Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.609

28 oct 1855 Nîmes, EVEQUES_DE_FRANCE

Historique de l’oeuvre de Saint-François de Sales. – L’accueil que firent à cette oeuvre le Pape Pie IX et le secrétaire de la Congrégation de la Propagande. – L’objection qu’elle ferait tort à la Propagation de la Foi en sollicitant la charité chrétienne. – La nécessité de lui faire une place entre l’oeuvre de la Propagation de la Foi et l’oeuvre de la Sainte-Enfance.

Informations générales
  • T1-609
  • 563
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.609
  • Orig. impr. D'A., T.D., p. 146. Après l'avoir copié, le P. Vailhé a renvoyé l'original imprimé chez Durand-Belle, imprimeur de l'évêché, 10 place du château, Nîmes.
Informations détaillées
  • 1 ASSOCIATIONS OEUVRES
    1 AUMONES RECUES
    1 BONTE
    1 BUDGETS
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 ENFANTS
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ESPRIT FAUX
    1 EVEQUE
    1 HERESIE
    1 LIVRES
    1 OEUVRES DE DEFENSE RELIGIEUSE
    1 OEUVRES DIVERSES
    1 PLANS D'ACTION
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RESSOURCES MATERIELLES
    1 SAINT-SIEGE
    1 VICAIRE CAPITULAIRE
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 DURAND-BELLE, IMPRIMEUR
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 PIE IX
    3 AMERIQUE
    3 ANGLETERRE
    3 FRANCE
    3 NIMES
    3 ROME
  • CIRCULAIRE AUX EVEQUES DE FRANCE
  • EVEQUES_DE_FRANCE
  • le 28 octobre 1855.
  • 28 oct 1855
  • Nîmes,
La lettre

Monseigneur,

Je me permets d’appeler votre attention sur une oeuvre commencée, depuis quelques années déjà, dans le diocèse de Nîmes, sur une échelle très modeste, et que je voudrais voir se développer. Je suis encouragé, par des paroles tombées de la bouche du Souverain Pontife, à donner à cette oeuvre une plus grande extension. Il s’agit d’examiner quels sont les moyens les plus propres à en assurer le succès; et c’est dans ce but, Monseigneur, que je me permets de réclamer, avec le concours de vos lumières, l’appui de votre autorité.

Vivant, depuis vingt ans déjà, dans un pays où les protestants sont en grand nombre, j’ai dû me préoccuper de leur propagande et j’ai été effrayé, quand j’en ai constaté les résultats. Le nombre d’enfants catholiques qu’ils nous enlèvent pour les faire élever dans l’erreur, des mauvais livres qu’ils répandent, des consciences qu’ils achètent, est beaucoup plus grand qu’on ne le pense communément. Il est devenu nécessaire d’opposer une digue à ces envahissements, et c’est pour l’essayer qu’on a fondé à Nîmes, sous le patronage de saint François de Sales, une association à l’aide de laquelle on se proposait de créer des ressources pour faire élever soit des enfants catholiques exposés à devenir protestants, soit des enfants protestants que leurs parents consentiraient à laisser élever dans la religion catholique.

Mgr Cart, dans le compte-rendu de son diocèse qu’il m’envoya porter à Rome, au mois de mai dernier, crut devoir signaler ces essais à l’attention de la Congrégation du Concile, et il reçut la réponse la plus encourageante pour continuer ce qui avait été entrepris.

Mais l’oeuvre de Saint-François de Sales ne devait pas, ce me semble, se borner à faire élever chrétiennement quelques pauvres enfants; et puisque nos frères séparés emploient plusieurs moyens d’attaque contre l’Eglise, n’est-il pas naturel que les catholiques aient recours à plusieurs moyens de défense? Dans une des audiences que le Saint-Père voulut bien me donner, je lui soumis les statuts de notre petite oeuvre, en même temps que je réclamai des grâces spirituelles pour l’une des maisons qu’elle a déjà fondées. Les indulgences que je sollicitais me furent accordées avec la plus grande bienveillance; et le Saint-Père prenait déjà la plume pour en accorder aussi aux membres de l’association, lorsque je lui fis remarquer que, ayant déjà parlé longuement de l’oeuvre avec Mgr Barnabo, secrétaire de la Congrégation de la Propagande, je désirais que celui-ci pût faire part de ses observations à Sa Sainteté. Le Saint-Père y consentit; mais il me dit, à plusieurs reprises, qu’il désirait voir l’oeuvre ne pas se borner à la France, mais s’étendre à l’Angleterre et à l’Amérique.

Le lendemain du jour où Mgr Barnabo avait été à l’audience du Pape, je me présentai chez lui ainsi qu’il avait été convenu; il me répéta les encouragements du Saint-Père, eut la bonté de me demander diverses explications qui me montrèrent avec quel soin les statuts de l’oeuvre avaient été examinés. En même temps, Mgr Barnabo me fit part de la seule objection que l’on pût élever contre notre projet:[[Vous avez besoin, me dit-il, de ressources matérielles; ces ressources ne diminueront-elles pas celles de la Propagation de la Foi?]] Comme, d’après plusieurs renseignements que j’avais déjà, j’étais sûr de voir l’oeuvre encouragée par plusieurs membres de l’épiscopat, je préférai retarder la demande d’une approbation plus solennelle, afin d’atteindre plus sûrement l’objet de mes désirs.

Permettez-moi, Monseigneur, de venir examiner devant vous la valeur de l’opposition que pourrait peut-être faire valoir le Conseil de la Propagation de la Foi; et, si vous trouvez ma réponse concluante, soyez assez bon pour vouloir bien me donner, vous aussi, les encouragements que j’ai obtenus déjà de quelques-uns de vos vénérables collègues. Je me permettrai de poser quelques questions qui aideront, je crois, à résoudre bien aisément toutes les difficultés.

1° N’est-il pas vrai que les sommes consacrées par l’Angleterre seule à des oeuvres de propagande protestante s’élèvent à 55 ou 60 millions par an?

2° N’est-il pas vrai que les ressources de la Propagation de la Foi ne s’élèvent pas au-delà de 4 millions?

3° Ne serait-il pas permis de penser qu’une des causes (je ne dis pas la seule) qui contribuent à établir cette différence de ressources, se trouve dans ce que les Anglais ont plusieurs oeuvres, tandis que les catholiques n’en ont qu’une seule?

4° N’est-il pas vrai que l’oeuvre de la Sainte-Enfance, dont les revenus s’élèvent (si je ne me trompe) à 900.000 francs, n’a point nui, cette année-ci du moins, à l’oeuvre de la Propagation de la Foi?

5° N’est-il pas vrai que, quand même l’oeuvre de la Propagation de la Foi verrait ses ressources un peu diminuées, si le budget total des deux oeuvres se trouvait atteindre un chiffre bien supérieur à celui du seul budget de la Propagation, ce serait un bénéfice évident pour la cause générale de l’Eglise?

La solution de questions ainsi posées me paraît tellement évidente qu’il me semble inutile d’insister davantage sur le point de vue financier. Mais, Monseigneur, j’ai à présenter d’autres questions encore, sur lesquelles je vous conjure de vouloir bien réfléchir:

1° N’est-il pas vrai que, pour peu qu’on lise attentivement les publications et les journaux protestants de toute espèce, on est frappé du mouvement que se donnent nos frères séparés pour faire des conquêtes sur les catholiques?

2° N’est-il pas vrai que, si l’on veut se mettre à leur égard sur un pied de défense convenable, il importe d’organiser une action analogue à celle qu’ils s’efforcent d’exercer; et, dès lors, qu’un plan de campagne est, en quelque sorte nécessaire?

3° N’est-il pas vrai que cet ordre d’oeuvres sort entièrement des attributions du Conseil de la Propagation de la Foi?

4° N’est-il pas vrai qu’il importe dès lors d’organiser un Conseil avec des attributions indépendantes?

5° N’est-il pas vrai que, pour que l’action du Conseil de l’oeuvre destinée à repousser les envahissements du protestantisme soit indépendante, il faut que les ressources matérielles dont ce Conseil pourra disposer le soient aussi; et, dès lors, n’est-il pas nécessaire de nous autoriser à nous procurer des fonds, comme on y a autorisé l’oeuvre de la Sainte-Enfance, bien qu’en dernière analyse son but semble se confondre bien plus que le nôtre avec le but que se propose l’oeuvre de la Propagation de la Foi?

Je me permets, Monseigneur, de soumettre ces observations à votre haute sagesse; et si Votre Grandeur les trouve fondées, je la conjure d’approuver le projet de règlement dont j’ai l’honneur de vous envoyer une copie. Il est bien entendu que ce projet pourra être modifié pour les détails, si la pensée qui l’a inspiré paraît utile aux intérêts de l’Eglise.

J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur

EMMANUEL D'ALZON. vicaire capitulaire.
Notes et post-scriptum