle à laquelle il faut vous porter de toute votre puissance. Il me semble que vous pouvez en rencontrer de cette espèce-là du matin au soir, et, sous ce rapport, vous pouvez certainement beaucoup édifier. A mesure que l’on va, si l’on n’y fait pas une très sérieuse attention, le corps s’alourdit et devient absolument incapable de tout élan un peu généreux. Pour mon compte, je m’en aperçois tous les jours. Il faut que Dieu soit bien miséricordieux de consentir à accepter en nous cette contradiction permanente entre notre bonne volonté et notre faiblesse. Sans doute, il y a de quoi se moquer de soi-même. Mais puisque Dieu est assez bon pour ne pas se moquer de nous, pourquoi ferions-nous ce qui, après tout, nous servirait de bien peu, peut-être même nous serait nuisible?

2° Vos conclusions me paraissent excellentes. Vous vous mortifierez donc en tout ce qui ne nuira pas à votre santé.

Maintenant, je suis bien plus effrayé de ce que vous me révélez de votre crainte par rapport à l’obéissance. Ainsi les ordres ne vous font plus rien. Savez-vous qu’un pareil aveu m’effraie bien pour vous? Car, enfin, si vous en êtes là, savez-vous que vous n’êtes pas une religieuse bien fervente?

En résumé, voici ce que je conclus, c’est que vous vous efforcerez tous les jours de faire quelque chose, de telle sorte que vous puissiez avancer au service de Notre-Seigneur par la mortification; et, chaque soir, quand en faisant votre examen vous vous serez aperçue que vous n’avez pas assez fait, vous vous donnerez quelque coups de discipline. Ceci est une affaire de bonne foi, où vous comprenez qu’en dernière analyse il s’agit pour vous de marcher dans une plus grande ferveur, et que qui n’avance pas recule. Je ne puis accepter que vous en soyez venue à vouloir reculer. Je comprends à merveille ce laisser-aller d’une vie très occupée et je vois pour vous la nécessité, où je me trouve moi-même, de vous reprendre à chaque instant pour aller à quelque chose de mieux que ce que vous faites depuis quelque temps.

Je dois vous avouer pourtant que, pour mon compte, j’ai parfaitement éprouvé que, plus je fais, et plus je puis faire, en restant sous certains rapports dans des limites de prudence. Il me semble que pour l’obéissance je deviens plus positif, à mesure que je reprends avec vous cette ouverture plus absolue, dont toutes vos misères m’avaient un peu déshabitué. Oui, je crois que je dois vous prendre un peu plus par l’obéissance et j’y suis très disposé. Restez tranquille cependant, car j’espère bien vous faire sentir surtout combien je ne désire agir sur vous que comme instrument de Notre-Seigneur. Oui et mille fois oui, il vous manque quelque chose de plus obéissant, et il est grand temps que cela vienne. Mais je compte sur votre générosité et sur votre désir d’avancer dans l’oraison, et j’espère que bientôt, en m’apprenant comment vous la faites, vous m’apprendrez aussi que Notre-Seigneur vous y demande une grande obéissance et vous y donne la force de la pratiquer.

Tout à vous, ma chère fille, en Notre-Seigneur.

J’ai reçu une très bonne lettre de Mlle de P[élissier]. J’ai deux converses à vous envoyer.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum