Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.351

29 oct 1857 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Le départ du Fr. Marie-Joseph Lévy. -La souffrance est aussi une prière. -Nouvelles du prieuré, dont l’abbé de Cabrières devient l’aumônier.

Informations générales
  • T2-351
  • 941
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.351
  • Orig.ms. ACR, AD 92; D'A., T.D. 22, n. 461, pp. 111-112.
Informations détaillées
  • 1 AUMONIER
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 EPREUVES
    1 LIVRES
    1 MALADIES
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 VIE DE PRIERE
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CHAUVAT, MARIE-GENEVIEVE
    2 HOWLY, MARIE-WALBURGE
    2 KOMAR, LOUISE-EUGENIE DE
    2 LEVY, MARIE-JOSEPH
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 FLAVIGNY-SUR-OZERAIN
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 29 oct[obre 18]57.
  • 29 oct 1857
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

J’ai reçu, hier, votre lettre, où vous me parlez de l’inutilité de vos efforts auprès du Fr. Marie-Joseph. Sa détermination ne me surprend pas, et je vous avoue qu’en dehors d’une certaine peine, j’en bénis Dieu. Ce pauvre garçon fût devenu plus tard très gênant par son activité inquiète. Dieu veuille qu’à Flavigny on la lui fasse passer!(1).

Le Fr. Hippolyte a dû vous écrire qu’hier j’ai été assez souffrant. Aujourd’hui je vais mieux. Je dois prendre mon parti de faire très peu et surtout de ne pas lire. Le mal de gorge qui vous a saisie est une preuve que vous devez vous ménager; mais Dieu, en vous imposant le silence, vous donne du temps pour la prière, et c’est ce que je désire de vous. La souffrance est une prière aussi, et je crois que Notre-Seigneur veut nous faire, bon gré mal gré, passer par cette dure voie. Vous avez beaucoup agi. Souffrir et prier constituent un état passif très méritoire.

Soeur M.-Geneviève est en bon train. Je lui ai dit de vous écrire après sa retraite. Je la mène un peu rondement; je la fais ne me parler de sa conscience qu’à genoux, elle m’assure que cela lui fait du bien.

M. Barnouin a définitivement quitté le prieuré. Je regrette que l’empressement un peu trop puéril de l’abbé de Cab[rières] à recueillir sa succession ait mis du froissement entre Soeur M.-Walb[urge] et son ancien aumônier. Je crois avoir arrangé cela. Mais vous aurez à voir qu’à présent l’abbé de Cab[rières] n’y soit pas du matin au soir. Du reste, il a l’air ravi. Je suis convaincu qu’il ne l’est pas, mais je prends toutes ses démonstrations pour argent comptant. Je crois qu’il finira par l’être. Ah! si le Fr. Hippolyte avait eu son éducation première! Ce pauvre petit abbé n’est pas taillé pour la première place et, en lui ménageant des douceurs à la seconde, il ira très bien.

Vous me dites toujours de bien bonnes choses, mon enfant, et je vous en remercie. Je voudrais que vous vissiez dans mon silence même tout ce que je vous suis et à quel point vous me faites du bien. Que je voudrais vous le rendre! Quant à moi, je vais doucement, souffrant par-ci, souffrant par-là et laissant Dieu le maître.

Adieu, ma chère fille. Assez pour aujourd’hui. J’écrirai plus tard à Nathalie. Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. A la demande du P. d'Alzon, Mère M.-Eugénie avait reçu, le 26 octobre, le Fr. Marie-Joseph et lui avait dit "assez vivement toute sa pensée sur lui et sur l'ordre dominicain". Inutilement d'ailleurs, car dès le samedi 24, il avait fait sa première démarche pour y être reçu. Le soir même du 26, il prenait son parti, et le 27 au matin, il était accueilli, sans que l'on en réfère à sa Congrégation, par les Dominicains en leur maison de Paris, en attendant de se rendre le plus tôt possible en leur noviciat de Flavigny. Ce départ précipité causa quelque émotion chez les religieux, qui en écrivirent au P. d'Alzon pour dire leur peine et l'assurer de leur fidélité.
Le Fr. Marie-Joseph Lévy, qui devait persévérer dans cette nouvelle orientation jusqu'à sa mort, eut la délicatesse d'écrire au P. d'Alzon la lettre suivante, datée de Paris, le 27 octobre 1857:
"Mon très cher Père, avant de partir pour le noviciat de Flavigny, je veux vous remercier de tout mon coeur des soins paternels que vous avez prodigués à un fils, non pas ingrat, mais forcé par la volonté de Dieu, en présence de laquelle tout doit céder, de quitter le berceau dans lequel il a si longtemps vécu, et la famille qu'il a toujours aimée fortement, et le maître, l'ami, le père qui l'a formé, Corrigé élevé et préparé pour de là embrasser une vie nouvelle, dont la tige était l'ancienne. Très cher et bien-aimé Père, que Dieu vous bénisse mille fois et encore mille et mille fois pour vous récompenser de toutes les peines, de tous les ennuis, de toutes les sollicitudes que je vous ai apportés en vous rendant le maître de ma misérable et déraisonnable personne. Bénissez-moi, mon bon Père, et priez sur tout afin que ce que vous croyez une tentation se change en épreuve dont vous aurez à subir tous les travaux et où je pourrai recueillir tous les mérites. Adieu, mon Père, votre toujours affectionné fils, qui vous chérit tendrement, vous embrasse de bien loin, en attendant que la Providence permette qu'il puisse le faire d'aussi près que son coeur le désire. Je suis à vos genoux, bien-aimé Père, le plus soumis et dévoué de vos enfants.
Frère Marie-Joseph LEVY.