Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.398

19 mar 1854 Nîmes, KAJZIEWICZ Jérôme cr

Les propositions des Polonais pour l’union des deux Congrégations se réduisent à accepter leur règle. Un pareil langage supposerait plus d’ancienneté et plus de religieux. L’autre marche à suivre serait d’examiner si le but et l’esprit sont les mêmes. – Quatre questions dont l’examen s’imposerait tout d’abord. – Les Assomptionistes vont à l’union avec confiance; les Résurrectionistes, en mettant d’abord leurs droits en avant. – Si la règle des Résurrectionistes est faite, celle des Assomptionistes peut l’être sous peu; c’est même l’espoir de l’union qui en a retardé l’achèvement. – De plus, il faut tenir compte de la Congrégation des Religieuses de l’Assomption. – S’il s’agit d’accepter purement et simplement la Règle des Résurrectionistes, toute union devient impossible; mieux vaudrait créer une commission mixte pour en établir les bases et se revoir.

Informations générales
  • T1-398
  • 361
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.398
  • Orig.ms. ACR, AO 218; D'A., T.D. 40, n. 1, pp. 100-103.
Informations détaillées
  • 1 ASSOMPTIONNISTES
    1 BUT DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CONSTITUTIONS DE 1855
    1 ESPRIT DE L'ASSOMPTION
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 NOVICIAT
    1 PROJET D'UNION AVEC LES RESURRECTIONNISTES
    1 PROJETS D'UNION
    1 REGLE DE SAINT-BENOIT
    1 REGLES DES RELIGIEUX
    1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SUPERIEUR GENERAL
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 BENOIT, SAINT
    2 HUBE, JOSEPH
    2 JELOWICKI, ALEXANDRE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 FRANCE
    3 ROME
  • AU R. PERE JEROME KAJZIEWICZ
  • KAJZIEWICZ Jérôme cr
  • le 19 mars 1854.
  • 19 mar 1854
  • Nîmes,
  • Maison de l' Assomption
La lettre

Mon bien cher et Révérend Père[1],

J’ai trouvé ici votre lettre du 1er mars, que le P. Jelowicki a eu la bonté de me renvoyer. Je l’ai lue avec toute l’attention dont je suis capable et voici ce que je me crois autorisé à en conclure, c’est que tout ce que nous pouvons faire pour une réunion devra consister en ce que nous allions à vous. C’est ce que j’avais compris, du premier coup, dans ce que me disait votre Père supérieur lors de votre première lettre; c’est ce que je comprends un peu mieux encore[2] aujourd’hui. Il nous dit: [[Voulez-vous que nous nous réunissions? Rien de plus simple. Acceptez notre règle et nous serons unis]].

Si vous subsistiez depuis un demi-siècle seulement, si vous étiez considérablement plus nombreux que nous, rien ne serait plus naturel qu’un pareil langage. Mais, mon Père, songez que le nombre est à peu près égal des deux côtés, [que] nous datons de la même époque à deux ou trois ans près. Je ne sache pas qu’aucun bref[3] laudatif soit venu confirmer vos règles, qui, vous l’avouez, ne datent à proprement parler que de deux ans. Si donc c’est sur ce terrain que vous voulez vous placer, permettez-moi de vous le dire, il n’y a rien à faire. Fussiez-vous plus nombreux que nous en ce moment, ce que j’ignore, nous le serons bientôt plus à notre tour. C’est dans la nature des choses, à moins de circonstances extraordinaires que [vous][4] ne pouviez prévoir l’été dernier. Voyez tout d’abord, mon Père, où nous entraînera la discussion sur ce terrain.

Il me semble que vous aviez accepté une autre marche et que le P. Jelowicki l’a acceptée, il y a trois mois, il y a huit jours. Ce serait d’examiner si notre but est le même, si notre esprit est commun. Cela posé, tout le reste n’est plus qu’une question de moyens, sur quoi il serait facile de s’entendre; tandis que, au contraire, si votre Père supérieur se pose avant tout comme défenseur de sa règle, il est évident que le seul moyen de s’unir à lui, c’est d’adopter sa règle. Prétention facile à admettre chez une Congrégation ancienne et nombreuse, mais que je ne puis concevoir dans la situation où nous sommes les uns par rapport aux autres. Vous avez fait des voeux, nous aussi nous avons les nôtres. Mais, au fond, vous savez très[5] bien que, puisque le Saint-Pre désire la réunion des petites Congrégations naissantes, rien ne serait plus facile que d’obtenir des dispenses s’il y avait lieu.

Permettez-moi donc de faire appel à vos souvenirs et à l’approbation du P. Jelowicki. Je ne comprends pas d’autre marche à suivre que l’examen des questions suivantes:

1° une réunion est-elle désirable pour les uns et pour les autres?

2° Cette réunion peut-elle reposer sur un esprit religieux commun?

3° Peut-on de part et d’autre, se proposer un même but à atteindre, dans un même esprit religieux?

4° Quelles règles sont les plus aptes à atteindre ce but? Et sur ce chapitre alors vous nous trouverez très faciles, et, vous le savez bien, mon Père, si faciles que nous vous confierons le noviciat, si vous le voulez accepter.

Vous le voyez donc, de notre part, nous ne demandons pas mieux que d’aller en confiance, tandis que, permettez-moi de le dire, c’est vous qui, du premier coup, posez la question de vos droits[6]* au nom de votre règle préexistante. Votre règle, direz-vous, est faite. Mais, mon Père, avec les décisions que nous avons prises, la nôtre le sera, aussi développée que la vôtre, avant quinze jours. Et, je vous l’avoue, une des causes qui m’ont fait retarder sa rédaction depuis un an, c’est l’espoir que nous n’en aurions, vous et nous, bientôt qu’une. Je ne voudrais pas que ce qui, de notre part, est une preuve de bonne[7] volonté, fût le prétexte d’un avantage que vous prendriez dans la discussion.

Je n’ai aucune répugnance personnelle à la règle de saint Benoît, et la supérieure de l’Assomption l’accepterait peut-être, — ce que je ne veux pourtant pas affirmer –; mais ce que je ne puis accepter, c’est qu’on agisse sans tenir compte de la Congrégation des femmes. Nous n’avons encore avec elles[8] que des relations d’amitié; mais si plus tard nous sommes leurs supérieurs, je tiens à ce qu’il soit constaté que nous les avons fait intervenir comme partie contractante[9]. Vous vous rappelez que, dans le temps, je ne voulais avoir avec ces Dames que des rapports bénévoles, et que votre avis modifia le mien et me fit accepter les rapports futurs entre les deux Congrégations de l’Assomption sur une autre base. Et, pour vous le dire[10] en passant, je voudrais que cette déférence avec laquelle je me rangeais à votre avis fût une preuve de la manière dont il nous serait possible de nous entendre, pourvu que [vous] consentissiez[11] à suivre une voie plus large que celle indiquée par votre Père supérieur.

Ainsi, je le répète, s’il ne s’agit que d’accepter votre règle pour nous unir à vous, je crois tout d’abord inutile d’aller plus loin. Si, au contraire, deux Congrégations naissantes, ayant un même esprit et un but commun, veulent mettre leurs règles en harmonie, je ne demande que de prendre deux religieux avec moi, vous en prendrez autant que vous voudrez, et quand, de part et d’autre, nous aurons été d’accord, le supérieur sera polonais ou français, le Conseil sera composé en majorité de Français ou de Polonais, peu nous importe[12]. Je garantis, pour les miens, que nous ne nous en préoccuperons pas plus qu’à l’Assomption des religieuses on ne s’inquiète de choisir, pour le Conseil, des Françaises ou des Anglaises [13]. Enfin, et pour la dernière fois, le noviciat vous étant offert en commençant, quelle meilleure preuve pouvons-nous vous donner que nous avons confiance en vous?

Si mes explications vous conviennent, je désirerais que nous pussions nous voir à Paris, du 15 mai au 1er juillet. Dans ces six semaines, nous pourrions faire bien des choses. Si les bases que je me permets de vous indiquer ne peuvent être acceptées par votre Père supérieur, permettez-moi de me contenter de réclamer votre bonne amitié et celle des vôtres, mais je ne pense pas qu’il faille aller plus loin.

Veuillez agréer, mon Révérend Père, et faire agréer aux vôtres l’hommage de mon dévouement en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. Nous avons de cette lettre le texte autographe du P. d'Alzon, reproduit par le P. Vailhé pour la Cause, et une copie (AS 9) que fit faire le P. d'Alzon avec quelques annotations de sa main: la date: *Nîmes, 19 mars 1854;* l'adresse: A *mon Révérend Père Jérôme Kajziewicz;* la finale : Veuillez agréer, mon Révérend Père, *l'expression de mon bien entier dévouement;* et enfin la raison d'être de la copie: *Ma mauvaise écriture m'a forcé à faire recopier ma lettre.* -Nous relevons en notes les variantes de la copie qui pourraient modifier le sens de certains passages, sans les attribuer au P. d'Alzon lui-même.
2. La copie porte: *encore* un peu mieux aujourd'hui.
3. La copie porte: qu'*un* bref laudatif.
4. La copie porte: que *vous* ne pouviez prévoir.
5. La copie porte: vous savez *trop* bien que.
6. La copie porte: de *vos droits.*
7. La copie porte: une preuve de *notre* bonne volonté.
8. La copie porte: nous n'avons encore avec *elle.*
9. La copie porte: comme partie*s* contractante*s*.
10. La copie porte: *pour le dire.*
11. La copie porte: pourvu que *vous* consentissiez.
12. La copie porte: peu nous importe*ra*.
13. Le P. d'Alzon comme fondateur d'une congrégation devant relever de Rome et au service de l'Eglise universelle dans le cadre d'une Eglise locale, s'est toujours placé au-delà des susceptibilités nationales, soit dans l'acceptation des sujets, soit dans la répartition des charges. Au chapitre de la charité mutuelle, la *Règle de l'Assomption* demande aux religieux: <>.
Lorsqu'il sera question d'unir l'Assomption à l'ordre augustinien, soit des Chanoines réguliers, soit des Ermites de Saint Augustin, le P. d'Alzon refusera l'appellation *d'Augustins de France,* de trop restrictive, et préférera celle *d'Augustins de l'Assomption,* que ne limite aucune frontière.