Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.321

16 sep 1857 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Premières impressions à son arrivée à Nîmes.

Informations générales
  • T2-321
  • 911
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.321
  • Orig.ms. ACR, AD 80; D'A., T.D. 22, n. 449, p. 98.
Informations détaillées
  • 1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 EPREUVES
    1 IMAGINATION
    1 IMPRESSION
    1 INCONSTANCE
    1 PERSEVERANCE
    1 SOCIETE DES ACTIONNAIRES
    1 SOUSCRIPTION
    1 TRISTESSE
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 BRUN, HENRI
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GERMER-DURAND, MADAME EUGENE
    2 SINGLA, ESPRIT
    3 CARCASSONNE
    3 PERPIGNAN
    3 RIVESALTES
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 16 sept[embre 18]57.
  • 16 sep 1857
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

J’arrive. Je crois avoir apaisé M. Barnouin, M. de Cabrières, M. Allemand. Le P. Brun est absent(1). M. Durand est irrité contre tout le monde, par conséquent contre moi(2). L’affaire d’argent n’est pas si noire qu’on vous l’avait dit. Les hommes d’affaires du comité n’y comptaient pas. Il y aura réunion, ce soir; si je ne suis pas trop fatigué, j’y assisterai. Mme Durand m’a avoué que son mari est dans une exaspération continue.

On n’en viendra guère à bout.

Je ne suis pas trop fatigué.

Adieu, ma fille. Tout à vous. Je tenais à vous donner ces premiers détails.

Notes et post-scriptum
2. Dans une longue lettre, écrite le 27 septembre à Mère M.-Eugénie, sous forme de dialogue entre lui-même et la Mère et dont il a gardé la minute (2 SK, 308), Germer-Durand dira ce qui le peine de la personnalité du P. d'Alzon, en mettant sur les lèvres de la Mère, le correctif à ses dires.
"Quand je me trouve en présence de qui vous savez, écrit-il, voici quelle est ma préoccupation: je crains de me laisser prendre comme autrefois par le réseau éblouissant de ses projets et de ses espérances. [...] En vérité, ma chère Mère, c'est un spectacle dont je rapporte chaque fois une plus profonde impression de tristesse, que celui de cette âme généreuse, meurtrie par tant de douloureux mécomptes, suites d'efforts démesurés, qui s'élance toujours, et n'arrive jamais; qui, cédant aux instincts de sa nature, s'obstine à se laisser conduire uniquement par son imagination; que l'inconnu tente toujours, que l'imprévu séduit, que l'impossible attire, et qui manque, en toute occasion de ces facultés positives et solides de l'intelligence, qui seules pourtant peuvent conserver et surtout réorganiser. [...].
"Ce qui m'attriste encore, c'est cette mobilité singulière d'affection en ce qui concerne les personnes, et d'impression à l'égard des choses extérieures. Cette inconstance, qui déroute et impatiente tous ceux qui vivent avec lui, ne tient pas seulement, je le crains bien, à la vivacité de son imagination, mais plutôt à une indomptable personnalité, toujours prête à réagir contre les chaînes de l'amitié et le despotisme des faits.
"Mais précisément, fait-il dire à la Mère, "cette mobilité apparente cache une persistance opiniâtre dans les sentiments intimes et dans les directions essentielles de la vie. [...] Il ne faut pas oublier qu'il est des positions où les sentiments, comme la puissance, doivent s'exercer avec un certain dédain des hommes et des choses. En vous jugeant, vous-même et vos collègues, avec un peu d'humilité, vous arriveriez peut-être à reconnaître que vous n'avez été ni les uns ni les autres dignes de lui. Cette âme trop vaste et trop haute vous a offert plus que vous ne valiez, en vous demandant plus que vous ne pouviez, mettons plus que vous ne vouliez donner.
"Cela est bien possible", répond Germer-Durand qui poursuit: "La vie de ce monde, même entre gens qui y apportent la meilleure volonté et la plus sincère franchise, n'est trop souvent qu'un tissu de malentendus. Et c'est pour cela que j'ai toujours pensé qu'on ne saurait y donner une trop grande place à la prudence et au bon sens et que je n'ai pu m'habituer à les voir dédaigner. [...]
"Vous le prenez trop au tragique", retorque la Mère qui ajoute: "Rien n'est plus commode et plus facile que la critique d'un gouvernement quelconque, surtout après sa chute. [...] Le plus simple est de se mettre à la besogne pour réparer le mal. Vous êtes sans doute convaincu que, dans la situation que les événements ont fait à la nouvelle Assomption de Nîmes, vous avez un devoir à remplir, celui d'aider et de favoriser les efforts de l'homme que la confiance des familles à charger de la réorganiser. Accomplissez ce devoir courageusement et modestement, sans tous ces retours sur les imperfections d'autrui. [...] On n'est pas béatifié pour avoir vu juste, pour avoir enseigné la prudence à ses contemporains, pour les avoir blâmés lorsqu'ils se trompaient. Les vrais saints sont ceux qui pansent les plaies.
"J'admire, très chère Mère, conclut Germer-Durand, avec quel art vous avez déplacé la question et vous avez su mettre en cause mon salut, quand il s'agissait d'un autre" (AC R.A.).1. Le 14 septembre, le P. Henri Brun écrivait au P. d'Alzon pour lui demander, une troisième fois, malgré les lettres reçues de lui, d'être relevé de ses voeux. Il ajoutait: "Si vous le voulez bien, mon Père, je continuerai la petite course que ces Messieurs m'ont prié de faire [pour collecter des souscriptions]. Je veux, jusqu'au moment de mon départ, faire tout pour cette Assomption que j'aime et que j'espère aimer toujours. J'attendrai votre réponse chez Singla, à Rivesaltes, et dès que je l'aurai reçue, je me rendrai auprès de mon évêque". Ayant achevé sa course à Perpignan, le 24 septembre, de Carcassonne, il informe le P. d'Alzon qu'il a éprouvé le besoin de faire une retraite.
2. Dans une longue lettre, écrite le 27 septembre à Mère M.-Eugénie, sous forme de dialogue entre lui-même et la Mère et dont il a gardé la minute (2 SK, 308), Germer-Durand dira ce qui le peine de la personnalité du P. d'Alzon, en mettant sur les lèvres de la Mère, le correctif à ses dires.
"Quand je me trouve en présence de qui vous savez, écrit-il, voici quelle est ma préoccupation: je crains de me laisser prendre comme autrefois par le réseau éblouissant de ses projets et de ses espérances. [...] En vérité, ma chère Mère, c'est un spectacle dont je rapporte chaque fois une plus profonde impression de tristesse, que celui de cette âme généreuse, meurtrie par tant de douloureux mécomptes, suites d'efforts démesurés, qui s'élance toujours, et n'arrive jamais; qui, cédant aux instincts de sa nature, s'obstine à se laisser conduire uniquement par son imagination; que l'inconnu tente toujours, que l'imprévu séduit, que l'impossible attire, et qui manque, en toute occasion de ces facultés positives et solides de l'intelligence, qui seules pourtant peuvent conserver et surtout réorganiser. [...].
"Ce qui m'attriste encore, c'est cette mobilité singulière d'affection en ce qui concerne les personnes, et d'impression à l'égard des choses extérieures. Cette inconstance, qui déroute et impatiente tous ceux qui vivent avec lui, ne tient pas seulement, je le crains bien, à la vivacité de son imagination, mais plutôt à une indomptable personnalité, toujours prête à réagir contre les chaînes de l'amitié et le despotisme des faits.
"Mais précisément, fait-il dire à la Mère, "cette mobilité apparente cache une persistance opiniâtre dans les sentiments intimes et dans les directions essentielles de la vie. [...] Il ne faut pas oublier qu'il est des positions où les sentiments, comme la puissance, doivent s'exercer avec un certain dédain des hommes et des choses. En vous jugeant, vous-même et vos collègues, avec un peu d'humilité, vous arriveriez peut-être à reconnaître que vous n'avez été ni les uns ni les autres dignes de lui. Cette âme trop vaste et trop haute vous a offert plus que vous ne valiez, en vous demandant plus que vous ne pouviez, mettons plus que vous ne vouliez donner.
"Cela est bien possible", répond Germer-Durand qui poursuit: "La vie de ce monde, même entre gens qui y apportent la meilleure volonté et la plus sincère franchise, n'est trop souvent qu'un tissu de malentendus. Et c'est pour cela que j'ai toujours pensé qu'on ne saurait y donner une trop grande place à la prudence et au bon sens et que je n'ai pu m'habituer à les voir dédaigner. [...]
"Vous le prenez trop au tragique", retorque la Mère qui ajoute: "Rien n'est plus commode et plus facile que la critique d'un gouvernement quelconque, surtout après sa chute. [...] Le plus simple est de se mettre à la besogne pour réparer le mal. Vous êtes sans doute convaincu que, dans la situation que les événements ont fait à la nouvelle Assomption de Nîmes, vous avez un devoir à remplir, celui d'aider et de favoriser les efforts de l'homme que la confiance des familles à charger de la réorganiser. Accomplissez ce devoir courageusement et modestement, sans tous ces retours sur les imperfections d'autrui. [...] On n'est pas béatifié pour avoir vu juste, pour avoir enseigné la prudence à ses contemporains, pour les avoir blâmés lorsqu'ils se trompaient. Les vrais saints sont ceux qui pansent les plaies.
"J'admire, très chère Mère, conclut Germer-Durand, avec quel art vous avez déplacé la question et vous avez su mettre en cause mon salut, quand il s'agissait d'un autre" (AC R.A.).