Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.277

3 jul 1857 Clichy, ADORATRICES

Le péché a provoqué la mort du Christ. -Le lieu du péché, c’est le monde. -La mortification, c’est un moyen de le combattre. -L’amour de l’Eglise, c’est une force pour en réduire l’empire.

Informations générales
  • T2-277
  • 868
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.277
  • Orig.ms. AC R.A.; D'A., T.D. 35, n.7, p. 176-178.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 ATHEISME
    1 BLASPHEME
    1 CROIX DU CHRETIEN
    1 CRUCIFIX
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
    1 LOI DIVINE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 MORTIFICATION
    1 MYSTERE DU SALUT
    1 SACRILEGE
    1 SATAN
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    2 AUBERT, ROGER
    2 PAUL, SAINT
    2 PIE IX
  • AUX ADORATRICES DU SAINT-SACREMENT
  • ADORATRICES
  • 3 juillet [18]57.
  • 3 jul 1857
  • Clichy,
La lettre

Mes chères filles,

Dieu, en condamnant son Fils à la mort, a voulu que la terre connût l’horreur que le péché lui inspire. Et vous ne pouvez vous placer au pied de votre crucifix sans vous dire: « Voilà à quoi le péché à réduit un Dieu ». Or, ce Dieu, ainsi expirant au milieu des douleurs les plus atroces, est votre époux; il est en même temps le chef de l’Eglise, votre mère, par qui il vous communique ses grâces, par qui il vous nourrit de son corps, par qui il vous a faites enfants de Dieu.

Autant vous aimez Dieu, Jésus-Christ et l’Eglise, autant vous devez détester le péché, et non seulement le péché que vous avez le malheur de commettre, mais le péché en lui-même, c’est-à-dire cet ensemble de révoltes contre la loi de Dieu, d’ingratitudes contre son amour, de sacrilèges contre ses dons, de blasphèmes contre sa puissance, d’incrédulité réfléchie contre son existence même. La vue de votre modèle, crucifié pour le péché, est un aiguillon perpétuel qui vous avertit de ce que le péché doit vous être. Or, je tire quelques conséquences pratiques, sur lesquelles vous devez réfléchir.

1° Si le péché doit vous être odieux, vous devez avoir horreur de tout lieu où il se commet. Le lieu du péché, c’est le monde. Vous devez avoir horreur du monde. Vous me direz: « Mais je ne vais pas dans le monde, je n’aime pas le monde ». Cela ne suffit pas. Il faut protester contre le monde et dire, comme saint Paul: « Le monde m’est crucifié, et je suis crucifié au monde »(1). Qu’est-ce à dire, mes chères filles, et que signifie ce double crucifiement? Parmi les diverses explications qu’on peut en donner, je m’arrête à celle-ci. Le monde doit être une croix pour le chrétien, et toutes ses relations avec le monde doivent être pour lui un perpétuel crucifiement. Le monde a crucifié son Maître, et le disciple ne doit pas être mieux traité que son Maître divin. Plus vous aimez Jésus crucifié, plus le monde doit être pour vous une croix et un crucifiement. Le monde vous est ainsi crucifié, et vous êtes crucifiées pour le monde, qui ne connaît pas votre bonheur d’être toutes à Jésus, qui vous blâme, vous critique, vous fait subir ses persécutions; et vous devez en être très heureuses, car elles prouvent que vous êtes de plus en plus semblables à votre époux. Vous devez être crucifiées aux yeux du monde, afin de continuer le terrible mystère de sa condamnation et du jugement porté contre son prince, selon la parole de Notre-Seigneur(2). Vous devez montrer aux yeux du monde votre horreur du péché par ce crucifiement volontaire de toute votre vie, afin que le monde sache, non par des paroles, mais par des faits la vérité de la doctrine de la croix, et qu’il n’y a de salut que dans cette doctrine.

2° Une seconde conséquence est que, si vous avez horreur du péché, il faut, à l’exemple du divin Maître mort pour le détruire, le combattre par tous vos efforts et par les moyens qu’il a employés. Vous ne devez pas mourir, mais vous devez vous mortifier. Toute mortification, en dehors de l’expiation personnelle qu’elle implique, doit être un acte de haine contre le péché et un acte d’amour envers Dieu; en d’autres termes, vous ne devez pas seulement faire pénitence pour vous, vous devez faire pénitence aussi pour les autres. Et c’est là un des plus beaux privilèges des épouses de Jésus, c’est que, lui laissant en quelque sorte le soin de leur propre salut et de leur dette personnelle pour leurs péchés, elles donnent de leur vie pour ajouter au trésor des mérites de Jésus-Christ, de la Sainte Vierge et des saints. Leur pénitence n’est plus l’acte du débiteur qui s’acquitte, c’est l’effort de l’épouse qui cherche à compenser les pertes du père de famille. Heureux privilège de l’âme qui aime son Dieu, de pouvoir le dédommager, de le consoler des insultes dont il est l’objet!

3° L’horreur du péché et l’amour de l’Eglise, notre mère, veulent un certain courage pour défendre cette mère insultée et couverte en quelque sorte des souillures que lui jettent ses enfants révoltés et ses ennemis(3). Quelle consolation de pouvoir apporter à notre mère insultée un tribut d’efforts généreux, par lesquels nous la servons avec une ardeur d’autant plus grande qu’elle est plus délaissée. Ah! mes chères filles, nous n’aimons pas assez l’Eglise, et c’est pour cela que nous ne comprenons pas assez que toute notre vie devrait être consacrée à étendre ses conquêtes à travers l’empire du péché.

J’aurais encore quelques considérations à vous présenter; je les renvoie à une autre lettre. Je désire vivement que ces quelques lignes vous fassent comprendre quelle reconnaissance vous devez avoir à Notre-Seigneur, qui vous a affranchies du péché et vous a appelées à son admirable et pure lumière.

Qu’il soit votre joie et votre amour pendant toute l’éternité!

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
3. Le P. d'Alzon ne se fait aucune illusion sur la situation privilégiée que le Second Empire à ses débuts semble faire à l'Eglise. Une crise latente s'affirme, dont Proudhon, par exemple, campera avec éclat, dans son livre à paraître en 1858: *De la justice dans la Révolution et dans l'Eglise*, l'une des données fondamentales à ses yeux; "l'incompatibilité entre la démocratie, fondée sur la liberté et la justice, et le catholicisme, fondé sur l'autorité et l'arbitraire". (AUBERT, *Pontificat de Pie IX*, p. 129).3. Le P. d'Alzon ne se fait aucune illusion sur la situation privilégiée que le Second Empire à ses débuts semble faire à l'Eglise. Une crise latente s'affirme, dont Proudhon, par exemple, campera avec éclat, dans son livre à paraître en 1858: *De la justice dans la Révolution et dans l'Eglise*, l'une des données fondamentales à ses yeux; "l'incompatibilité entre la démocratie, fondée sur la liberté et la justice, et le catholicisme, fondé sur l'autorité et l'arbitraire". (AUBERT, *Pontificat de Pie IX*, p. 129).1. Ga 6,14.
2. Jn 16,11.