Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.153

9 nov 1856 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Son jugement sur l’abbé de Cabrières. Une grande solitude un peu prolongée lui fera le plus grand bien. -Démarches pour avoir le rectorat de Saint-Nicolas des Lorrains à Rome.

Informations générales
  • T2-153
  • 748
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.153
  • Orig.ms. ACR, AD 55; D'A., T.D. 22, n. 421, pp. 71-72.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 EGOISME
    1 PENSEE
    1 SEVERITE
    1 SOLITUDE
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 BRUN, HENRI
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 DROUELLE, VICTOR
    2 GILLY, ALFRED
    2 HOWLY, MARIE-WALBURGE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SABRAN, MADAME LOUIS
    2 WALEWSKI, ALEXANDRE-JOSEPH
    3 AUTEUIL
    3 NIMES
    3 PARIS, SEMINAIRE SAINT-SULPICE
    3 ROME, EGLISE SAINT-NICOLAS DES LORRAINS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 9 nov[embre] 1856.
  • 9 nov 1856
  • Nîmes,
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

J’ai fini, ce matin, avec Soeur M.-Walb[urge] ma conversation commencée hier sur notre cher abbé de C[abrières]. Il en résulte:

1° Que son influence est éclipsée par celle de Mme S[abran];

2° Qu’elle lui [a] tenu un langage parfait, que celui-ci est allé répéter tout chaud à la dite dame;

3° Que le mot ridicule, que j’ai employé hier, risquera bientôt d’être trop faible;

4° Que c’est chez notre saint abbé un système mystique;

5° Qu’il est dégoûté de tout, surtout de l’Assomption;

6° Qu’il voudrait faire quelque folie de sainteté;

7° Que, selon moi, il va être empaumé par les compliments de l’évêque, et alors, ou les ennuis que le jeune clergé lui causera le rejetteront vers nous, ou sous l’influence de l’évêque, nous le verrons perdre peu à peu les idées de l’Assomption et redevenir, sous la pression des compliments et d’un caractère plus fort que le sien, ce qu’il était en sortant de Saint-Sulpice.

Soeur M.-Walb[urge] m’a reproché de ne pas lui faire assez d’avances. Il paraît qu’il me trouve trop sévère en direction. Ajoutons que je ne l’ai confessé que deux fois au plus depuis six mois, et qu’il préfère l’abbé Barnouin. Usez de tout cela, si vous le jugez à propos.(1)

Quant à moi, il m’est clair que si, par vous, je puis avoir un mois [de] solitude à peu près à la Thuilerie ou partout ailleurs, je me rétablirai. Malgré un vrai travail, je vais assez bien et je sens le bonheur d’une heure ou deux passées dans ma cellule. Une grande solitude un peu prolongée me fera le plus grand bien. Adieu, ma chère fille. Je tâcherai de vous envoyer ce soir la lettre de Monseigneur pour le ministre.

E. D’ALZON.

Admirez-vous comme je ne vous parle jamais de vous, et toujours de moi. C’est un égoïsme d’amitié merveilleux. Je voudrais bien savoir comment vous l’interprétez.

Dimanche soir.

Puisque cette lettre n’est pas partie, je vous dirai que je suis déjà entré dans le sens du petit billet que vous m’écrivez, et que j’ai déjà préparé M. Barnouin.(2) L’évêque m’a promis la lettre pour le ministre des Affaires étrangères. J’en ai fait la minute; il la signera ce soir ou demain matin. Peut-être vous l’adresserai-je. Adieu.

E. D’ALZON.

Lundi matin. -Je pense que la lettre de l’évêque pour M. Walewski partira ce matin.(3)

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le 11 novembre, Mère M.-Eugénie écrira: "M. de Cabrières vient de nous faire ses adieux [...] Je crois que ce petit voyage lui aura été très bon. Je m'étais bien gardée de lui parler de Mme S[abran]; il faut laisser des sujets si délicats à ceux qui jouissent particulièrement de la confiance et de l'amitié des gens. Je ne suis pour Anatole qu'une personne *du dehors*; Soeur M.-Walburge peut plus que moi pour l'influencer et je reste convaincue qu'elle et vous petit à petit pouvez l'amener à l'Assomption par douceur et par amitié plus que par des observations ou des blâmes. On a encore besoin, je crois, de beaucoup les habiller avec lui. Il m'a beaucoup parlé, ainsi qu'au P. Laurent, de la question de la fermeture du collège [...] Tous deux croient nécessaire de prendre ce parti [...] Je vois aussi que le P. Anatole gardera volontiers le P. Brun si celui-ci se vouait un peu aux missions dans le diocèse, et ce genre d'oeuvres commencé dans la Congrégation attirerait beaucoup le P. Anatole."
2. Dans sa lettre du 8 novembre, Mère M.-Eugénie rapportait au P. d'Alzon le désir qu'elle avait exprimé devant l'abbé de Cabrières, qu'il conservât à Nîmes, en cas de fermeture du collège une maison de résidence. "Alors, moi, écrit-elle, j'ai une prière très instante à vous faire, c'est que, ni pour les enfants ni pour nous, nous n'ayons d'aumôniers que des vôtres [...] Ainsi, à moins que M. Barouin ne se fît religieux, je ne le voudrais point du tout, et en ce cas, seulement après son noviciat. Pour M. de Cabrières [établi en cette maison avec les vôtres], après avoir été supérieur de l'Assomption, nous devons le regarder comme Assomptioniste, il en a l'esprit et c'est par là qu'il y viendra."
3. Le 11 novembre, Mère M.-Eugénie écrira: "J'ai fait plusieurs démarches pour le rectorat de Saint-Nicolas [des Lorrains à Rome], mais au lieu de vous les expliquer, je vais faire copier la lettre que j'écris aujourd'hui au P. Picard sur cette affaire. Elle vous mettra au courant des conseils qu'on nous donne, de ce que j'ai fait et de ce que je lui dis."
A défaut de cette lettre, voici ce qu'écrit de Rome le P. Picard, le 14 novembre: "J'ai sondé pour l'affaire en question; toutes démarches sont inutiles maintenant, elles l'étaient même dès les commencements; car, pour éviter les nombreuses demandes qui allaient pleuvoir de toute part, on avait désigné le remplaçant du P. Drouelle avant même que l'affaire n'eût transpiré. Ce remplaçant n'est pas encore connu, mais il est nommé depuis quinze jours; je sais seulement que c'est un jeune prêtre recommandé par son évêque; je ne serais pas étonné que ce fût l'abbé Gilly, mais je n'ai pas eu l'occasion de le voir pour m'assurer du fait."