Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.331

13 sep 1853 [Nîmes], ESCURES Comtesse

Les visites qu’elle reçoit ne sont pas de nature à la guérir. – La colonie agricole de Mireman. – Le difficile n’est pas de trouver une bonne oeuvre, c’est de s’y attacher. – Ses projets de voyage. – L’affaire des petites protestantes.

Informations générales
  • T1-331
  • 301
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.331
  • Orig.ms. ACR, AN 37; D'A., T.D. 38, n. 37, p. 168.
Informations détaillées
  • 1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 CHOIX
    1 COLONIES AGRICOLES
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 ENERGIE
    1 FRERES CONVERS ASSOMPTIONNISTES
    1 JARDINS
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 PETITES PROTESTANTES
    1 PRUDENCE
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REFORME DU COEUR
    1 SEVERITE
    2 ALMEIDA, MADAME D'
    2 CHAVET, VICTOR-JOSEPH
    2 RUPERT, LOUIS
    3 EVIAN-LES-BAINS
    3 MIREMAN
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
  • A MADEMOISELLE AMELIE DE PELISSIER
  • ESCURES Comtesse
  • 13 sept[embre 18]53.
  • 13 sep 1853
  • [Nîmes],
  • Mademoiselle
    Mademoiselle Amélie de Pélissier
    94, rue de Chaillot
    Paris.
La lettre

Ma chère fille,

Ce qui m’a empêché de vous écrire plus tôt, ce sont d’horribles chaleurs qui m’ôtaient toutes forces, et, plus tard, une retraite que je viens de prêcher. L’état de votre pauvre âme me touche bien, et je ne crois guère que les visites de M. Ch[avet] puissent contribuer à la guérir. Pauvre fille, soyez prudente. Croyez-moi, vous n’éteindrez jamais de brûlures en jetant des charbons dessus. Ni la nature ni la grâce de Dieu ne connaissent ces sortes de remèdes; ils ne sont bons ni pour vous ni pour ceux à qui vous espérez faire du bien.

Tandis que je suis à vous écrire, j’ai à Mireman une vingtaine de Frères convers qui dorment et se préparent à faire un jour du bien aux petits enfants qui voudront être élevés à la campagne[1]. J’espère aussi pouvoir utilement préparer un jardin potager pour la maison de Nîmes. Je ne suis pas dans les moeurs des Trappistes, mais peu s’en faut. Ce mouvement me fait du bien. Il est évident que j’ai besoin d’exercices. Je n’en pouvais plus, il y a quelque temps. J’ai prêché une retraite, je me suis trouvé tout rétabli. Assez sur ce sujet.

Quant à vous, ma bonne fille, vous avez grand besoin que Dieu vous donne un vigoureux coup de fouet pour vous sortir de votre torpeur. Vos irrésolutions ne se fixeront que dans un parti énergique où vous vous jetterez tête baissée, sans considérer les inconvénients car vous en trouverez partout. Il est absolument impossible que vous n’en trouviez pas ici ou là. Mais le difficile n’est pas tant de trouver une bonne oeuvre que de la vouloir d’une volonté féconde, malgré vents et marée. C’est là ce qui est réellement dur à la pauvre nature, qui aime mieux faire des plans magnifiques en imagination et rester à les contempler, étendue dans sa causeuse. Mais il me semble que je vous dis des duretés, et, certes, je ne le voudrais pas pour rien au monde;, seulement, je m’aperçois que le temps va, va, et que nous ne faisons rien. Oh! le temps qui est le prix de notre éternité!

Quand allez-vous à Evian? Moi, je ne pense guère aller à Paris que vers les premiers jours de novembre, et encore pour bien peu de temps, si je vais à Rome, comme c’est possible. Préciser ce que je ferai d’ici à un mois, ce serait beaucoup plus que je ne sais. Je n’ai pas le temps d’aller voir ma famille.

Adieu, ma bien chère enfant. Quelle envie vous me donnez de connaître Mme d’Almeida! Il me semble que sa nature m’irait assez. Nous ferions bien quelques promptitudes, mais nous ferions quelque chose. Je ne vous parle pas de l’oeuvre des petites protestantes, parce qu’il faudrait une très longue conversation pour organiser le tout d’une manière pratique; ces choses-là, je le vois bien, ne se peuvent pas faire par lettres. Adieu encore une fois, ma bien chère fille.

Tout à vous, avec bien de l’affection.

Je ne comprends pas bien quel numéro de notre Revue réclamait M. Rupert.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. L'oeuvre de Mireman se transforme en colonie agricole, formule par laquelle on voulait prévenir l'exode rural.
2. La fin de l'adresse a été corrigée en celle-ci: *à Pontécoulant, Calvados.*