Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.297

10 aug 1857 Clichy, ROCHER_MADAME

Il est de retour à Paris. -Elle doit donner à Dieu tout sans réserve et sans nonchalance. -Qu’elle prie pour l’Assomption.

Informations générales
  • T2-297
  • 884
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.297
  • Orig.ms. ACR, AL 192; D'A., T.D. 34, n. 25, p. 298.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 GENEROSITE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MAITRES
    1 PARESSE
    1 PERFECTION
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PROVIDENCE
    1 SOCIETE DES ACTIONNAIRES
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BRUN, HENRI
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 LEVY, MARIE-JOSEPH
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 MIDI
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 TARASCON
  • A MADAME DE ROCHER
  • ROCHER_MADAME
  • le 10 août 1857.
  • 10 aug 1857
  • Clichy,
La lettre

Croiriez-vous, ma chère fille, qu’au moment où vous m’écriviez, je passais probablement à une demi-lieue de chez vous et que me voilà de retour à Paris?(1) Le bon Dieu se moque de nous, et je trouve qu’il a bien raison.

Vous êtes obligée à toute la générosité possible envers Dieu. Il n’y a pas à marchander. Il faut lui donner absolument tout et à tous les moments du jour et avec toute la perfection dont vous êtes capable. Tout sans réserve. Entendez bien ce mot. La pauvre nature n’en veut pas. Dieu le veut. Combattez donc tout ce qui en vous peut déplaire à Dieu. Pratiquez tout ce qui, dans l’ordre de vos devoirs et de votre position, peut lui faire plaisir. Je me croirais très coupable, si je vous tenais un autre langage. Fuyez-vous vous-même pour ne chercher absolument que Notre-Seigneur. C’est lui seul, dont vous devez être préoccupée; le reste n’est rien. Combattez, autant qu’il dépendra de vous, cette paresse intérieure qui, je le crains, peut vous empêcher d’acquérir le développement spirituel pour lequel vous seriez faite cependant, si vous le vouliez bien. L’amour se prouve par l’action. Dieu ne demande pas la même chose de tous, mais il veut que tous puissent faire quelque chose; et ce que peut une âme fidèle à la grâce par la mortification, par la prière et par les exemples, est merveilleux.

Priez beaucoup pour notre chère Assomption; elle vient de traverser une grande crise. Je pense que la protection manifeste qu’elle a reçue est un gage de la protection future de la Providence, si nous ne sommes pas trop ingrats(2).

Adieu, mon enfant. Tout à vous avec un coeur bien dévoué.

Je serai à Nîmes vers le milieu d’octobre, et dans le mois de novembre, arrangez-vous pour y venir. Du reste, j’y passerai presque tout l’hiver. Tout à vous en Notre-Seigneur.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon venait de faire un séjour éclair dans le Midi. En effet, l'idée du Fr. Hippolyte ayant fait son chemin, il voulut répondre à l'appel des professeurs et anciens élèves de son collège qui voulaient le conserver en le rachetant eux-mêmes. Il quitte donc Paris, le 3 août au soir, et a une première entrevue avec eux, dans la nuit du 4 août, en gare de Tarascon, à 2 heures du matin. De là il se rend à Nîmes, où il voit son évêque, et à Montpellier, auprès de ses parents, qui ont reçu avec de grands égards la députation nîmoise. Le vicomte et la vicomtesse d'Alzon, touchés de la démarche et de la manifestation de sympathie que, depuis huit à dix jours la ville de Nîmes ne cessait de témoigner à leur fils, consentirent très volontiers à la requête, pourvu qu'il y eût un économe responsable vis-à-vis du comité des actionnaires et que leur fils n'eût rien à démêler avec l'argent. Le 7 août, le P. d'Alzon a repris la route vers Paris, pour laisser à chacun sa liberté. Sans doute, les parents du P. d'Alzon ont compris que la liquidation de l'Assomption aurait eu un effet contraire à leur attente: l'éloignement définitif de leur fils bien-aimé, qu'ils appelaient dans l'intimité l'enfant prodigue. (VAILHE, *Vie du P. d'Alzon*, II, p. 247).
Dans une longue lettre, datée de Clichy, le 9 août, le P. Picard raconte au P. Galabert les péripéties de ce voyage éclair et met en lumières les intentions du P. d'Alzon face aux Nîmois, à Mgr Plantier, à l'abbé de Cabrières et à sa famille. (*Pages d'Archives*, août 1954, p. 32-36).
2. En réalité, le passage du P. d'Alzon dans le Midi n'avait abouti qu'à un accord de principe. Rien n'était encore résolu. On avait recueilli des promesses, peu d'argent liquide, et les vacances, qui dispersèrent aux quatre coins du pays les futurs souscripteurs, ne firent qu'ajouter à la confusion. Les délais demandés et accordés ne semblaient pas suffire à mettre définitivement sur pied la société civile projetée. (VAILHE, *ibid*., p. 248).
Mais il faut ajouter, à ce qu'écrit le P. Vailhé, que la crise du collège a particulièrement éprouvé les religieux de Nîmes. Si le Fr. Hippolyte Saugrain, dans sa ténacité normande, fait preuve d'un dévouement sans faille, l'instabilité du jeune Fr. Marie-Joseph Lévy n'a rien gagné à affronter les difficultés inhérentes à sa charge de préfet de discipline dans un contexte incertain. Le P. Brun, assistant général et chef de l'institution de l'Assomption (selon le registre du personnel du collège), a eu l'impression que tout se traitait en dehors de lui. Aussi, quand il apprendra, alors qu'il a la charge de son vieux grand-père, qu'il risque de ne plus rester à Nîmes, il demandera la dispense de ses voeux et la permission de rentrer dans son diocèse, plutôt que d'aller à Paris, -le coeur déchiré, écrit-il le 15 août au P. d'Alzon, de laisser "celui que j'aime comme mon Père" et "ceux qui étaient des frères tant dévoués". Certes, il se reprendra, mais l'aveu est significatif. Car il doit bien y avoir une âme de vérité sous cette exagération du Fr. Marie-Joseph, écrivant au P. d'Alzon, le 3 août, à propos du P. Brun: "Dans toute l'affaire de la fermeture [...], le P. Brun a été humilié au dernier point, traité comme un étranger en beaucoup de circonstances". Sa tête l'a égaré, son coeur l'a ramené, écrira-t-il au P. d'Alzon, le 11 novembre, dans une longue lettre où il analyse les phases de la crise par laquelle il est passé (*Lettre* 944, note 4). On peut regretter de n'avoir pas les lettres du P. d'Alzon qui ont aidé le P. Brun à se reprendre.1. Le P. d'Alzon venait de faire un séjour éclair dans le Midi. En effet, l'idée du Fr. Hippolyte ayant fait son chemin, il voulut répondre à l'appel des professeurs et anciens élèves de son collège qui voulaient le conserver en le rachetant eux-mêmes. Il quitte donc Paris, le 3 août au soir, et a une première entrevue avec eux, dans la nuit du 4 août, en gare de Tarascon, à 2 heures du matin. De là il se rend à Nîmes, où il voit son évêque, et à Montpellier, auprès de ses parents, qui ont reçu avec de grands égards la députation nîmoise. Le vicomte et la vicomtesse d'Alzon, touchés de la démarche et de la manifestation de sympathie que, depuis huit à dix jours la ville de Nîmes ne cessait de témoigner à leur fils, consentirent très volontiers à la requête, pourvu qu'il y eût un économe responsable vis-à-vis du comité des actionnaires et que leur fils n'eût rien à démêler avec l'argent. Le 7 août, le P. d'Alzon a repris la route vers Paris, pour laisser à chacun sa liberté. Sans doute, les parents du P. d'Alzon ont compris que la liquidation de l'Assomption aurait eu un effet contraire à leur attente: l'éloignement définitif de leur fils bien-aimé, qu'ils appelaient dans l'intimité l'enfant prodigue. (VAILHE, *Vie du P. d'Alzon*, II, p. 247).
Dans une longue lettre, datée de Clichy, le 9 août, le P. Picard raconte au P. Galabert les péripéties de ce voyage éclair et met en lumières les intentions du P. d'Alzon face aux Nîmois, à Mgr Plantier, à l'abbé de Cabrières et à sa famille. (*Pages d'Archives*, août 1954, p. 32-36).
2. En réalité, le passage du P. d'Alzon dans le Midi n'avait abouti qu'à un accord de principe. Rien n'était encore résolu. On avait recueilli des promesses, peu d'argent liquide, et les vacances, qui dispersèrent aux quatre coins du pays les futurs souscripteurs, ne firent qu'ajouter à la confusion. Les délais demandés et accordés ne semblaient pas suffire à mettre définitivement sur pied la société civile projetée. (VAILHE, *ibid*., p. 248).
Mais il faut ajouter, à ce qu'écrit le P. Vailhé, que la crise du collège a particulièrement éprouvé les religieux de Nîmes. Si le Fr. Hippolyte Saugrain, dans sa ténacité normande, fait preuve d'un dévouement sans faille, l'instabilité du jeune Fr. Marie-Joseph Lévy n'a rien gagné à affronter les difficultés inhérentes à sa charge de préfet de discipline dans un contexte incertain. Le P. Brun, assistant général et chef de l'institution de l'Assomption (selon le registre du personnel du collège), a eu l'impression que tout se traitait en dehors de lui. Aussi, quand il apprendra, alors qu'il a la charge de son vieux grand-père, qu'il risque de ne plus rester à Nîmes, il demandera la dispense de ses voeux et la permission de rentrer dans son diocèse, plutôt que d'aller à Paris, -le coeur déchiré, écrit-il le 15 août au P. d'Alzon, de laisser "celui que j'aime comme mon Père" et "ceux qui étaient des frères tant dévoués". Certes, il se reprendra, mais l'aveu est significatif. Car il doit bien y avoir une âme de vérité sous cette exagération du Fr. Marie-Joseph, écrivant au P. d'Alzon, le 3 août, à propos du P. Brun: "Dans toute l'affaire de la fermeture [...], le P. Brun a été humilié au dernier point, traité comme un étranger en beaucoup de circonstances". Sa tête l'a égaré, son coeur l'a ramené, écrira-t-il au P. d'Alzon, le 11 novembre, dans une longue lettre où il analyse les phases de la crise par laquelle il est passé (*Lettre* 944, note 4). On peut regretter de n'avoir pas les lettres du P. d'Alzon qui ont aidé le P. Brun à se reprendre.