Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.381

1 feb 1854 [Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Ses gronderies le mettent parfaitement à l’aise; il s’en expliquera de vive voix à Paris. – Ce pendant, ses dérangements et ses prédications se réfèrent à son oeuvre, mais il relira sa lettre souvent.

Informations générales
  • T1-381
  • 346
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.381
  • Orig.ms. ACR, AD 12; D'A., T.D. 21, n. 197, p. 119.
Informations détaillées
  • 1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 EPISCOPAT
    1 FONDATEUR
    1 FRANCHISE
    1 SALUT DES AMES
    1 SENS DES RESPONSABILITES
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOEU DE TURIN
    2 BERNARD DE CLAIRVAUX, SAINT
    2 DOMINIQUE, SAINT
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 IGNACE DE LOYOLA, SAINT
    2 LAURENT, CHARLES
    2 SAGE, ATHANASE
    3 MIREMAN
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le] 1er fév[rier 18]54.
  • 1 feb 1854
  • [Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Vos deux lettres du 29 et du 30 me sont arrivées en même temps, quelques heures après que je vous avais écrit; elles m’ont trouvé très bien disposé. En me rendant à Mireman, où nous avions la Saint-Charlemagne, je pensais à vous et je me demandais pourquoi je vous témoignais si peu d’amitié, quand j’en avais une si grande dans le coeur. Il se trouve, laissant de côté tous mes raisonnements, qu’aimant un peu plus Notre-Seigneur, je me sentirais capable de beaucoup plus d’ouverture, car je serais bien moins gêné dans une affection où je fais tout passer par lui. C’est vous dire que vos si bonnes gronderies me mettent tout à fait à l’aise et me dilatent tout à fait[1]. Vous avez parfaitement raison. Je ne suis pas assez fondateur et je veux l’être davantage. Quand j’irai à Paris, je vous expliquerai ce que je fais pourtant, comme aussi je vous dois quelques explications:

1° Les dérangements que j’ai ici viennent presque tous de la maison ou de ce qui s’y rapporte;

2° Mes prédications pour les protestants ont réveillé déjà quelques vocations religieuses.

Une fois cela dit, je vous accorde que vous avez très fort raison, et je vous promets de garder avec moi votre lettre pour la relire souvent, jusqu’à ce que je me sois corrigé. Continuez, ne vous découragez pas. Je baise en esprit les pieds de ma chère fille, qui se montre si parfaitement mère à mon égard.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Dans sa lettre du 29 janvier, Mère M.-Eugénie s'inquiétait de ce que le P. d'Alzon disperse son zèle apostolique au détriment de ses responsabilités de fondateur:
<<Sérieusement, mon cher Père, voici les pensées qui me préoccupent pour vous. On n'est père, dans la vie spirituelle et surtout en religion, que par la doctrine spirituelle que l'on transmet aux siens et dont on les nourrit. L'autorité n'est donnée aux supérieurs que pour exercer une constante sollicitude de perfection, d'avancement, de développement de l'esprit propre à l'Ordre dans chaque religieux et dans chaque maison: *Qui proest in sollicitudine.* Eh bien! mon cher Père, je trouve que vous êtes toute espèce de choses bonnes, excepté cela pour les vôtres, et c'est à cela directement que j'attribue votre infécondité dans l'ordre des vocations. Que vous ne soyez pas cela pour les vôtres me frappe tristement dans votre maison d'ici, dans mes rapports avec le P. Laurent, dans tous les rapports que j'aie jamais eus avec vos religieux. Il y a un certain temps, votre santé étant plus brisée, j'ai cru vous voir dans un état de recueillement plus grave d'où sortirait, avec la maturité de l'âge, cet esprit de perfection religieuse pour les vôtres qui, s'il vous possédait, vous presserait de les faire avancer à toute heure, avec amour, avec force, avec patience, avec une flexibilité qui saisirait tous les caractères et qui aurait toujours quelque chose à leur demander. si cet esprit ne vient pas à vous posséder, tout ce que vous faites pour l'Assomption est vain. Le moindre rapport avec vos religieux éloignerait toute vocation vraiment religieuse, et, croyez-moi, c'est ce qui explique que vous en ayez si peu dans vos élèves. Il n'y a pas besoin de s'en rendre compte, on ne sent pas là une vie, une doctrine spirituelle qui se répande du chef sur les membres, on ne sent pas qu'en se livrant, en se laissant pétrir, on sera enseigné, formé, porté jusqu'à un type de vie religieuse.
<>
Dans les *Premières Constitutions,* 1855-1865, p. 17, nous avions noté, avec le P. sage, que les remarques de la Mère ne manquaient pas de perspicacité. En effet, si le P. d'Alzon par son voeu de Turin avait renoncé aux honneurs de l'épiscopat, c'était pour en assurer d'une autre manière, par sa famille religieuse, quelques-unes des responsabilités à l'égard non pas d'un diocèse, mais de toute l'Eglise. C'est en ce sens que l'Assomption est une Congrégation apostolique dans la lignée des apôtres, comme les évêques, mais sous leur dépendance, et dans la plus filiale soumission aux directives du Saint-Siège. Saint Dominique, au XIIIe siècle, saint Ignace au XVIe, avaient conçu de cette manière la vie apostolique de leur Ordre, avec la caractéristique que confère au sacerdoce la vie religieuse, toute à la proclamation de l'idéal évangélique. *C'étaient des maîtres spirituels,* dans le sillage desquels se plaçait le P. d'Alzon fondateur de l'Assomption *(Lettres* 659, 753).