Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.379

30 jan 1854 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Leur dépendance absolue vis-à-vis du prochain fait partie, pour eux, de la pratique de l’obéissance. – Cependant, ils doivent se réserver du temps pour prier. – Il faut engendrer les âmes dans la douleur. – Mortification qu’il s’imposera pour elle. – Nouvelles diverses. Il ne peut quitter Nîmes. – Son effroi des sentiments humains qu’il découvre en lui. – L’évêque est mieux disposé pour son action auprès des protestants. – Il désirerait alléger son fardeau.

Informations générales
  • T1-379
  • 344
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.379
  • Orig.ms. ACR, AD 11; D'A., T.D. 21, n. 196, p. 118.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 APOSTOLAT SPIRITUEL
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CONTRARIETES
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DISCIPLINE INSTRUMENT
    1 ENFANTEMENT DES AMES
    1 MALADIES
    1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 SALUT DES AMES
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 EVERLANGE, JEAN-LEOPOLD-DIEUDONNE D'
    2 EVERLANGE, LEON D'
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
    2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 FRANCOIS XAVIER, SAINT
    2 REDARES, MADEMOISELLE
    3 GOA
    3 NIMES
    3 NIMES, DIOCESE
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 30 janv[ier 18]54.
  • 30 jan 1854
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

J’entre bien dans vos tristesses; mais, que voulez-vous? Cette dépendance si absolue, où vous et moi devons nous mettre par rapport au prochain, fait pour nous partie de la pratique de l’obéissance. C’est notre manière d’accomplir notre voeu. Il faut l’accepter amoureusement. Saint François de Sales ne dit- il pas qu’autre est la dévotion de l’évêque, autre celle du Chartreux? Nous sommes un peu évêques, ma chère fille; il faut en porter la charge. Et toutefois, je vous engage très fort a vous réserver vos moments. Saint François-Xavier ne prenait-il pas tous les jours deux heures, dans l’après-midi, pour se réfugier en haut du clocher de Goa, pour s’occuper de son âme? Voilà, je crois, ce que nous devons aussi faire un peu. Mais c’est là le point difficile et, en résumé, je trouve que tout peut absolument s’arranger, si, étant donné que nous prenions un certain temps nécessaire pour nous, nous nous abandonnons ensuite absolument et sans restriction[1].

Quant à la tristesse que vous éprouvez, elle n’est pas étonnante: Mulier,cum parit, tristitiam habet[2]. Souffrez, ma chère enfant, avec Notre-Seigneur, les douleurs de cet enfantement des âmes. C’est là un bien beau mystère, et quel honneur que nous soyons appelés à y prendre part! Pour moi, je vous avoue que je voudrais vous donner un peu de ma foi. Je passe par des ennuis assez cruels. Il me paraît que ce doit être ma vie. Je vois très clairement les fautes, les ingratitudes, qui devant Dieu me valent ces ennuis, et je tâche de les accepter de mon mieux. Je prierai pour vous et, toute la semaine prochaine, je prendrai la discipline à votre intention. Je dirai la messe pour vous, lundi prochain. Que je voudrais vous être bon, ma fille!

Le père de Soeur M.-Em[manuel] va beaucoup mieux. Hier encore, son frère Emile me le disait. Son frère Léon a craché le sang, à la suite de cette émotion; mais il va mieux aussi[3]. Je voudrais vous donner une jeune personne, la soeur d’un avocat de Nîmes, Mlle Rédarès. Soeur M.-Em[manuel] doit la connaître. Cette fille a de la bonne volonté, de l’énergie, de l’intelligence. Je ne sais si elle a un bon caractère. Vous voyez que je tâche de mettre en pratique toutes vos recommandations.

L’idée d’un noviciat à Paris est parfaite, sauf que, si je quitte Nîmes, il me faut perdre cinq ou six cent mille francs; sauf que je n’ai pas d’argent, pour acheter la petite maison dont vous me parlez. A part cela, je trouve, en effet, que rien ne serait préférable. Priez Dieu et faites le prier, afin que je connaisse sa volonté.

Vous ouvrirai-je mon coeur, ma fille? Je suis tous les jours plus effrayé de tous les sentiments humains que j’y découvre. Je vois clairement cette belle et lumineuse voie d’une âme qui se possède sous l’oeil de Dieu, ou plutôt qui est possédée par Jésus-Christ. Je voudrais en être là et, chaque jour, je retombe sur moi-même. Voyons, je me trompe. Je fais tous les jours des chutes, mais, sauf meilleur avis, il me semble bien que je fais quelque petit progrès.

L’abbé de Cabrières me revient, en effet[4]. Il faut beaucoup prier, car Dieu peut disposer les choses de notre côté. Priez, priez beaucoup pour ce cher enfant. Les protestants s’ébranlent. L’évêque, qui m’a dit des sottises, s’apaise; il aurait même dit qu’il voulait généraliser l’oeuvre.

Adieu, ma chère fille. Il y a des moments où il me semble que je ne puis aller plus avant; et puis, quand je vous vois un peu abattue, je voudrais prendre les trois quarts de votre fardeau. Oh! que je remercie Dieu de m’avoir donné une pareille fille! Je ne sais pas si vous sentez que je suis votre père, mais moi je le sens bien intimement. Adieu

Notes et post-scriptum
1. Dans sa lettre du 23 janvier, Mère M.-Eugénie se plaignait d'un <>: bien que malade, elle doit être toute à ses Soeurs et à son oeuvre, ce qui nuit à sa prière. Le P. d'Alzon l'invite à demeurer fidèle à une spiritualité apostolique. En effet, ne sont-ils pas, l'un et l'autre,>> un peu évêques>>, comme fondateurs de Congrégations apostoliques pour l'Eglise universelle, et lui-même, comme vicaire général pour le diocèse de Nîmes?
3. I s'agit de la famille d'Everlange, le père, les deux fils et la fille (religieuse).
4. Ayant reçu une lettre de lui, Mère M.-Eugénie avait écrit, le 23 janvier: <>.2.Jn 16,21.