Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.299

12 aug 1857 Clichy, ADORATRICES

Se revêtir de Jésus-Christ, qu’est-ce à dire? -Manifester Jésus-Christ qui nous sert de vêtement. -Jésus-Christ peut nous pénétrer du dedans comme un germe et nous investir au dehors comme un vêtement. -Puisqu’il nous revêtira de sa gloire, nous avons à nous adapter à ce vêtement.

Informations générales
  • T2-299
  • 886
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.299
  • Orig.ms.AC R.A.; D'A., T.D. 35, n. 10, p. 185-187.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 ADORATRICES DU SAINT-SACREMENT
    1 AMOUR DU CHRIST A L'ASSOMPTION
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CRUCIFIX
    1 EXAMEN RAISONNE DES ADORATRICES
    1 EXERCICES RELIGIEUX
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INCARNATION MYSTIQUE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MAJESTE DE DIEU
    1 PENITENCES
    1 PERFECTIONS DIVINES DE JESUS-CHRIST
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 TRIPLE AMOUR
    1 VETEMENT
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOIE UNITIVE
    2 PAUL, SAINT
    2 SAGE, ATHANASE
    3 AUTEUIL
    3 NIMES
    3 PARIS
  • AUX ADORATRICES DU SAINT-SACREMENT
  • ADORATRICES
  • 12 août 1857.
  • 12 aug 1857
  • Clichy,
La lettre

Mes chères filles,

Lorsque je cherche à me rendre bien compte de ce que veut dire saint Paul en nous invitant à nous revêtir de Jésus-Christ(1), j’avoue que j’éprouve un certain embarras. L’union entre l’âme et Jésus-Christ est telle que toute comparaison est impuissante à l’exprimer. C’est pour cela que tantôt elle est peinte sous l’image de l’union qui doit subsister entre l’époux et l’épouse; d’autres fois c’est sous la figure de l’âme vivant dans le corps que Notre- Seigneur nous est montré vivant dans le chrétien, afin d’en animer les moindres mouvements, et de montrer qu’il doit être le principe de toutes nos actions.

1° Quand donc l’Apôtre nous dit: « Revêtez-vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ »(1), il ne veut dire autre chose qu’exprimer toujours le même mystère sous un point de vue différent. L’homme paraît sous l’habit qu’il porte; mais pourtant cet habit le modifie d’une certaine façon. Autres sont les haillons du mendiant, autres les vêtements d’un roi. Si donc vous devez être revêtues de Notre-Seigneur, vous devez vous présenter aux hommes sous un aspect divin. Les bons exemples, la vie chrétienne, la sainteté de tout l’ensemble de vos actions, les moeurs surnaturelles, si je puis dire ainsi, voilà ce que l’on a le droit d’attendre de vous. En tout cela vous devez montrer Notre-Seigneur vous couvrant, et, dans les saintes actions que vous accomplissez, vous devez vous souvenir de la mission qui vous est confiée de manifester Notre-Seigneur qui vous sert de vêtement.

2° Toutefois, l’on peut dire encore que saint Paul veut nous montrer que l’action de Notre-Seigneur s’exerce en nous de plusieurs manières. Il agit, comme le germe de la plante se développe dans le vase où il a été semé. Il grandit, s’épanouit peu à peu, et, dans ce cas, il procède, si je puis dire ainsi, du dedans au dehors: son action passe à travers tous les pores de notre substance; elle nous pénètre tout entiers, si nous n’y mettons aucun obstacle. C’est surtout après la communion, quand Notre-Seigneur est venu au plus intime de notre être, que nous éprouvons ces résultats. Mais il peut aussi, ce divin Maître, procéder du dehors au dedans et nous investir en quelque sorte de sa grâce, de sa lumière, de sa force. C’est alors ce vêtement merveilleux qui nous recouvre, qui protège notre faiblesse, qui nous apporte une salutaire chaleur; c’est encore Jésus-Christ. Nous sommes protégés par lui et par lui mis à l’abri de tous les dangers auxquels nous expose le contact des choses extérieures.

3° Mais puisque nous devons voir Notre-Seigneur tel qu’il se présente à nous, il me semble que, pour se faire une idée exacte de ce merveilleux vêtement de notre âme, qui est Jésus-Christ, il faut se rappeler ce qu’est Jésus-Christ lui-même. Il est, nous dit saint Paul, au sein de la Trinité la splendeur de la gloire et la forme de la substance divine(2). Quand cette splendeur glorieuse, cette forme ineffable se plaît à nous revêtir de son éclat et de ses rayons, c’est vraiment une robe de gloire comme infinie dont nous sommes enveloppés. Ce sera notre récompense dans le ciel. Sur la terre nous devons nous appliquer à former nos membres à la porter; et, par un privilège spécial, tandis que les vêtements ordinaires doivent être adaptés au corps, pour qui ils sont faits, c’est nous, au contraire, qui devons nous appliquer à être dignes d’un si magnifique manteau royal. Il faut donc que tout votre être, vos facultés, votre coeur, vos sentiments, tout en vous se transforme, pour être digne de porter cet inexplicable vêtement, qui est, je le répète, la splendeur de la gloire de Dieu et la forme de sa substance.

Quelle grandeur, quelle majesté, mes chères filles! Mais aussi que d’efforts pour être dignes d’un pareil honneur, et quelle nécessité aussi de laisser à jamais les imperfections, les amusements, les enfantillages, les légèretés, en un mot toutes les bagatelles qui absorbent votre vie et lui ôtent la majesté du caractère chrétien!

Que Jésus-Christ soit donc votre unique préoccupation et que, pour être revêtues de lui, vous renonciez désormais à tout ce qui est indigne de l’honneur qu’il veut vous faire!

E. D’ALZON.

Il est probable que cette lettre sera la dernière que je vous adresserai de Paris, mais je tiens à ce que l’hiver prochain vous formiez un noyau, dont je compte disposer pour beaucoup de choses. D’ici là, offrez beaucoup de prières, d’adorations du Saint-Sacrement, de communions, de mortifications et de bonnes oeuvres pour des intentions que je vous expliquerai plus tard(3).

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
3. A part deux lettres non datées avec précision (*lettres* 979, 980), s'achève cette première série de lettres du P. d'Alzon aux Adoratrices, consacrées aux leçons du crucifix, alors que se joue le sort de son collège, sinon de sa Congrégation. "A revivre ces jours d'angoisse, écrit le P. Sage, on comprend pourquoi le Père a pénétré si profondément dans l'intelligence du mystère de la croix et combien il tenait à être soutenu en ces journées d'agonie par la prière et l'immolation d'âmes ferventes". (*Un maître spirituel*, p. 71).
Lorsque, en octobre 1857, la situation du collège étant réglée, il put s'établir de nouveau à Nîmes, c'est par des exhortations qu'il s'adressera aux Adoratrices. Il traite encore et toujours des leçons du crucifix. Nul dolorisme en ses exhortations comme en ses lettres qui les ont précédées; c'est l'énergique doctrine de la croix qu'il ne réserve pas seulement aux Adoratrices, mais qu'il propose à ses religieux mêmes, novices ou supérieurs. "L'esprit de l'Assomption étant un grand amour pour Notre-Seigneur, écrit-il dans un projet de conférences pour les novices, en 1858, après l'échec du noviciat d'Auteuil, le meilleur moyen de se former en cet amour est de prendre son crucifix et de se dire: Voilà jusqu'où Jésus-Christ m'a aimé; veux-je l'aimer jusqu'à la croix?" Et parmi les conseils aux supérieurs, il écrit: "Un supérieur de l'Assomption doit être un autre Jésus-Christ en toute chose. Prier, souffrir, s'anéantir, évangéliser avec Jésus-Christ, voilà où est sa force".
Et le P. Sage de conclure: "Cet amour de Notre-Seigneur que la communion à ses souffrances et à ses humiliations, et que la contemplation du mystère eucharistique entretenaient et développaient en l'âme du P. d'Alzon, va s'exprimer en une formule lapidaire, très simple d'apparence, mais d'une étonnante fécondité spirituelle". (*ibid*. pp. 71-72). En effet, les instructions du Père aux Adoratrices se poursuivront en 1858, et c'est au début de mai 1859 que le P. d'Alzon leur enverra, comme une sorte de *directoire*, l'"examen raisonné" où il leur présente les vertus que leur impose plus spécialement "l'amour de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge sa mère et de l'Eglise son épouse", et qui correspondent le mieux au "but plus spécial de l'Assomption qui est d'étendre le règne de Notre Seigneur dans les âmes". (*ibid*. pp. 76-80).3. A part deux lettres non datées avec précision (*lettres* 979, 980), s'achève cette première série de lettres du P. d'Alzon aux Adoratrices, consacrées aux leçons du crucifix, alors que se joue le sort de son collège, sinon de sa Congrégation. "A revivre ces jours d'angoisse, écrit le P. Sage, on comprend pourquoi le Père a pénétré si profondément dans l'intelligence du mystère de la croix et combien il tenait à être soutenu en ces journées d'agonie par la prière et l'immolation d'âmes ferventes". (*Un maître spirituel*, p. 71).
Lorsque, en octobre 1857, la situation du collège étant réglée, il put s'établir de nouveau à Nîmes, c'est par des exhortations qu'il s'adressera aux Adoratrices. Il traite encore et toujours des leçons du crucifix. Nul dolorisme en ses exhortations comme en ses lettres qui les ont précédées; c'est l'énergique doctrine de la croix qu'il ne réserve pas seulement aux Adoratrices, mais qu'il propose à ses religieux mêmes, novices ou supérieurs. "L'esprit de l'Assomption étant un grand amour pour Notre-Seigneur, écrit-il dans un projet de conférences pour les novices, en 1858, après l'échec du noviciat d'Auteuil, le meilleur moyen de se former en cet amour est de prendre son crucifix et de se dire: Voilà jusqu'où Jésus-Christ m'a aimé; veux-je l'aimer jusqu'à la croix?" Et parmi les conseils aux supérieurs, il écrit: "Un supérieur de l'Assomption doit être un autre Jésus-Christ en toute chose. Prier, souffrir, s'anéantir, évangéliser avec Jésus-Christ, voilà où est sa force".
Et le P. Sage de conclure: "Cet amour de Notre-Seigneur que la communion à ses souffrances et à ses humiliations, et que la contemplation du mystère eucharistique entretenaient et développaient en l'âme du P. d'Alzon, va s'exprimer en une formule lapidaire, très simple d'apparence, mais d'une étonnante fécondité spirituelle". (*ibid*. pp. 71-72). En effet, les instructions du Père aux Adoratrices se poursuivront en 1858, et c'est au début de mai 1859 que le P. d'Alzon leur enverra, comme une sorte de *directoire*, l'"examen raisonné" où il leur présente les vertus que leur impose plus spécialement "l'amour de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge sa mère et de l'Eglise son épouse", et qui correspondent le mieux au "but plus spécial de l'Assomption qui est d'étendre le règne de Notre Seigneur dans les âmes". (*ibid*. pp. 76-80).1. Rm 13,14.
2. Hb 1,3.