Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.347

2 nov 1853 Nîmes, ESGRIGNY Luglien de Jouenne

Malgré la difficulté d’en trouver, il répond à sa demande de procurer un précepteur à Mme de Lubersac. – Clichy n’est pas une aventure, il aurait pu le revendre. – Il oeuvre auprès des protestants. – Il a oublié d’envoyer des raisins pour sa filleule.

Informations générales
  • T1-347
  • 317
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.347
  • Orig.ms. ACR, AO 3; D'A., T.D. 39, n. 104, pp. 202-203.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE CLICHY
    1 COLONIES AGRICOLES
    1 DESOBEISSANCE
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 JARDINS
    1 MAITRES
    1 MINISTRES PROTESTANTS
    1 OEUVRES DE PIETE
    1 ORPHELINATS
    1 PROTESTANTISME
    1 SALUT DES AMES
    1 SOCIALISME
    2 BERNIS, MADAME DE
    2 ESGRIGNY, JEANNE D'
    2 ESGRIGNY, MADAME LUGLIEN D'
    2 GALITZINE, AUGUSTIN
    2 GALITZINE, PRINCESSE
    2 LUBERSAC, MADAME DE
    2 PIOCHEOU-TIOCHE, ABBE
    3 AVIGNON
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 MIREMAN
    3 PARIS
  • A MONSIEUR LUGLIEN DE JOUENNE D'ESGRIGNY
  • ESGRIGNY Luglien de Jouenne
  • 2 nov[embre] 1853.
  • 2 nov 1853
  • Nîmes,
  • Monsieur
    Monsieur le Comte d'Esgrigny
    au château de Thil-en-forêt
    par Etrépagny
    Eure.
La lettre

Mon cher ami,

Je n’ai point de précepteur et je crois que vous en trouverez difficilement un bon. Voici pourquoi. Tous les hommes qui se vouent à la carrière de l’enseignement ont un esprit d’indépendance, qui leur fait trouver leur compte à se placer dans l’enseignement public. Que l’on trouve des précepteurs, absolument cela se peut. Ainsi, l’an passé, je vous ai donné de bons renseignements sur un jeune homme qu’a pris la princesse de Galitzin[1]. C’est un gentilhomme périgourdin, avec de l’esprit comme un gascon, loyal, instruit, religieux et mourant de faim. Un schismatique ne peut désirer plus;, mais quand vous me demandez quelqu’un en toute confiance, comme je sais que vous le désirez, je vous dirai: [[Je n’ai rien]]. Après cela, si vous voulez un saint prêtre qui s’est fait précepteur par l’horreur qu’il avait du confessionnal, breton jusqu’au bout des ongles, c’est-à-dire têtu, brusque, dévoué, ayant un franc parler que rien n’arrête, très instruit et très saint, je vous proposerai M. l’abbé Piocheou- Tioche, qui a été plusieurs années précepteur chez M. de Bernis. Je le connais depuis longtemps déjà, et Mme de Bernis ne m’en parle qu’avec vénération. Si Mme de Lubersac est résolue à supporter ses rudesses, je puis lui faire écrire. Du reste, je serai à Paris le 11 au plus tard et nous pourrons en causer. Je vais lui faire demander s’il veut être encore précepteur. C’est un métier pour lequel il avait, il y a un an, un profond dégoût. Mais c’est le seul homme que, malgré ces inconvénients, je puisse proposer avec sûreté.

Merci de vos gronderies sur mon achat de Paris[2]. Sachez seulement que si j’avais voulu le revendre presque immédiatement, on m’offrait 100.000 francs de bénéfice, et comme je n’y ai pas encore dévoré 100.000 francs, si je ne réussis pas, je pourrais me retirer sans trop me compromettre.

Mais ce qui me préoccupe bien plus que les chances de non-succès à Paris, c’est l’état de nos protestants. Evidemment, ils sont mûrs pour quelque chose. Les chefs n’osent pas nous venir et sentent leur position; le peuple les abandonne pour se précipiter vers le socialisme ou vers le piétisme[3]. Si Mme d’Esgrigny voulait m’organiser une association de prières pour la conversion de ces pauvres gens, elle ferait une belle oeuvre[4]. Nous commençons à recevoir à notre maison de campagne les petits protestants, que leurs parents veulent nous donner. Nous allons commencer avec quatre, et, si nous avons de l’argent nous augmenterons[5].

Figurez-vous que je suis allé, ces jours-ci, à Avignon, avec l’intention positive de demander les raisins que j’avais annoncés à ma filleule, et je les ai oubliés? J’en ai un vrai chagrin; mais en ce moment je fais monter un jardin de six hectares et je lui promets de nos premiers melons.

Adieu, mon cher ami. Voilà une bien longue causerie pour quelqu’un qui a, tout près de lui, une masse de lettres; mais vous me pardonnerez d’avoir oublié mes affaires pour jaser un peu avec vous.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Princesse russe convertie au catholicisme, dont le petit-fils, Augustin Galitzain, mourut à 52 ans, en 1875.
2. <>.
3. Le libéralisme doctrinal menaçait le protestantisme français, aux yeux de P. d'Alzon, dans deux directions, par rapport à la foi de ses ministres: le socialisme ou le piétisme.
4. Amorce de l'oeuvre de Saint-François de Sales.
5. Orphelinat pour jeunes protestants, intégré dans la colonie agricole de Mireman.