Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.266

21 jun 1857 Lamalou, ADORATRICES

Une dévotion pratique envers le divin Crucifié. -Comment, au long des jours, Notre-Seigneur peut nous aimer, nous instruire et nous fortifier, à travers son image, dans un commerce intime avec le crucifix.

Informations générales
  • T2-266
  • 859
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.266
  • Orig.ms. AC R.A.; D'A., T.D. 35, n. 4, pp, 169-172.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 ADORATRICES DU SAINT-SACREMENT
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 AUSTERITE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 COLERE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 CRUCIFIX
    1 DEVOTION AU CRUCIFIX
    1 DOUCEUR
    1 EGOISME
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST
    1 LACHETE
    1 ORAISON
    1 ORGUEIL
    1 PARDON
    1 PARESSE
    1 PAUVRE
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 PRIERE A LA SAINTE VIERGE
    1 PRIERE POUR L'EGLISE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURIFICATION
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 REPOS
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
    1 TENTATION
    1 VANITE
    1 VETEMENT
    2 HOWLY, MARIE-WALBURGE
    2 PAUL, SAINT
    2 SAGE, ATHANASE
  • AUX ADORATRICES DU SAINT-SACREMENT
  • ADORATRICES
  • 21 juin [18]57.
  • 21 jun 1857
  • Lamalou,
La lettre

Mes chères filles(1),

J’attends une lettre de notre Mère M[arie]-Walburge qui m’est annoncée, et cependant je veux venir causer avec vous. Il me semble que j’ai quelques pensées dont vous pourrez profiter, et, dans l’impuissance où je suis de pouvoir faire grand-chose, c’est une grande consolation pour moi de songer que vous me permettez d’exercer auprès de vous comme un débris d’apostolat. Les grandes théories ne sont plus faites pour mon cerveau, mais j’ai quelque chose de meilleur, je crois, qu’une théorie à vous proposer. Il s’agit d’un fait très pratique.

Avez-vous un crucifix et comment vous comportez-vous à son égard? D’abord, laissez-moi vous engager à vous en procurer un comme celui des religieuses. Il y a là un certain avantage. Les crucifix trop petits n’inspirent pas beaucoup de dévotion, (à moi du moins); les crucifix trop grands gênent. Si vos robes vous permettent de le porter sur vous, quittez-le le moins possible. mais arrangez-vous de façon que vous puissiez vous en servir, quand vous voudrez: le mettre sur une table, quand vous écrivez; sur vos genoux, quand vous travaillez; -afin de le regarder de temps en temps, et de le baiser; entre vos mains, quand vous vous endormez.

Certes, rien n’est plus précieux que la communion fréquente et que l’adoration du Saint-Sacrement; mais on ne peut pas avoir toujours Notre-Seigneur substantiellement présent dans le coeur; on ne peut pas être constamment à ses pieds; on peut avoir toujours son image sur soi ou avec soi, et cette image vous dira bien des choses.

Si, le matin, en vous levant, vous baisez votre crucifix avec amour et vous promettez de porter tout le long du jour votre croix, en marchant sur les traces du divin Crucifié; si pendant votre méditation, à moins de la faire à l’église-, vous tenez la croix entre vos mains et vous vous proposez de vous immoler sur l’autel du sacrifice de Jésus; si, pour réveiller votre ferveur, vous portez de temps en temps la main sur votre crucifix, si vous le serrez plus fortement dans les moments d’angoisse, de peine, de luttes, de tentations; si, au moment de partir pour faire quelque bonne oeuvre, vous l’adorez en vous rappelant que c’est encore Jésus-Christ que vous allez secourir dans les pauvres; si, au moment de pratiquer quelque austérité vous baisez les plaies divines qui sont les fontaines de la vie de l’Eglise et les sources de notre purification; si, le soir, vous allez à ses pieds rendre compte de votre journée, de votre orgueil devant ses abaissements, de vos vanités devant ses humiliations, de votre lâcheté devant ses angoisses, de votre paresse en présence des sueurs répandues par ce corps divin, de votre égoïsme en face de son amour infini, de vos impatiences, de vos dépits, de vos défauts de charité en face de ses longues attentes et de cette inaltérable douceur. -ah! mes enfants, il me paraît bien difficile que votre crucifix ne devienne pas pour vous un ami, un confident; ou plutôt Notre-Seigneur vous aimera, vous instruira, vous fortifiera à travers son image, et, dans ce commerce plus continuel par cet intermédiaire muet mais béni pourtant avec votre époux, vous sentirez comme une transformation de tout votre être.

Ce ne sera plus seulement le bois, le métal qui reproduira pour vous les traits du Sauveur; ils se graveront d’une manière plus vivante dans votre âme. Vous sentirez l’action plus immédiate de Celui qui a été, pour vous, attaché à la croix; vous voudrez vous transformer en lui, dire comme saint Paul: « Vivre, pour moi, c’est Jésus-Christ »(2); et votre vie prenant un caractère nouveau, vous découvrirez de nouveaux horizons dans la science chrétienne, où vous vous laisserez emporter par l’amour; et toute vie, toute science, tout bonheur se résumeront dans ces deux mots: « Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié », Jesum Christum, et hunc crucifixum(3).

Vous avouerai-je en toute simplicité que le meilleur moment pour moi est surtout le soir, au moment de m’endormir. Il ne faut pas beaucoup d’efforts pour se laisser aller à penser à ce bon Maître, dont on tient l’image entre les mains. On lui dit qu’on l’aime; on lui demande pardon de ses sottises; on est tout à coup frappé de ce pardon qui tomba du haut de la croix; comme un remords, on songe au mal que le péché lui a fait, au temps que l’on a perdu, aux grâces que l’on a reçues; on le remercie de ses bienfaits; on lui fait des promesses enflammées; on rougit d’être dans un bon lit, quand il est mort, lui, sur un gibet; on s’excite à l’aimer, à réparer le temps perdu. On adore Dieu le Père en lui présentant son Fils; on invoque le Saint-Esprit qu’il nous a envoyé; on prie pour l’Eglise qui naquit sur le Calvaire; on rougit d’être si mauvais chrétien; puis on prend courage dans la pensée de l’amour et de la puissance de Dieu, et, si le sommeil n’est pas venu, on trouve le temps court en pareille compagnie.

Voilà, mes chères filles, quelques idées, qui, je le désire, vous porteront à lier un commerce intime avec votre crucifix; il vous rendra Jésus plus présent à l’esprit et au coeur. Que voulez-vous de plus?

Je désire apprendre que votre association croît tous les jours en vertus solides, en humilité, en simplicité, en amour de Dieu. Priez la Sainte-Vierge de vous apprendre comment vous devez coller vos lèvres sur les plaies de son Fils, et y prendre le courage et l’ardeur qui doit distinguer des vierges, épouses d’un Dieu.

Que la croix soit votre bien, votre espoir, votre vie et votre récompense!(4).

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
4. C'est après la "lettre sur le crucifix", écrit le P. Sage, qu'on ajouta en appendice à la règle des Adoratrices (*lettre* 520, note 1), après la formule de profession: "Dans une grande dilatation de coeur, les Soeurs doivent tendre à toute perfection: aimer, désirer et rechercher les mépris et les humiliations, fouler aux pieds l'amour-propre et la dignité personnelle et n'avoir entre elles qu'un coeur et qu'une âme. Elles y arriveront en étudiant leur crucifix, mais plus encore en gravant au fond de leur âme l'empreinte de Jésus crucifié". (Un *maître spirituel*, p. 68).1. C'est de cette lettre qu'a été extrait le morceau si connu et souvent reproduit sur le crucifix, intitulé: *L'ami de tous les jours*.
4. C'est après la "lettre sur le crucifix", écrit le P. Sage, qu'on ajouta en appendice à la règle des Adoratrices (*lettre* 520, note 1), après la formule de profession: "Dans une grande dilatation de coeur, les Soeurs doivent tendre à toute perfection: aimer, désirer et rechercher les mépris et les humiliations, fouler aux pieds l'amour-propre et la dignité personnelle et n'avoir entre elles qu'un coeur et qu'une âme. Elles y arriveront en étudiant leur crucifix, mais plus encore en gravant au fond de leur âme l'empreinte de Jésus crucifié". (Un *maître spirituel*, p. 68).2. Phil, 1, 21.
3. 1 Co 2,2.