Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.307

22 aug 1857 Clichy, ESCURES Comtesse

Si elle vient à Nîmes, il pourra la voir. -Elle a tort de se laisser aller à la dérive, du côté de George Sand. -Il la veut très chrétienne et non chrétienne endormie.

Informations générales
  • T2-307
  • 893
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.307
  • Orig.ms. ACR, AN 78; D'A., T.D. 38, n. 78, pp. 216-217.
Informations détaillées
  • 1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 HAINE ENVERS LA VERITE
    1 INDIFFERENCE
    1 LIVRES
    1 MENSONGE
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 SACREMENTS
    1 SATAN
    1 TOLERANCE
    1 VOYAGES
    2 SAND, GEORGE
    3 MIDI
    3 NIMES
  • A MADAME LA COMTESSE D'ESCURES
  • ESCURES Comtesse
  • 22 août [18]57.
  • 22 aug 1857
  • Clichy,
La lettre

Ma bien chère enfant,

Je me demandais si vous étiez morte, et j’étais bien en droit de m’apprêter à dire votre De profundis. Il y a des siècles et des siècles que vous ne m’aviez donné signe de vie. Enfin, votre lettre me dit où vous êtes, et vous voyez, par ma hâte à vous répondre, que si je suis fâché de votre silence, petite ingrate, au moins je ne suis pas rancuneux. Si vous allez dans le Midi cette année, j’aurai le plaisir de vous y voir, car voilà tous mes plans dérangés, et je devrai rester quelque temps encore à Nîmes. J’espère bien que je vous y verrai.

Le curé qui vous a fait approcher des sacrements a eu fort raison, et je vous avoue que je suis un peu furieux contre ma chère fille, qui se laisse aller à la dérive, loin de Notre-Seigneur et du côté de George Sand(1). Ce n’est pas moi, c’est l’Eglise qui défend les mauvaises lectures; le poison finit toujours par empoisonner. Dire qu’on est blasé est un fort mauvais signe, puisqu’on devrait au moins être indigné. Malheureusement, on n’a plus de respect pour la vérité qui est Dieu, et la tolérance qu’on a pour le mensonge n’est que l’indifférence pour le vrai et le bon. Je suis, sur cet article, tous les jours un peu plus outré contre le crime de certains catholiques qui préparent la perte de la foi par l’affaiblissement du respect qu’on doit à ce qu’elle enseigne. Ne soyez pas, je vous en conjure, de ces chrétiens affadis, dont l’intelligence ne peut plus porter la doctrine divine et qui acceptent tous [les] mensonges, ceux surtout dont le diable est le père, pourvu qu’on les leur présente sous les formes de je ne sais quelle beauté, qui, après tout, est au vrai ce qu’une demoiselle de l’opéra est à une honnête femme.

Ma chère Amélie, je vous veux chrétienne et très chrétienne. Je vous suis trop dévoué pour ne pas vous répéter sur tous les tons qu’avec toutes les grâces que vous avez reçues, vous ne pouvez pas même être une chrétienne endormie. Il faut vous réveiller, vous tourner vers Notre-Seigneur, vous livrer à la vie forte et courageuse d’une chrétienne qui a des devoirs de bon exemple à donner. Vous voyez, ma chère enfant, que je suis toujours le même. et, si j’ai la même facilité pour vous écrire ma pensée, c’est que j’ai dans le coeur la même affection pour mon enfant gâtée.

Votre père.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Célèbre romancière, George Sand (1804-1876) publiait dans la *Presse*, à partir de 1854, l'*Histoire de sa vie*, où elle écrivait: "Ma religion n'a jamais varié quant au fond; les formes du passé se sont évanouies, pour moi comme pour mon siècle, à la lumière de la réflexion; mais la doctrine éternelle des croyants, le Dieu bon, l'âme immortelle et les espérances de l'autre vie, voilà ce qui a résisté à tout examen, à toute discussion et même à des intervalles de doute désespéré". (IIIe p. chap. IV).1. Célèbre romancière, George Sand (1804-1876) publiait dans la *Presse*, à partir de 1854, l'*Histoire de sa vie*, où elle écrivait: "Ma religion n'a jamais varié quant au fond; les formes du passé se sont évanouies, pour moi comme pour mon siècle, à la lumière de la réflexion; mais la doctrine éternelle des croyants, le Dieu bon, l'âme immortelle et les espérances de l'autre vie, voilà ce qui a résisté à tout examen, à toute discussion et même à des intervalles de doute désespéré". (IIIe p. chap. IV).