Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.202

23 feb 1857 [Paris, GUERANGER Dom

Félicitations pour ses mises au point données à M. de Broglie -Il devrait faire un traité sur les études théologiques à poursuivre par les jeunes prêtres après les années de séminaire.

Informations générales
  • T2-202
  • 798
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.202
  • Orig.ms. Archives de Solesmes; ACR, CV 84, photoc.
Informations détaillées
  • 1 CLERGE PAROISSIAL
    1 COLLATION DES GRADES
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 EXAMEN DES JEUNES PRETRES
    1 LIVRES
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    1 RECONNAISSANCE
    1 SEMINAIRES
    1 THEOLOGIE
    2 AUBERT, ROGER
    2 BROGLIE, ALBERT DE
    2 COUTURIER, LOUIS-CHARLES
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    3 NIMES
    3 ROME
  • DOM GUERANGER
  • GUERANGER Dom
  • le] 23 février 1857.
  • 23 feb 1857
  • [Paris,
La lettre

Mon Très Révérend Père,

Je ne puis résister plus longtemps au désir de vous témoigner toute mon admiration pour les belles leçons de théologie et de critique ecclésiastique que vous donnez à M. de Broglie.(1) Je présume qu’après les avoir terminées, vous les publierez en volumes et l’Univers les proposera au clergé non pas seulement comme modèle du genre, mais surtout comme spécimen de la manière dont il faut aujourd’hui arriver soit à la précision, soit à la connaissance des sources juridiques, aujourd’hui presque entièrement perdues.

Quand vous en aurez fini avec votre adversaire actuel, ne pensez-vous pas, mon Révérend Père, qu’il serait utile de faire quelque chose sur les études théologiques: soit que vous fassiez un traité ex professo, soit que vous prissiez quelque livre défectueux, à propos duquel vous diriez ce qu’il est aujourd’hui si nécessaire de dire aux jeunes théologiens? La plupart des professeurs de séminaire, s’ils savent les détails de la théologie, n’auront pas pénétré la substance et surtout n’ont pas cette sûreté de jugement et cette netteté d’expression que la Providence vous a départies à un si haut degré, et dont vous feriez, ce me semble, un bien précieux usage si vous vouliez vous en servir pour apprendre au jeune clergé à étudier la science sacrée en dehors des cours du séminaire.

Voici, sauf meilleur avis, le point où je voudrais me placer. Je suppose que je vienne d’être ordonné prêtre et nommé vicaire dans une petite paroisse; je puis, sauf les veilles de fête, disposer de sept à huit heures par jour pour étudier; j’appartiens à un diocèse dans lequel sont établis les examens de six ans pour les jeunes prêtres; de plus, mon évêque a obtenu du Pape la faculté de conférer les grades de bachelier et de licencié en théologie; je me propose d’aller un jour recevoir à Rome le bonnet de docteur; je veux que mes six ans d’études me servent; je veux profiter de mes loisirs pour devenir un vrai théologien: comment dois je m’y prendre?

Ne croyez-vous pas que fournir des indications à un jeune prêtre dans une situation pareille, serait rendre un service immense au clergé?

Je vous livre humblement ces réflexions et suis, avec le plus respectueux dévouement, mon Très Révérend Père, votre humble et obéissant serviteur.

E. D’ALZON.

23 fév. 1857.

La Thuilerie, à Auteuil, près de Paris.

P.S.: Permettez-moi de vous proposer une autre forme pour les indications que je vous demande. Ce ne sera plus une hypothèse, mais bien la pure et simple vérité.

Depuis quelques années, je suis chargé de présider un bureau d’examens des jeunes prêtres du diocèse de Nîmes. Je suis frappé à la fois et de l’intelligence de la plupart des jeunes examinés, et de la légèreté de leur bagage théologique; pour plusieurs, sans doute, il y a dégoût de l’étude, amour des distractions, facilité à perdre le temps; pour beaucoup, il y a ignorance d’une méthode sûre qui leur fasse recueillir le résultat de travaux trop souvent privés de direction. C’est cette direction que je viens vous demander pour eux.

Mille pardons, mon Très Révérend Père, d’entrer dans ce détail; mais il m’a paru nécessaire d’y revenir pour mieux faire comprendre ma pensée(2).

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le duc de Broglie (1821-1901), appelé à jouer un rôle politique important de 1872 à 1877, écrivait alors ses études sur *l'Eglise et l'Empire romain au IVe siècle*>4 (6 volumes parus de 1856 à 1866), en s'efforçant de mettre en lumière dans l'histoire de l'Eglise le jeu complexe des causes secondes. Dom Guéranger y voyait la négation du rôle primordial de la Providence et s'en expliquait dans *l'Univers* en 26 articles, qu'il réunit ensuite en volume: *Du naturalisme dans l'histoire* (1858). Plus compréhensif, Pie IX demanda à Mgr Pie de conseiller à dom Guéranger de cesser ses attaques et témoigna sa bienveillance à Albert de Broglie. (AUBERT, *Pontificat de Pie IX*, p. 234, n. 7).1. Le duc de Broglie (1821-1901), appelé à jouer un rôle politique important de 1872 à 1877, écrivait alors ses études sur *l'Eglise et l'Empire romain au IVe siècle*>4 (6 volumes parus de 1856 à 1866), en s'efforçant de mettre en lumière dans l'histoire de l'Eglise le jeu complexe des causes secondes. Dom Guéranger y voyait la négation du rôle primordial de la Providence et s'en expliquait dans *l'Univers* en 26 articles, qu'il réunit ensuite en volume: *Du naturalisme dans l'histoire* (1858). Plus compréhensif, Pie IX demanda à Mgr Pie de conseiller à dom Guéranger de cesser ses attaques et témoigna sa bienveillance à Albert de Broglie. (AUBERT, *Pontificat de Pie IX*, p. 234, n. 7).
2. Dom Guéranger ne donna pas suite à cette idée du P. d'Alzon qui lui tenait à coeur, puisque, le 4 mars 1875, après la mort de dom Guéranger, il écrit à dom Couturier, son successeur, de lui communiquer "les quelques indications qu'il aurait laissées à ce sujet": "un nouveau plan d'études théologiques adapté au temps présent".