Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.228

16 apr 1857 [Clichy, COMBIE_JULIETTE

Les droits de Notre-Seigneur sur son âme. -Absolument rien ne doit lui être refusé. -Son coeur a besoin de ce langage et son autorité de père spirituel l’exige. -Il peut faire d’elle une victime plus parfaite.

Informations générales
  • T2-228
  • 825
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.228
  • Orig.ms. ACR, AM 170; D'A., T.D. 37, n. 60, pp. 144-146.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 DETACHEMENT
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 DROITS DE DIEU
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PENITENCES
    1 SAINTETE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 ABRAHAM
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 REGIS, EULALIE DE
  • A MADEMOISELLE JULIETTE COMBIE
  • COMBIE_JULIETTE
  • le] jeudi soir [16] avril [18]57(1).
  • 16 apr 1857
  • [Clichy,
La lettre

Ma chère enfant,

Je vous ai écrit, il y a un moment, par Soeur M.-Eulalie, et voilà que je reprends la plume pour vous dire que Dieu veut, ce me semble, beaucoup de vous, beaucoup plus que vous ne lui avez donné. Vous êtes épouse, et vous ne le sentez pas assez. Vous ne vous rendez pas assez compte des droits de Notre-Seigneur sur votre âme. Il vous appartient, mais vous lui appartenez.

Vous n’avez pas assez laissé ce bon Maître agir sur chacune de vos facultés pour les surnaturaliser(2), sur vos défauts pour les détruire, sur vos vertus pour les mûrir. Le temps de ce travail intérieur est venu, si je ne me trompe; il faut vous y livrer tout entière.

Ah! ma chère enfant, quand sentirez-vous ce beau titre d’épouse de Dieu? Quand ferez-vous un généreux et persévérant effort pour vous en rendre digne? Quand ne refuserez-vous rien à Jésus-Christ, rien, rien, rien?(3) J’ai le sentiment que ce moment approche. Il me semble, comme je vous le disais dans ma lettre de tout à l’heure, que votre âme se fortifie et que je la touche par plus de points. Vous n’êtes pas faite pour vous arrêter en chemin, ma fille. Oh! si je pouvais vous donner des ailes! Je crois que nous pouvons faire mieux et que nous pouvons nous donner sans réserve à Jésus-Christ. Comprenez l’étendue de ce mot: « Je me donne tout entière ». C’est ainsi qu’il faut vous donner, ma chère Juliette. Que notre vie soit longue ou courte, le don n’en doit pas être moins absolu; il doit être comme celui d’Abraham. Quand même vous ne sauriez pas où vous irez, qu’importe? Voyez au fond de votre âme tous les retranchements à apporter, toutes les racines à extirper, voyez et donnez-vous sans réserve.

Pourquoi vous parler ainsi? J’ai le sentiment qu’une portion de votre coeur, que votre coeur tout entier a besoin de ce langage. Vous étouffez, vous êtes à l’étroit, vous avez besoin de l’immensité de Dieu. Répondez-moi si votre sentiment est conforme au mien. Si j’ai frappé juste, je vois très clairement ce que vous avez à faire. C’est une vie d’immenses sacrifices qui commence pour vous; vie de mort, de dépouillement, de pauvreté, d’immolation, de désolations et de toutes les douleurs. Pauvre enfant, ne reculerez-vous pas? Me direz-vous: « Mon Père, allons en avant, je veux tout le calice »; ou bien demanderez-vous grâce? Au terme de ces longues douleurs se trouve, il est vrai, Jésus-Christ, votre époux, qui vous tend sa main et sa couronne. Enfin, voulez-vous devenir positivement sainte, dans toute la force et les conséquences du mot?

Pesez toutes ces paroles. Il me semble que je vous les dis de la part de Dieu. Peut-être ne vous ai-je jamais parlé avec un sentiment plus profond de ce que je vous dois être, de la liberté d’âme qui doit subsister entre vous et moi, qui consistera à ne nous voir plus, à n’avoir plus aucun rapport ici-bas, au moindre signe de la volonté de Dieu; mais aussi, de ma part, à vous porter toujours, en tout et partout, tant que Notre-Seigneur vous confiera à moi; comme, de votre part, à vous laisser conduire, les yeux fermés, à toutes les vertus et à toutes les immolations qui vous seront demandées. Voilà une phase nouvelle, dans laquelle vous entrez, ou du moins dans laquelle vous devez entrer, ce me semble. Réfléchissez et répondez-moi. Est-ce une des questions que vous vouliez me faire? Du reste, vous savez bien que vous pouvez me les faire toutes.

Adieu, ma fille. Je suis heureux et je frémis à la fois en pensant que je puis peut-être faire de vous une victime plus parfaite. Oh! qu’il est bon et dur de considérer d’une certaine façon ses devoirs de sacrificateur!

Notes et post-scriptum
1. Le jeudi était le 16 avril, et non le 17 comme le porte le ms.
2. Spiritualité chère au P. d'Alzon, qu'il tient de saint Augustin: le Maître intérieur informe la mémoire, l'intelligence et le coeur de l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu même, par les vertus théologales de foi, d'espérance et de charité.
3. La consigne fondamentale de saint Jean de la Croix.