Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.295

31 jul 1857 Clichy, ADORATRICES

Le travail de la perfection consiste à se dépouiller des haillons de notre mauvaise nature, et à se revêtir des vêtements de lumière de Notre-Seigneur. -Si ces haillons collent à la peau, il faut de la générosité pour s’en défaire. -Alors on peut revêtir la sainte humanité du Sauveur: ses paroles, ses actions et ses sentiments. -Et cette robe du baptême doit plus que nous coller à la peau.

Informations générales
  • T2-295
  • 883
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.295
  • Orig.ms. AC R.A.; D'A., T.D. 35, n. 9, p. 182-184.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 DEFAUTS
    1 DETACHEMENT
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 GENEROSITE
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PERFECTION
    1 REFORME DU COEUR
    1 VETEMENT
    1 VOLONTE
    2 PAUL, SAINT
  • AUX ADORATRICES DU SAINT-SACREMENT
  • ADORATRICES
  • 31 juillet 1857.
  • 31 jul 1857
  • Clichy,
La lettre

Mes chères filles,

Je voulais vous écrire depuis quelques jours; diverses causes s’y sont opposées. Il me semble pourtant utile de vous adresser de temps en temps quelques paroles d’encouragement, afin que le peu de bien qu’on a pu vous faire aille toujours se développant.

Tout le travail de la perfection consiste en deux choses, selon l’expression de saint Paul, se dépouiller et se revêtir(1). On se dépouille par un travail dont le but est de détruire en soi tout défaut, toute attache humaine, toute imperfection. Les aspérités de caractère, les tristesses trop naturelles, les découragements, les mouvements de l’amour-propre, les susceptibilités, l’amour des créatures, des consolations, des joies humaines, les retours sur soi-même, les motifs humains dans les meilleures choses, une certaine paresse, un très grand désir de repos au milieu de certaines épreuves; tout cela et tout ce qui ressemble à cela doit être écarté avec le plus grand soin de notre âme. Et, certes, l’effort doit être continuel, si nous ne voulons pas que la tiédeur et la lâcheté couvrent de leur mousse les petits coins de terrain gagnés sur l’ennemi. Oui, il faut vous dépouiller, et tant que nous aurons quelques haillons de notre mauvaise nature, nous ne pourrons prétendre au vêtement de lumière que Notre-Seigneur nous destine.

On vous a présenté souvent cette comparaison: que sommes-nous, quand nous tenons à quelqu’une de nos misères, à quelque appui humain, que des mendiants couverts de vieux habits percés, qui refusent d’y renoncer pour se revêtir des ornements d’honneur qu’un roi leur présente. Descendez, mes chères filles, au dedans de vous-mêmes et demandez-vous quelle est la guenille à laquelle vous tenez encore et qui s’oppose à ce que votre dépouillement soit complet. Souvent c’est tout bonnement un rien. Quelquefois on croit le dépouillement impossible, parce que cette vilaine tunique qu’il faut quitter s’est si bien collée sur nous qu’il semble qu’en l’arrachant on enlèvera jusqu’à la peau. Eh bien!, tant pis pour nous, si par notre faute le vêtement d’ignominie, c’est-à-dire les habitudes d’imperfection se sont tellement inoculées en nous qu’elles ne semblent faire qu’un avec notre être. Il n’en faut pas moins faire disparaître ces vieux et sales haillons, qui empêcheront Jésus-Christ de nous donner la robe nuptiale. Vous aurez donc à vous adresser cette question: « Qu’est-ce qui, en moi, s’oppose à ce que Notre-Seigneur me donne ma robe de noce? ».

Vous voyez que j’aborde ici un grand mystère. Et malheur à vous, si vous n’en comprenez pas toute la dignité; comme aussi malheur encore à vous, si, épouses de Jésus-Christ, vous tenez à conserver en vous quoi que ce soit qui lui déplaise. Vous vous dépouillerez donc et vous vous dépouillerez de tout. Si vous retenez quoi que ce soit, vous n’êtes pas dignes d’arriver à la perfection des épouses de Jésus-Christ. Ce travail sera long, selon que vous serez moins généreuses. La générosité peut l’abréger. Tout, ici, consiste dans la force de volonté avec laquelle vous voulez extirper de votre âme le péché et ses moindres souillures.

Mais après vous être dépouillées, mes chères filles, il faut encore vous revêtir; et en quoi ce travail doit-il consister? Saint Paul nous le dit en deux mots: « Revêtez-vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ »(2). La sainte humanité du Sauveur, cette tunique mystérieuse dont s’est revêtue sa divinité, quand elle s’abaissa dans le néant pour sauver les hommes, voilà le vêtement qui vous est destiné. Prendre les sentiments de Jésus-Christ, les paroles de Jésus-Christ, les actions de Jésus-Christ; en faire vos paroles, vos actions, vos sentiments; ne rien faire, dire ou penser que ce qu’eût pensé, dit ou fait le Sauveur sur la terre; voilà, ce me semble, ce que c’est que se revêtir de Jésus-Christ. Prenez maintenant votre vie et mesurez-la à ce modèle. Toutefois la propriété de ce vêtement divin consiste à pénétrer tellement ceux qu’il recouvre que tout leur être est transformé en Dieu. Ce travail a-t-il commencé pour vous? Et pourtant, depuis combien d’années avez-vous reçu la robe du baptême? Depuis combien d’années Notre-Seigneur ne descend-il pas fréquemment au fond de votre âme, pour la revêtir, l’orner, l’embellir? Pour- quoi est-elle toujours la même?

On ne peut aborder ces questions sans être frappé d’un contraste: d’un côté, ce que Dieu veut faire pour vous; de l’autre, la manière dont nous ne voulons pas qu’il [le] fasse. Nous voulons bien, à la vérité, tous les privilèges de la sainteté, mais nous n’en voulons pas les conditions, et, comme dit saint Paul, nous voulons bien être revêtus, nous ne voulons pas être dépouillés. Une autre fois, mes chères filles, je vous dirai ce que j’entends par ce revêtement de Notre-Seigneur. Pour aujourd’hui, veuillez vous arrêter à l’examen de savoir quand et comment vous vous dépouillerez entièrement de vous-mêmes.

Que Notre-Seigneur vous soit tout en toutes choses!

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Rm 13,14; Ep 22,24; Col 3,9-10.
2. Rm 13,14.