Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.540

26 apr 1855 Nîmes, CONGREGATION_ROMAINE

Différentes raisons qui justifient l’impression que le mouvement ultramontain traverse une phase de régression en France.

Informations générales
  • T1-540
  • 499
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.540
  • Orig. ms. ACR, AP 168; D'A., T.D. 40, n. 1, pp. 315-317.
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 BREVIAIRE ROMAIN
    1 CONCILE OECUMENIQUE
    1 CONCILE PROVINCIAL
    1 CONGREGATION DES RITES
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 CRITIQUES
    1 DOCTRINES ROMAINES
    1 DROIT CANON
    1 DROIT COUTUMIER
    1 ENCYCLIQUE
    1 EVEQUE
    1 GALLICANISME
    1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
    1 IGNORANCE
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 JURIDICTION ECCLESIASTIQUE
    1 NONCE
    1 OPINION PUBLIQUE
    1 PAPE GUIDE
    1 PROPRES DES DIOCESES
    1 PUBLICATIONS
    1 SAINT-SIEGE
    1 TIEDEUR
    1 ULTRAMONTANISME
    1 UNITE CATHOLIQUE
    2 ALOUVRY, GUY-LOUIS
    2 AUBERT, ROGER
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 CHALANDON, GEORGES
    2 CHATENAY, CHARLES-FREDERIC
    2 CHATROUSSE, PIERRE
    2 CLEMENT VII
    2 COEUR, PIERRE-LOUIS
    2 DONEY, JEAN-MARIE
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 EUGENE IV
    2 FELIX V
    2 FORTOUL, HIPPOLYTE
    2 GUERANGER, PROSPER
    2 GUIBERT, JOSEPH-HIPPOLYTE
    2 JEAN-MARIE DULAU D'ALLEMANS, BIENHEUREUX
    2 LOUIS ALEMAN, BIENHEUREUX
    2 MARTIN V
    2 MATHIEU, JACQUES-MARIE
    2 MIOLAND, JEAN-MARIE
    2 PIE IX
    2 SACCONI, CARLO
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    2 THIBAULT, CHARLES-THOMAS
    2 VAILHE, SIMEON
    3 ARLES
    3 BALE
    3 BELLEY
    3 BESANCON
    3 FRANCE
    3 MONTAUBAN
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 ORLEANS
    3 PAMIERS
    3 ROME
    3 TOULOUSE
    3 TROYES
    3 VALENCE
    3 VIVIERS
  • CONGREGATION_ROMAINE
  • le 26 avril 185[5].
  • 26 apr 1855
  • Nîmes,
  • Evêché de Nîmes
La lettre

[NOTE SUR L’ETAT RELIGIEUX DE LA FRANCE]

Voyage de Rome 1855[2].

On ne peut se dissimuler qu’en ce moment il n’y ait en France un mouvement en sens inverse de celui qui s’était manifesté depuis environ quinze ans[3], et qui tendait à resserrer de plus en plus les liens de l’unité catholique. Ceci est un fait accepté, je crois, par les gallicans et les ultramontains. Les gallicans triomphent et les ultramontains se sentent humiliés. Est-ce à tort ou à raison? Ce n’est pas ce que je veux examiner, je me borne à constater ce qui est incontestable.

A quoi faut-il attribuer cette impression, qui se développe tous les jours davantage?

1° Au silence qu’a gardé l’Univers après la dernière encyclique du Pape aux évêques de France[4]. On en a conclu que les opinions de l’Univers étaient blâmées. J’ai entendu deux évêques, celui de Nîmes et celui de Viviers[5], émettre cette idée très consciencieusement. Or, si l’ Univers est blâmé, comme il ne faut pas être plus ultramontain que le Pape, on peut sans difficulté (dit-on) adopter des opinions beaucoup plus modérées. Ces opinions sont celles de Nosseigneurs d’Orléans, de Besançon, etc.[6].

2° A la position prise par le nonce actuel[7] – Il trouve qu’il y a, en France, 12 évêques positivement romains, 12 positivement gallicans, et environ 60 qui flottent entre les deux. Il pense que c’est sur ces derniers qu’il faut s’appuyer. Il appelle les évêques ultramontains des exagérés, – c’est à moi-même qu’il a tenu ce langage –, et, quant à l’intention que je lui attribue de s’appuyer sur les évêques dits modérés, je la tiens d’un homme parfaitement respectable, à qui Mgr Sacconi l’avait exprimée. Or, si le nonce trouve qu’on est trop attaché au Saint-Siège, les amis de Rome en France se mettent bien vite au niveau de tiédeur qu’il paraît souhaiter. Je sais que des évêques, celui de Montauban, entre autres[8], lui ont fait de très sérieuses observations à cet égard.

3° A la manière dont les évêques affirment qu’il est facile d’obtenir des réponses contradictoires des Congrégations romaines. Il est certain que, dans la révision des conciles provinciaux, il y a eu de ces contradictions, et je me rappelle avoir entendu Monseigneur l’évêque de Toulouse[9] en citer, avec une certaine joie, quelques-unes[10].

4° A la conviction que le gouvernement français commence à se placer dans une ligne gallicane. Ainsi M. Fortoul[11] a déclaré que, s’il connaissait l’auteur du Mémoire sur le droit coutumier[12], il lui donnerait la croix de la Légion d’honneur.

5° A l’ignorance à peu près absolue en matière de droit canon, où se trouvent plus des trois quarts des évêques français. D’où il résulte qu’ils se croient tout puissants là où les saints canons ont fixé leurs droits. Les plus ultramontains sont très mécontents, quand le retour à la règle les force à se dépouiller [de] ce qu’ils croyaient de l’essence de leur autorité. Ainsi la plupart des évêques ultramontains ont donné sur les bréviaires particuliers des décisions, qui ont été peu à peu contredites par des réponses que la Congrégation des Rites adressait à des évêques gallicans, (celui de Valence[13], par exemple).

Si les évêques ultramontains sont en défaut, qu’est-ce des évêques gallicans? Un évêque (celui de Montpellier)[14] envoie à Rome le propre de son diocèse, dans lequel se trouve la fête de Louis Lallemand [sic], archevêque d’Arles et président du concile de Bâle: il fut canonisé par un antipape[15]. Le dernier archevêque d’Arles[16] faisait dire une messe de mort le jour fixé pour la fête de ce singulier saint. J’ignore si la Congrégation des Rites a approuvé cette fête, et bien d’autres énormités dont se plaignent les bons prêtres du diocèse de Montpellier. L’évêque de Troyes[17] persécute impunément tous les prêtres romains de son diocèse et n’a encore rien fait en faveur de l’Immaculée Conception. L’évêque de Belley[18] s’oppose, tant qu’il peut, à l’introduction du bréviaire romain. L’évêque de Pamiers[19] dispense de la résidence de chanoine M. Chatenet, afin de lui laisser la possibilité de soutenir les idées gallicanes dans la Gazette de France.

On pourrait multiplier à l’infini ces détails. Mais ce qui me frappe surtout et à quoi il faut attribuer principalement l’espèce d’affaiblissement que je signale dans l’amour pour les doctrines romaines, c’est le défaut de direction. Je ne puis que répéter ce que je me permettais de dire à un évêque[20], qui venait à Rome pour la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception et qui me demandait ma manière de voir […][21].

Notes et post-scriptum
4. Encyclique *Inter multiplices,* 21 mars 1853.1. Le P. Vailhé considère cette pièce comme la minute d'une lettre adressée *à une Congrégation romaine sans doute* et dont l'objet est une *note sur l'état religieux en France* (titre prêté).
Cette pièce a été mise dans une chemise, à l'en-tête de l'*évêché de Nîmes* et portant une date modifiée par le P. d'Alzon quant au mois: Nîmes le 26 *mars* 1854, mars étant remplacé par *avril.* Cependant *1854* doit être remplacé par *1855* en fonction du titre mis sur la chemise: *Voyage de Rome 1855*
2. Titre mis sur la chemise.
3. Ceci renvoie aux environs de 1840 (débuts de l'action de Dom Guéranger dans la liturgie)
5. Mgr Cart, de Nîmes, et Mgr Guibert, de Viviers.
6. Mgr Dupanloup, d'Orléans, et le cardinal Mathieu, de Besançon.
7. Mgr Sacconi.
8. Mgr Doney.
9. Mgr Mioland.
10. Rome intervint, à l'occasion de plusieurs conciles provinciaux, <>. (AUBERT, *Pontificat de Pie IX,* p. 272).
11. Ministre de l'Instruction publique et des Cultes.
12. Paris, 1852.
13. Mgr Chatrousse.
14. Mgr Thibault.
15. Il s'agit du Bx Louis Aleman (1390-1450), qui vécut à sa manière les dernières péripéties du grand schisme d'Occident. Il paraît au concile de Pise en 1409 et au concile de Constance qui voit l'élection de Martin V en 1417. Il devient archevêque d'Arles en 1423, gouverneur des Romagnes en 1424, cardinal en 1426. Après son échec à Bologne en 1428, il vit en disgrâce à Rome jusqu'en 1433. Entre temps s'est réuni le concile de Bâle et Eugène IV est devenu pape en 1431. Louis Aleman, sous prétexte de rejoindre son diocèse, s'enfuit de Rome, et, d'Arles, gagne le concile de Bâle en 1434. Imbu de la supériorité du concile sur le pape, il se rapproche de la majorité hostile à Eugène IV, refuse le transfert du concile en Italie et sa dissolution en 1437. Devenu président du concile pour dix ans, il fait déposer Eugène IV et élire Félix V en 1439. N'ayant pu rallier les princes à sa cause, il doit capituler et le fait à deux conditions: le maintien dans leur dignité des Pères conciliaires et la dissolution régulière du concile. Lui-même réintègre son archevêché et son titre de cardinal en 1449. A sa mort en 1450, des miracles ayant lieu autour de sa tombe, le concile d'Arles demande sa canonisation dès 1452. Il sera béatifié, le 9 avril 1527 par Clément VII.<> (*Vies des Saints,* O.S.B., Paris, 1950, IX, pp. 348-350). On comprend que ce politique contestable ne soit guère en odeur de sainteté auprès des ultramontains.
16. Bx Du Lau d'Allemans (1738-1792), évêque d'Arles (1775-1792).
17. Mgr Coeur.
18. Mgr Chalandon.
19. Mgr Aleuvry.
20. Mgr Doney, cf. Lettre du 5 novembre 1854 et *notes sur l'état (religieux) de la France.*
21. La suite manque.