Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.291

7 jun 1853 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il lui donne pleins pouvoirs, mais ne veut pas aller trop vite. – Le mouvement religieux philosophique inauguré par de Bonald et de Maistre. – Rubriques concernant les voiles de ciboire. L’argent lui manque.

Informations générales
  • T1-291
  • 262
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.291
  • Orig. ms. ACR, AD 902; D'A., T.D. 21, n. 159, pp. 96-97.
Informations détaillées
  • 1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 LIVRES
    1 ORNEMENTS
    1 PROJET D'UNION AVEC LES RESURRECTIONNISTES
    1 PRUDENCE
    1 REGLE DE SAINT-AUGUSTIN
    1 REGLE DE SAINT-BENOIT
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 BONALD, LOUIS DE
    2 CROY, DE
    2 CROY, MADAME DE
    2 GAVANTI, BARTOLOMEO
    2 GOSSELIN, JEAN-EDME
    2 HUBE, JOSEPH
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 MERATI, GAETANO-MARIA
    2 SAGE, ATHANASE
    2 SAUVEBOEUF, MADAME DE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 7 [juin 18]53.
  • 7 jun 1853
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Je suis dans une illusion absolue ou je crois vous avoir répondu presque aussitôt. Je prie et fais prier beaucoup. Je vous donne pleins pouvoirs, ma confiance en vous augmentant en proportion de votre esprit d’obéissance. Il me semble que nous sommes plus un, et je ne sais si c’est paresse de ma part, mais je me trouve avoir très bien pensé, quand j’ai pensé et agi par vous. Je ne suis poussé que par un sentiment, le désir de ne pas aller trop vite[2]. Dieu me presse bien d’être moins mauvais. Et puis, suis-je pour longtemps ici bas? Je serais heureux de ce qui aurait pu convenir à votre Congrégation. Quant à celle des hommes, jusqu’à présent qu’est-ce que c’est? Je ne me décourage pourtant pas. Mais où est l’esprit un peu élevé qui la fasse vivre? Où est l’homme un peu saint pour la rendre agréable à Notre-Seigneur?

M. de Bonald me paraît un excellent livre, dont Soeur M[arie]-Aug[ustine] se dégoûtera trop vite. Je pense qu’il peut faire du bien, mais je préférerais de beaucoup les Mélanges à la Législation primitive pour l’utilité des Soeurs. J’ai lu et relu les Recherches philosophiques, et l’on a beau dire, c’est avec M. de Maistre l’homme qui a commencé le vrai mouvement religieux philosophique[3]. Quant à l’abbé Gosselin, je l’aime non pour sa doctrine, qui est du gallicanisme fardé, mais pour les faits, car avec lui on peut être ultramontain ou gallican ad libitum; il se pose à côté du combat.

La rubrique veut un voile blanc. On peut,je crois, le faire, à quatre pans ou à une seule ouverture. Voilà une heure que je lis Gavanti et Merati[4], je ne trouve rien sur le voile du ciboire, sinon qu’il doit être d’étoffe précieuse. Je ne me rappelle pas la forme de ces voiles en Italie.

Que je vous plains d’être encore dans les incertitudes pour les bâtisses, ces incertitudes tant la moitié des forces morales! L’argent ne me vient pas, quoique je me débatte comme un diable dans un bénitier. Mais j’ai encore à tenter un moyen, après quoi, je me soumettrai à tout l’ennui qui m’est préparé. Il y a bien longtemps que je l’ai écrit au P. Laurent.

Mme de Croÿ est une pauvre femme, soeur de Mme de Sauveboeuf. Je ne crois pas que vous puissiez la garder un mois. Quant à ses enfants, si je les prenais, ce serait à la condition qu’ils paieraient toute la pension et par avance, afin d’éviter toutes les difficultés survenues pendant leur premier séjour chez moi[5].

Adieu, ma fille. Je lutte contre un poids de tristesse indicible. Priez pour moi.

E. D' ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le ms porte: *7 juillet;* le P. Vailhé a maintenu cette date; cependant le P. d'Alzon répond à la lettre du 4 juin de la Mère.
2. Le 31 mai Mère M.-Eugénie venait de recevoir une lettre du P. Kajziéwicz, datée de Rome le 24 mai 1853, et la communiquait au P. d'Alzon. <>.
Le P. d'Alzon modère l'enthousiasme de Mère M.-Eugénie. Le P. Kajziévicz dit seulement à la fin de sa lettre qu'il est mandaté par le P. Hubé pour être à Paris son porte-parole auprès du P. d'Alzon, dans une révision commune de leurs règles avant de les présenter à l'approbation. <>. Alors qu'à l'Assomption on suit la Règle de Saint-Augustin, à la Résurrection on a opté pour celle de Saint Benoit interprétée dans un sens apostolique.
3. <> (SAGE, *Un maître spirituel,* pp. 9-10).
4. Il s'agit du *Thesaurus sacrorum rituum sive commentarium in rubricas Missalis et Breviarii,* écrit en 1628 par GAVANTL (1569-1638), Barnabite, et revisé par MERATl (1668-1744), Théatin; - un classique en la matière aux multiples éditions.
5. Mme de Croÿ était mariée à un banquier allemand qui avait pris le nom de sa femme à la suite de mauvaises affaires. En 1846-1847, le P. d'Alzon avait cru devoir les aider en recevant leurs enfants au collège et en procurant du travail à Mme de Croÿ, mais sans rentrer, sinon avec peine, dans les avances d'argent faites.