Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.361

12 nov 1857 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

A propos de vocations éventuelles pour l’une et l’autre Assomption, dont le professeur de philosophie à Nîmes.

Informations générales
  • T2-361
  • 950
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.361
  • Orig.ms. ACR, AD 1118; D'A., T.D.22, n. 464, pp. 115-116.
Informations détaillées
  • 1 ANCIENS ELEVES
    1 ANTICLERICALISME
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 EXAMENS ET DIPLOMES
    1 HERITAGES
    1 MAITRES
    1 MARIAGE
    1 PARESSE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VACANCES
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOCATION SACERDOTALE
    2 ALZON, EMMANUEL D'
    2 BECAMEL, MARCEL
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CALVAYRAC, ABBE
    2 COMBES, EMILE
    2 DAUDE DE LAVALETTE, HENRI
    2 DUBOSC, MADEMOISELLE
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 HOWLY, MARIE-WALBURGE
    2 MONTAUDON, MADAME
    2 MONTAUDON, MESDEMOISELLES
    2 SIGUY, L.
    2 WALDECK-ROUSSEAU, PIERRE
    3 ALBI
    3 BORDEAUX
    3 CASTRES
    3 FRANCE
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 ROQUECOURBE
    3 TARN, DEPARTEMENT
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 12 nov[embre] 1857.
  • 12 nov 1857
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Voici quelques détails, dont vous ferez au besoin votre profit.

Les demoiselles Montaudon ont eu un héritage de 1.500.000 francs à partager entre quatre, 750.000 francs à elles deux. La mère veut marier Nathalie. Alix déclare que si sa soeur se marie, elle se fait assomptiade. C’est Mlle Dubosc, qui, au retour des environs de Bordeaux où est le château habité par ces deux dames, m’a appris cela. Quant à elle, elle voudrait se faire Carmélite, si sa santé le lui permet. Je l’ai engagée à venir faire une retraite de quelques jours au prieuré. Si le vent lui tournait vers vous, faut-il le favoriser? Elle a 45 ans; c’est une tête. Voyez et répondez.

Je vous enverrai une lettre par un de mes cousins, M. Daude(1). C’est un jeune homme d’une paresse insigne, mais certainement une des plus belles intelligences qui aient passé par l’Assomption. Sept à huit personnes, pendant les vacances, sans s’être entendues, lui ont dit qu’il était fait pour le sacerdoce. Cela le frappe d’autant qu’il en est très préoccupé, sans en rien dire. Ce serait pour nous une très belle acquisition. Il vous parlera, si vous pouvez lui donner du temps.

Priez et faites prier pour que Dieu nous donne notre professeur de philosophie. C’est un jeune ecclésiastique, licencié ès lettres, très intelligent, très pieux, passionné pour l’étude(2). Il a charmé M. Durand, M. de Cabrières et moi. Je crois que déjà il a quelques idées de nous venir, mais il faut prier.

J’ai eu ou plutôt j’ai essayé d’avoir une conversation sérieuse avec Soeur M.-Walburge. Il est impossible d’être plus aimable et plus raisonnable. Je l’ai prise par tous les bouts; elle s’échappe toujours par une plaisanterie.

Adieu. Je suis court, mais je veux que cette lettre arrive avant M. Daudé. Tout vôtre en Notre-Seigneur. On me dérange.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Henri Daudé de la Valette, ancien élève de l'Assomption (1845-1854).
2. Il s'agit d'Emile Combes (1835-1921), qui devait se faire une carrière politique dans le parti radical et devenir, à la présidence du Conseil, le successeur de Waldeck-Rousseau, de juin 1902 à janvier 1905. Sa politique anticléricale devait conduire à la loi de séparation des Eglises et de l'Etat en France, votée le 9 décembre 1905.
Né à Roquecourbe dans le Tarn, d'une famille modeste, le 15 septembre 1835, Emile Combes fit ses études secondaires au petit séminaire de Castres, et, quoique se destinant à l'état ecclésiastique, il fut autorisé à préparer sa licence ès lettres, avant d'entrer au grand séminaire d'Albi, en octobre 1855. Il n'y fait qu'un an de philosophie, puisqu'il pense à une thèse de doctorat ès lettres sur la psychologie de saint Thomas. Dans le domaine intellectuel, il obtient la mention *très bien*; sa piété est qualifiée d'*ordinaire*; sa tenue, de *médiocre*; son caractère, jugé *bon*. En octobre 1856, il entre en théologie et les choses vont moins bien. On le juge à présent d'un caractère *orgueilleux*, et "la certitude acquise de son mauvais esprit a fait révoquer son appel aux ordres moindres". Il se retire, le 13 mai 1857, mais de mauvaise grâce, se croyant victime d'une incompréhension, et garde l'habit ecclésiastique, dans l'espoir que l'autorité reviendra sur sa décision. C'est le doyen de la Faculté des lettres de Montpellier, M. Siguy, auquel il s'adresse pour sa thèse, qui le met en rapport avec Germer-Durand, lequel le recommande au P. d'Alzon, le 20 août 1857.
C'est ainsi qu'Emile Combes, ecclésiastique, devient professeur de philosophie à l'Assomption pendant trois exercices scolaires, d'octobre 1857 à août 1860. M. le chanoine Bécamel a publié en 1958, dans le n. 11 de la *Revue du Tarn* 15 lettres inédites d'Emile Combes, écrites à l'abbé Calveyrac, son compatriote et son condisciple. Elles révèlent son évolution pendant son séjour à l'Assomption et les motifs pour lesquels il abandonna le collège de Nîmes et l'état ecclésiastique. Il aurait voulu être ordonné "prêtre libre" et gagner davantage. Reçu au collège de Pons comme professeur laïc de rhétorique, il écrit, le 25 octobre 1860: "J'ai eu quelque peine dès le principe à porter légèrement les *insignes* du vulgaire, et la transition ne m'a pas paru du tout naturelle. J'ai le coeur un peu plus à l'aise aujourd'hui, mais l'oppression pénible, que j'éprouve encore, me permet de me comparer à une plante importée d'un autre monde".