Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.410

9 apr 1854 [Nîmes, ESCURES Comtesse

Elle devrait lui écrire plus souvent. – Puisse la semaine sainte l’aider à apaiser ses incertitudes. – Elle doit traiter ses affaires comme affaires. – Il accepte de l’y aider. – Il l’oblige à prendre soin de sa santé.

Informations générales
  • T1-410
  • 372
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.410
  • Orig.ms. ACR, AN 53; D'A., T.D. 38, n. 53, pp.192-195.
Informations détaillées
  • 1 CONTRAT NOTARIE
    1 CREANCES A PAYER
    1 EFFORT
    1 ENERGIE
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 INCONSTANCE
    1 INTERETS DU CAPITAL
    1 LACHETE
    1 MALADIES
    1 ORAISON
    1 SANTE
    1 SEMAINE SAINTE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VOIE UNITIVE
    2 COURTOIS, RAYMOND DE
    2 SIBERT, BARON DE
    3 NIMES
    3 PONT-SAINT-ESPRIT
    3 VALBONNE
  • A MADEMOISELLE AMELIE DE PELISSIER
  • ESCURES Comtesse
  • le 9 avril 1854]. Dimanche des Rameaux
  • 9 apr 1854
  • [Nîmes,
  • Mademoiselle
    Mademoiselle de Pélissier
    13, avenue Marbeuf, près les Champs Elysées
    Paris.
La lettre

Ma chère fille,

Il me semble qu’il y a une petite contradiction entre le commencement et le milieu de votre lettre. Vous dites, en commençant, que vous avez besoin de vous épancher, et que c’est la compression où vous vivez qui vous empêche de vous tenir en présence de Dieu; puis, vous me dites que, si vous m’écriviez tous les huit jours, vous ne sauriez de quoi me parler. Si vous m’écriviez tous les huit jours, vous me parleriez un peu de ce qui vous comprime, de ce qui est au fond de votre coeur, et cela vous ferait du bien, et même, je crois, un grand bien. J’ai besoin d’assister à l’épanouissement de toutes vos pensées et de tous vos sentiments; ainsi j’espère que vous m’écrirez. Si vous m’adressez une lettre immédiatement, que ce soit à Nîmes; sinon, à Valbonne par le Pont-Saint-Esprit, où je serai la semaine de Pâques.

Nous voilà dans la semaine sainte, et je voudrais bien qu’un temps si précieux vous fût utile pour apaiser vos incertitudes. Je me persuade quelquefois, mon enfant, que vous voulez en ne voulant pas. Voilà, il me semble, la grande raison de vos souffrances. Certes, aux pieds de Dieu on prend souvent des résolutions de piété, auxquelles on peut manquer; mais il me semble bien difficile que [vous] ayez, il y a quelque temps, pris des résolutions d’une tout autre espèce et qu’il n’en reste rien. Il y a, ce me semble, des promesses qui font cachet. Quoi qu’il en soit, je vais beaucoup prier pour vous tous ces jours-ci.

L’avis de M. de Sibert est parfaitement sage. Je crois que vous devez vous en servir auprès de M. de Courtois. Il est sûr que vous et votre soeur vous [vous] nuisez réciproquement. Souvenez-vous que les terres se vendent très bien en ce moment dans nos pays. Vous pourriez prévenir votre beau-frère que vous allez céder votre créance à quelqu’un. Peut-être cela le fera-t-il se hâter. Mais le conseil que je vous donnerais serait, supposé qu’il vous doive beaucoup pour les intérêts arriérés, de faire un sacrifice sur ces intérêts pour savoir à quoi vous en tenir. Evidemment, s’il voulait vendre, il aurait vendu depuis longtemps, et, d’autre part, comme M. de Sibert le dit, être obligé de vous payer le 4, quand il ne retire que le 2 1/2, c’est cruel et n’a pas le sens commun, c’est courir à sa ruine. Ecrivez-lui donc dans ce sens. Si vous voulez faire une concession à votre soeur, faites-la-lui sur les intérêts échus, mais profitez-en pour signifier: 1° que vous avez eu tort de n’être pas exigeante, puisque cela met votre soeur dans l’obligation d’accepter une faveur de vous; 2° que cette faveur, vous la faites bien volontiers comme réparation de votre négligence à traiter les affaires comme affaires; 3° que vous exigez qu’à partir du 1er janvier 1854 tout soit mis en règle et que, si l’on tarde, vous céderez votre créance chez un notaire. Il me semble qu’en facilitant les choses à ce point, personne ne peut trouver mauvais que vous exigiez de rentrer dans vos capitaux.

Cette ligne de conduite me semble si simple et si nette que personne ne peut avoir rien à dire. C’est clair comme le jour. Si maintenant vous voulez que je vous trouve quelqu’un, ou comme notaire, ou comme homme d’affaires, ce sera extrêmement aisé.

Ce dont vous m’aviez parlé et qui vous inquiète ne me préoccupe pas beaucoup; il y a de la maladie là-dedans. Mais c’est à cause de cela que je pense que vous êtes obligée de vous soigner. Vous pourriez arriver plus tard à un état déplorable, et je voudrais vous l’éviter. Croyez-moi, vous avez quelque chose à faire. Mon peu d’expérience me le dit, et je crois, mon enfant, que plus tard vous me reprocheriez de n’avoir pas usé de tous mes droits de père, pour vous obliger à prendre toutes les précautions physiques indispensables. J’espère donc que vous serez un peu plus obéissante et que vous ferez ce que je désire. Je vais bien prier le bon Dieu pour vous, chère enfant. Oh! pourquoi n’avez-vous pas un peu plus de volonté? Que de choses nous ferions! Je demande à Notre-Seigneur que cette énergie vienne vite: un peu de santé vous la rendrait.

Adieu, ma chère petite professe. Je conjure la Sainte Vierge de vous donner ce que je lui demande pour vous d’esprit de foi, d’oraison, d’humilité et de pureté. Votre père

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum