Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.577

18 aug 1855 [Nîmes, CLERGE_ET_FIDELES

Gloire à Dieu et paix aux hommes, telle fut la devise et tel est le résumé de l’apostolat de Mgr Cart. – Ce qu’il a fait pour son diocèse en fait d’apostolat et de charité. – Ce qu’il a fait pour son clergé, pour les écoles catholiques. – Son amour peut- être excessif de la paix. Il sut s’élever au dessus de toutes nos révolutions et maintenir son indépendance. – Manière dont il a contribué au retour de son diocèse vers le centre de l’Eglise. – Sa part au concile provincial d’Avignon et tout ce qu’a fait ce concile. – Retour du diocèse à la liturgie romaine qu’il a préparé. – Son regret de ne pouvoir lui-même se rendre à Rome pour rendre compte de son administration. – Sa joie d’y envoyer l’un de ses vicaires généraux. – Sa sainteté au milieu de ses souffrances et de sa mort. – Prières pour obtenir un successeur digne de lui.

Informations générales
  • T1-577
  • 537
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.577
  • D'après l'*Univers* du 31 août 1855. - D'A., T.D. 40, pp. 2-11.
Informations détaillées
  • 1 AMES DU PURGATOIRE
    1 AMITIE
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DU PAPE
    1 APOSTOLAT
    1 APOSTOLICITE
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 AUTORITE PAPALE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CLASSES SUPERIEURES
    1 CLERGE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONCILE DE TRENTE
    1 CONCILE OECUMENIQUE
    1 CONCILE PROVINCIAL
    1 CONFIRMATION
    1 CONGREGATIONS DE FEMMES
    1 CONSENTEMENT
    1 CONSTITUTIONS PONTIFICALES
    1 CORPS DE JESUS-CHRIST
    1 DEVOIRS DU PRETRE
    1 DIEU LE PERE
    1 DROIT CANON
    1 DROITS DE DIEU
    1 ECOLES
    1 EDUCATION
    1 EGLISE CELESTE
    1 EGLISE MILITANTE
    1 ENFANTEMENT DES AMES
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPISCOPAT
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 ESPRIT DE L'EGLISE
    1 ESPRIT FAUX
    1 EUCHARISTIE
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 FIDELITE
    1 FOI
    1 FUTURS PRETRES
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 HONNEURS
    1 HUMILITE
    1 IDEES DU MONDE
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 INDEPENDANCE CATHOLIQUE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JANSENISME
    1 LITURGIE ROMAINE
    1 LITURGIES PARTICULIERES
    1 LIVRES
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MALADIES
    1 MAUX PRESENTS
    1 NOEL
    1 OEUVRES DE PIETE
    1 ORGANISATION DES ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 OUBLI DE SOI
    1 PAIX DE L'AME
    1 PATIENCE
    1 PELERINAGES
    1 PEUPLE
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PREDICATION
    1 PREMIERE COMMUNION
    1 PRETRE SECULIER
    1 PRIERES PUBLIQUES
    1 PROTESTANTISME
    1 PRUDENCE
    1 REFORME LITURGIQUE
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 RETRAITES PASTORALES
    1 REVOLUTION
    1 SAINT-SIEGE
    1 SAINTS
    1 SALUT DES AMES
    1 SAUVEUR
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 SOLITUDE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 SYMPTOMES
    1 SYNODES DIOCESAINS
    1 THEOLOGIE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 BENOIT LABRE, SAINT
    2 BESSON, LOUIS
    2 BOUCARUT, JEAN-LOUIS
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 CHAFFOY, CLAUDE-FRANCOIS DE
    2 CHAMON, ANTOINE-JACQUES DE
    2 CLIFTON, ANNA
    2 COUDERC, FELIX
    2 DEBELAY, JEAN-MARIE-MATHIAS
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 GERMAINE COUSIN, SAINTE
    2 GUERANGER, PROSPER
    2 HERICOURT, BENIGNE-URBAIN D'
    2 JEANNE-ANTIDE THOURET, SAINTE
    2 LA PARISIERE, JEAN-CESAR ROUSSEAU DE
    2 PIE IX
    2 PIE VI
    2 PIERRE, SAINT
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    2 VERMOT, ALEXANDRE
    3 ARTOIS
    3 AVIGNON
    3 LANGUEDOC
    3 NIMES
    3 NIMES, COLLEGE SAINT-STANISLAS
    3 NIMES, DIOCESE
    3 ROME
    3 SOMMIERES
  • [MANDEMENT DE MM. LES VICAIRES GENERAUX CAPITULAIRES *du diocèse de Nîmes, le siège vacant, qui ordonne des prières pour le repos de l'âme de Mgr Jean-Francois-Marie Cart, évêque de Nîmes, et pour demander à Dieu qu'il lui donne un successeur.*]
  • CLERGE_ET_FIDELES
  • le 18 août 1855 vers].
  • 18 aug 1855
  • [Nîmes,
La lettre

Nos très chers Frères,

Lorsque, il y a dix-sept ans, Mgr Jean-François-Marie Cart vint prendre possession du siège de Nîmes[2] et monter, pour la première fois, dans la chaire de son église cathédrale, les paroles dont il se servit pour annoncer son arrivée parmi nous furent les mêmes que les anges avaient fait retentir dans le ciel, lorsque le Fils de Dieu avait pris possession du monde, dans l’étable de Bethléem: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté! Tel fut le premier salut du pontife dont nous pleurons la perte, et c’est à vous, nos très chers Frères, à dire si ce cri parti de son coeur n’a pas été la devise et le résumé de son apostolat.

Que voulait-il, en effet, que la gloire de Dieu? Et avec quel désintéressement de sa propre gloire, avec quel oubli de lui-même, avec quel profond dévouement ne l’avons-nous pas vu la poursuivre, sous le poids de fatigues et de travaux qui ont abrégé sa vie! Et quant à la paix qu’il souhaitait pour tous, son zèle pour la conversion des pécheurs, son application à pousser les âmes pieuses dans les voies de la sainteté, et tout ensemble sa crainte de heurter toute apparence de susceptibilités légitimes, cette prudente lenteur dans l’accomplissement des oeuvres qu’il désirait le plus, nous feraient presque dire qu’il l’a aimée avec excès, si nous ne l’avions vu patient, sans doute pour attendre le moment favorable, mais inébranlable, même entre les bras de la mort, quand l’heure d’agir lui semblait arrivée[3].

A peine au milieu de nous, ne le vîmes-nous pas jeter un coup d’oeil sur son vaste diocèse, en étudier les difficultés, le parcourir avec une infatigable ardeur? Que de fois, brisé par la maladie et brûlé par la fièvre, ne nous apparut-il pas avec des forces nouvelles, dès qu’il fallait distribuer le pain eucharistique et le pain de la parole aux populations accourues sur son passage, ou aller chercher dans nos vallées les plus obscures et au sommet de nos montagnes ces âmes saintes et croyantes, avec lesquelles son âme d’évêque trouvait tant de bonheur à se mettre en contact! Tous, à ses yeux, avaient des droits aux grâces dont il était le distributeur: et ceux à qui il communiquait les dons du Saint-Esprit, et les brebis d’un autre troupeau que la curiosité ou l’estime si puissante de ses vertus attirait au pied de sa chaire, et les petits enfants dont sa main allait chercher le front avec une joie de père, et jusqu’à la dépouille de ceux dont il voulait, avec un saint respect, bénir la dernière demeure.

Tous avaient part à sa charité[4]. Mais, il le comprenait, un aussi vaste troupeau avait besoin de plus d’un pasteur, et les saintes maisons où se prépare de loin l’espérance du sacerdoce furent sa sollicitude constante. A mesure que les jeunes élèves du sanctuaire s’approchaient davantage de l’autel, ils devenaient l’objet d’une plus inquiète tendresse; et, bien qu’il les eût confiés à des prêtres distingués par leur science et leur piété, il voulait leur parler lui-même et leur donner ces conseils de père, qu’il puisait dans sa longue expérience des âmes, dans sa connaissance du danger, dans son amour pour ses coopérateurs, dans son désir incessant d’étendre le règne de Jésus-Christ.

Cette préoccupation éclatait surtout dans les retraites pastorales, et lui faisait prendre la parole pour entourer ses prêtres de ces avis qui ne tombent bien que de la bouche d’un évêque. Comme alors il se mettait à la disposition de tous, et, sans montrer la moindre fatigue, entrait pendant de longues heures dans les moindres détails! Par ces rapports intimes, il pénétrait le coeur de ses prêtres, et, en même temps, il leur découvrait le sien et se révélait à eux avec cette affection si vive et ce respect qu’il avait droit de réclamer pour lui, parce que personne plus que lui n’en donna le constant exemple [5].

Les prêtres eux-mêmes ont besoin d’auxiliaires. Notre pasteur voulut leur en procurer. Jamais il n’était plus heureux que lorsqu’il pouvait bénir l’établissement d’une nouvelle école, dirigée par ces hommes dont l’humble science et le dévouement se consacrent aux enfants du peuple[6].

L’avenir des jeunes filles dans nos villages ne l’intéressait pas moins. Chargé, avant de venir chez nous, d’une Congrégation religieuse vouée à ce genre de bien[7], il en attira dans Nîmes une colonie déjà féconde, afin de combler des vides nombreux et de fournir à MM. les curés les moyens de jeter dans leurs paroisses une plus abondante semence de piété.

Le soin de préparer l’éducation du peuple lui prit sans doute un temps considérable, mais nous savons aussi quelle valeur il attachait à la régénération des classes supérieures, et tout ce qu’il a donné de soins à ces pieuses maisons, où un enseignement plus relevé se distribue aux filles de parents plus fortunés, prouve que, s’il était l’ennemi de toutes prétentions religieuses, il cultivait avec amour tout genre d’instruction et bénissait avec préférence, dans les pensionnats de jeunes personnes, les efforts d’une vertu plus solide parce qu’elle est plus simple.

Si le zèle pour la gloire de Dieu le dirigeait dans ces divers travaux et dans tant d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ici, son désir de la paix le portait à agir encore plus par la prière et par ses supplications secrètes au pied du trône de Dieu que par des moyens humains, dont il avait une naturelle horreur. Combien de fois ce même amour de la paix lui a fermé la bouche et imposé un silence qui n’a pas toujours été compris! Il redoutait les discussions irritantes et se tint toujours loin de toute opinion en apparence exagérée. Ce lui était une profonde souffrance de voir les autres ne pouvoir jouir de ce bienfait de la paix. Et toutefois, nos très chers Frères, vous savez aussi bien que nous comment sa parole ardente cherchait à remuer le remords dans l’âme des pécheurs et les poursuivit dans les refuges qu’une volonté affaiblie par le mal est si habile à découvrir. Alors la cause de Dieu et l’intérêt de ses enfants lui faisaient trouver les inventions merveilleuses d’une charité, dont un si grand nombre parmi vous goûtent les inestimables fruits.

D’autres que vous demanderont peut-être quelle fut sa ligne de conduite à travers les révolutions difficiles que nous venons de traverser. Répondez-leur qu’il sut, au-dessus de toute opinion, placer son immense amour pour l’Eglise, s’élever dans cette sphère supérieure où la cause de Dieu et celle de la société se confondent, et, faisant sans efforts bon marché de ses intérêts personnels comme des honneurs qui venaient le chercher, maintenir l’indépendance convenable au caractère d’un évêque, afin de prêcher plus à l’aise le respect dû aux pouvoirs établis d’en haut[8].

Saint pour lui-même, apôtre pour son peuple, il lui fut donné de prendre part au grand travail de reconstruction qui s’opère aujourd’hui au sein de l’Eglise catholique, et qui sera tout à la fois, dans les temps modernes, la plus grande manifestation de la gloire de Dieu ici-bas et le plus puissant moyen de rendre la paix véritable aux âmes troublées par les bouleversements de la raison et les révolutions de nos sociétés.

Vous le savez, nos très chers Frères, des opinions que nous n’avons pas à examiner ici avaient depuis longtemps relâché les liens qui doivent unir les membres de l’Eglise à leur chef. La sève chrétienne ne circulait plus avec la même liberté de la racine aux branches, et c’est pour cette triste cause qu’il faut expliquer sans doute comment, tandis que les autres nations ont produit, depuis deux cents ans, tant de saints, la France a dû, pour fournir son contingent, aller chercher dans les derniers rangs du peuple un pauvre mendiant de l’Artois, l’humble bergère d’un village du Languedoc[9]. Les choses n’iront pas toujours ainsi; ma is pour que les grâces destinées à former les hommes extraordinaires coulent de nouveau, il faut que les yeux se tournent vers le centre de l’unité, là où reposent les trésors de l’ Esprit qui fait les saints.

Or, c’est à ce merveilleux effort de retour vers une unité plus grande et plus féconde que notre saint évêque a contribué pour sa part, autant qu’il était en lui, par différents travaux dont nous voulons vous dire encore quelque chose.

Une des plus grandes grâces, nos très chers Frères, que Dieu dans tous les temps ait accordées à son Eglise est, à coup sûr, la tenue des conciles dont nous avons été les témoins[10]. Ces vénérables assemblées où les évêques se réunissent dans la retraite et la prière, s’entourent de l’élite de leur clergé, méditent sur les maux à guérir, les erreurs à condamner, les réformes à opérer, les institutions plus générales à opérer, sont sans contredit un des moyens les plus puissants de communiquer une vie nouvelle aux pasteurs et aux troupeaux. Le saint concile de Trente réclame avec force la tenue de ces assemblées particulières, et la voix de Pie IX a été, de nos jours, l’écho prolongé des prescriptions du dernier concile oecuménique.

Les ennemis de l’Eglise vont répétant sans cesse que nous avons des chrétiens sans société chrétienne, des prêtres sans clergé, des évêques sans épiscopat. Nous ne ferons point remarquer que ce que cette accusation a de vrai vient des obstacles apportés par ces mêmes hommes à la libre communication des membres de l’Eglise entre eux. Disons seulement que rien ne peut mieux que la résurrection des conciles provinciaux arrêter ce travail de pulvérisation et nous rendre, sous une forme appropriée aux besoins présents, ces institutions antiques qui, pendant plusieurs siècles, ont développé l’esprit chrétien dans le monde Jetons, pour nous en convaincre, un simple coup d’oeil sur tout ce qui a été fait dans le dernier concile d’Avignon[11]. Que de questions traitées et résolues, que d’abus retranchés, quelle puissante initiative prise sur une foule de points!

Ce cri d’amour, poussé avec tant d’éloquence vers la chaire de Pierre; presque toutes les erreurs modernes condamnées par la proclamation de la célèbre bulle Auctorem fidei[12]; les décrets sur les mauvais livres, préludes d’une question bien autrement grave; l’oeuvre des bibliothèques paroissiales fondée; la prière au Souverain Pontife de faire un dogme de l’Immaculée Conception de Marie; les dispositions prises pour revenir à l’unité dans la prière publique; les obligations des évêques indiquées; la nécessité des synodes recommandée; les rapports des différents membres du clergé formulés d’une manière plus nette; certains droits reconnus; plusieurs devoirs recommandés; les familles religieuses encouragées; les pieuses associations ramenées à leurs justes limites; une organisation de la charité signalée comme remède aux maux de la société présente; voilà, certes, plus qu’il n’en fallait pour une seule assemblée des évêques de la province.

On ne s’en était pas tenu là; et, en parlant des études ecclésiastiques, on avait exprimé le voeu de recevoir de Rome la faculté de conférer les grades ecclésiastiques. Rome, dans sa sagesse, jugea qu’il était nécessaire de différer la concession d’un privilège pareil. Mais depuis, nous le savons, elle s’est montrée plus favorable, et l’un de nous a recueilli, de la bouche même du Souverain Pontife[13], l’assurance que des facilités seraient accordées à tout évêque dont les prêtres désireront franchir les différents degrés de la théologie et du droit canon. Les Pères du concile d’Avignon auront l’honneur d’avoir provoqué ce moyen si puissant de ranimer dans le clergé l’amour de la science mère de toutes les sciences. Quelle part l’évêque de Nîmes prit-il à ces divers travaux? Ceux-là peuvent le dire qui le virent à l’oeuvre, et nous nous en rapporterons volontiers aux témoignages des collègues de son épiscopat, qui l’entourèrent d’une affection si respectueuse, et aux souvenirs de ce vénéré métropolitain qu’il eut toujours à coeur d’honorer comme un père et de chérir comme un frère aîné.

Ce sera une très grande gloire de l’ancienne Eglise de Nîmes, à l’époque où le goût des liturgies particulières avait envahi la France et s’efforçait d’inoculer, par la prière publique, des principes jansénistes presque victorieux, d’avoir, dans la personne de Mgr de la Parisière[14] et des membres du Chapitre d’alors, résisté à l’entraînement général. Si, sous le dernier épiscopat[15], un saint pontife crut devoir céder à une pression presque universelle, gardons-nous de le blâmer; sans doute, des raisons dont nous ne sommes point juges peuvent expliquer son oeuvre; D’ailleurs, le Saint-Siège gardait le silence. Mais dès que Rome se fut expliquée et eut manifesté ses désirs, il n’y avait plus à balancer et Monseigneur, malgré son profond respect pour tous les actes de son prédécesseur, n’hésita plus à revenir à la prière universelle. Oserons-nous vous le dire, nos très chers Frères? Ce sera une des meilleures époques de notre vie, que celle où il nous fut donné de concourir aux travaux nécessaires pour préparer le retour à la liturgie romaine! Qu’il nous a été bon d’entrer dans la pensée des Souverains Pontifes, lorsqu’ils nous déclarent qu’il importe de faire cesser les perturbations apportées au culte divin dans un trop grand nombre de lieux (1), et que, étant tous membres d’un seul corps, et participant tous à l’unité du même corps, qui est celui de Jésus-Christ, nous devons avoir une seule et même prière pour célébrer le redoutable sacrifice qui exprime l’union des hommes avec Dieu (2).

Notre pieux prélat n’a pu inaugurer parmi nous le retour à la liturgie de Rome, qui était aussi la nôtre depuis trois cents ans; mais les soins si consciencieux par lesquels il l’avait préparé prouvent, à la fois, et sa vénération profonde pour tout ce qui touche au culte de Dieu, et son filial attachement au centre de l’unité catholique[16];

Enfin, nos très chers Frères, que ne nous est-il permis de vous communiquer ces lettres par lesquelles il se consolait, vers la fin, de ne pouvoir aller porter lui-même au successeur de Pierre le tribut de son obéissance et de son amour? Avec quelle humilité il implorait le pardon du père commun des fidèles pour les moindres imperfections involontairement commises dans l’accomplissement de ses devoirs d’évêque! Avec quelle ardeur de foi il proclamait l’autorité de celui qui a été établi le pasteur des agneaux et des brebis! Ah! vénérés confrères, puisse cet esprit de dépendance et d’humble affection se perpétuer parmi nous! Puissions-nous, imitant notre pontife, apprendre à commander aux autres en leur donnant l’exemple d’une inébranlable soumission au prince des pasteurs!

Depuis plusieurs années déjà, il voulait aller porter lui-même le compte- rendu de son administration aux tombeaux des apôtres. Sa longue maladie le surprit, mais il voulu être remplacé par l’un de nous dans ce pèlerinage sacré[17]. Ce nous fut une pieuse joie de lui rapporter sur son lit de mort ces précieuses lettres dans lesquelles Pie IX lui envoyait, avec une bénédiction de père, comme un trésor de force dont notre saint malade avait besoin pour le suprême combat. Il semblait, en effet, attendre ce dernier adieu du chef de l’Eglise visible pour aller prendre sa place dans l’Eglise de l’éternité. Nous le vîmes alors, pendant que son corps s’affaiblissait, épuisé par les tortures physiques, redoubler de courage et de foi; tantôt chercher une solitude plus profonde, où l’amitié le surprit parfois se livrant à des exercices pieux interdits, ce semble, à ses douleurs; tantôt faire réciter, auprès de son lit de souffrance, ces admirables prières par lesquelles la tendresse de l’Eglise semble détacher de ce monde l’âme de ses enfants et leur ouvrir les portes du ciel. Enfin, l’heure de la délivrance ayant sonné, après avoir béni tous ses prêtres dans la personne des prêtres de Nîmes, béni les communautés religieuses, tout son diocèse, ses enfants d’un autre bercail[18], dont sa voix expirante murmurait encore le nom, il s’endormit comme un serviteur fidèle après une longue journée de travail, se confiant à l’amour du père de famille et aux mérites infinis du Sauveur Jésus;

Après avoir payé notre tribut d’hommages et de regrets à celui qui n’est plus, qu’il nous soit permis, nos très chers Frères, de vous dire un mot de plus. Plusieurs motifs eussent dû nous porter à décliner l’honneur qui vient de nous être fait; et, sans entrer dans d’inutiles détails, laissez-moi vous dire que peut-être eussions-nous refusé une aussi grande preuve de confiance et réclamé du vénérable Chapitre de Nîmes un légitime repos, si nous n’eussions vu dans son choix bien moins un honneur pour nous qu’un dernier témoignage notre saint prélat. Aussi sa pensée sera-t-elle le mobile de notre administration. Nous continuerons, autant qu’il dépendra de nous, de faire comme il faisait, jusqu’à ce qu’il nous soit bientôt donné de remettre à un nouveau pasteur le soin de vos âmes et de votre salut.

L’esprit de Jésus-Christ, nos très chers Frères, vit toujours dans son Eglise, mais cet esprit veut, en quelque sorte, être excité par les supplications incessantes des chrétiens. Voilà pourquoi, à peine un évêque a-t-il rendu le dernier soupir, que des prières publiques sont ordonnées, afin d’obtenir un évêque nouveau selon le coeur de Dieu. Nous avons à fléchir la justice divine en faveur du pasteur qui nous quitte, nous avons à supplier le Pasteur suprême de ne point nous laisser orphelins et de nous envoyer un prélat digne de celui dont la tombe est à peine fermée. Elevons nos mains vers le ciel, afin d’obtenir un évêque embrasé de la charité de Jésus-Christ, plein d’amour pour les intérêts de l’Eglise, inébranlablement uni à la chaire immuable de Pierre, habile dans la science sacrée, capable d’en inspirer le zèle; en un mot, un pontife modèle en tout de son peuple, forma gregis ex animo.

Notes et post-scriptum
12. Constitution apostolique de Pie VI, 28 août 1794.
(1) Bulle *Quod a nobis.*
(2) Bulle *Quo primum.*1. Date approximative de la rédaction (cf. *Lettre* 538).
2. Jean-François-Marie Cart, né à Mouthe (Doubs), le 30 août 1799, fut nommé à l'évêché de Nîmes le 22 novembre 1837 et préconisé le 12 février 1838. Il fut sacré le 22 avril 1838 en la cathédrale de Besançon par NN. SS. Mathieu (Besançon), de Chamon (Saint Claude) et d'Héricourt (Autun). Il prit possession de son siège le 1er juillet 1838. - L'abbé BESSON futur évêque de Nîmes, écrivit dès 1856, en un volume in 12° de 456 pages, *la Vie de Mgr Cart,* paru à Besançon, et qui s'achève sur ces lignes:<>.
3. Rappelons ce mot de Mgr Cart écrit le 6 mars 1839, à propos de la nomination de ses vicaires généraux: <>. (BESSON, *op.cit.* p. 226).
4. <>, estimant que, si cette dépense convenait à son rang, elle ne convenait pas à son caractère. (BESSON, *op.cit.,* p. 367).
5. A ce propos, l'abbé Besson rapporte ce mot du P. d'Alzon: <>. - <>. *(op.cit.,* pp. 334, 337).
6. Parmi les réalisations scolaires qui virent le jour sous l'épiscopat de Mgr Cart, l'abbé Besson signale: la Maison de l'Assomption, fondée en 1838 par l'abbé Vermot et reprise en mains en 1844 par l'abbé d'Alzon, le collège de Sommières, confié en 1844 à l'abbé Boucarut et le collège Saint Stanislas, ouvert après 1850 sur les bases d'une simple maîtrise créée par Mgr Cart.
7. Il s'agit des Soeurs de la Charité de Besançon, fondées en 1799, à Besançon, par sainte Jeanne-Antide Théoret. Six d'entre elles arrivèrent à Nîmes en 1845.
8. "Je dois être l'évêque de tous disait Mgr Cart, mais je ne peux être l'homme de personne". Un jour voyant un drapeau tricolore dans une procession, il s'écria: "Que ce drapeau disparaisse, l'Eglise ne déploie dans ces fêtes qu'un seul étendard, c'est l'ëtendard de la croix". -Ce mot résume sa politique, écrit l'abbé Besson (*op.cit., pp. 379-380). Par trois fois il refusa la légion d'honneur: sous la Monarchie de juillet, la Seconde République et le Second Empire.
9. Saint Bonoît Labre (1748-1785), béatifié en 1860, canonisé en 1883, et sainte Germaine Cousin (1579-1601), béatifié en 1854 et canonisée en 1867.
10. Rappelons qu'il n'y avait plus eu de conciles provinciaux en France depuis 1727. Dans le climat de la liberté retrouvée après 1848, Mgr Sibour se fit le promoteur de leur restauration.
11. Le concile provincial d'Avignon, présidé par Mgr Debelay, se tint du 7 au 23 décembre 1849. Pour la participation du P. d'Alzon, voir sa lettre à du Lac du 1er janvier 1850 (*Lett.* III, pp. 523-528).
13. Le Père d'Alzon lui-même, dans son audience du 30 mai 1855. (cf. *Lettre 510).
14. Jean-César de la Parisière (1667-1736), nommë évêque de Nîmes le 11 juillet 1710. Il a laissé quelques écrits pour la défense de la constitution *Unigenitus*.
15. L'épiscopat de Mgr Claude-François-Marie Petit Benoît de Chaffoy (1752-1837), nommé évêque de Nîmes le 8 août 1817. - A propos de son action en matière de liturgie, voir la biographie de Couderc de Latour-Lisside, t. II, p. 272 et ss., Nîmes 1856.
16. "Le rétablissement de la liturgie romaine et de l'officialité diocésaine arrêté dès 1851, annoncé en 1854, consommé l'année suivante, compléta les mesures que le concile d'Avignon avait prises et dont le synode de Nîmes avait préparé l'exécution" (BESSON *op. cit.*, p. 400). - Rappelons que, sur la demande de Mgr Cart, le P. d'Alzon avait mis à contribution Dom Guéranger pour la préparation des textes à soumettre à Rome.
17. Le P. d'Alzon lui-même (cf. *Lettre* 520, note 2).
18. L'Eglise réformée, présente dans le diocèse de Nîmes; "Saint François de Sales, disait Mgr Cart, a rappelé, en quelques années, 72.000 brebis dans le bercail, et lorsqu'il a paru devant Dieu, il lui a présenté ces précieuses conquêtes de son amour paternel et de son zèle pastoral. Et moi? Quels sont les protestants que j'ai ramenés à l'Eglise? Une seule âme, ô mon Dieu, que votre grâce a convertie par mon ministère [...]", Il s'agit de Mlle Anna Clifton, fille de parents anglicans établis dans le diocèse. L'abbé Besson, qui rapporte ce trait, précise que cette conversion fut "la seule conquête que Mgr Cart fit publiquement sur le protestantisme, mais il eut d'autres victoires dont la prudence l'empêcha de parler" (BESSON, *op. cit*., pp. 345- 353).