Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.373

26 nov 1857 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Directives spirituelles. -Ses filles doivent voir surtout en elle le modèle de leurs actions les plus communes. -L’essentiel est de s’unir à Celui qui fait tout dans l’Eglise du fond du tabernacle. -L’aménagement du terrain du pensionnat. -Les Religieuses du prieuré. -L’affaire Loyson.

Informations générales
  • T2-373
  • 961
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.373
  • Orig.ms. ACR, AD 1120; D'A., T.D. 22, n. 468, pp. 120-122.
Informations détaillées
  • 1 CELEBRATION DES SAINTS MYSTERES
    1 COLERE
    1 CONCILE PROVINCIAL
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 INTEMPERIES
    1 JARDINS
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 OEUVRE DE JESUS-CHRIST
    1 PAIX DE L'AME
    1 PECHES CAPITAUX
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 SAINTS
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 UNION DES COEURS
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CHAUVAT, MARIE-GENEVIEVE
    2 CHAUVELY, MARIE
    2 HAY, MARIE-BERNARD
    2 HOWLY, MARIE-WALBURGE
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 LOYSON, THEODORE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 SAINT-JULIEN, MARIE-GONZAGUE
    2 VAILHE, SIMEON
    2 VERMOT, ALEXANDRE
    3 REIMS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 26 nov[embre 18]57.
  • 26 nov 1857
  • Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Je viens de dire la messe pour vous, afin de demander à Notre-Seigneur ce que je dois vous dire de votre âme.

1° Il me semble que, malgré l’éloignement, elle doit se tenir dans une grande dépendance, de telle sorte que vous acceptiez sans trop de murmures les ordres venus de loin par mes lettres, ou de près, quand le P. Picard vous en donnera(1).

2° Je voudrais que vous pussiez relire dans saint Jean de la Croix, au commencement de la nuit obscure, la partie qui traite des péchés capitaux dans le sens intérieur; vous pourriez y voir ce qui vous en est applicable et me le dire.

3° Je souhaite que toutes vos actions s’accomplissent dans une très grande paix, produite par la résolution généreuse de vous traiter uniquement comme vous traiteriez une de vos Soeurs, et la préoccupation très aimante de voir Notre-Seigneur glorifié dans vos moindres mouvements.

Il faut tout oublier de vous et tout prendre de la vie, des pensées de Notre-Seigneur, vous occupant fort peu de ce qui vous reste à faire, mais faisant divinement ce que vous faites. Ceci s’applique à tout. C’est une semence permanente à jeter autour de vous par tout ce que vous accomplissez, surtout de commun, parce que vos filles doivent voir surtout en vous le modèle de leurs actions les plus communes, n’étant pas appelées à en faire ordinairement d’extraordinaires. Ceci me semble impliquer un oubli très simple et très confiant de cette pauvre personnalité qui veut toujours montrer le bout de l’oreille. C’est une remise complète de soi entre les mains de Notre-Seigneur, pour qu’il fasse ou ne fasse pas pour nous ou sans nous, comme il voudra.

Voilà ce que je crois devoir vous dire devant Notre-Seigneur, que je prie plus particulièrement depuis quelques jours pour vous. Je suis très frappé d’un texte de l’Evangile. Sur le point de mourir, Notre-Seigneur dit à son Père: Opus consummavi, quod dedisti mihi,(2) Or extérieurement qu’avait fait Notre-Seigneur? Rien. C’est l’histoire de toute l’Eglise. Rien ne s’y fait et tout s’y fait. C’est l’histoire de tous les saints: ils n’ont rien fait et ils ont tout fait. L’essentiel est de nous unir à l’esprit de Celui qui fait tout en nous et dans l’Eglise, sans avoir l’air de rien faire, du fond de son tabernacle. Je ne sais si je me fais comprendre, mais je trouve, dans cette pensée, la mort de l’activité humaine personnelle et le principe de cette vie silencieuse et cachée, vers laquelle je me sens poussé et vers laquelle je vous pousse. Car, il faut bien vous l’avouer, tandis qu’en m’occupant des autres, je cherche à me placer à leur point de vue, en vous parlant de vous il m’est impossible de faire abstraction de mon âme. Peut-être ai-je tort, mais il m’est impossible de travailler à votre sanctification autrement qu’avec ce que je cherche à mettre pour base de la mienne(3).

Je me sens un peu fatigué, je vais vous répondre brièvement.

1° Vous aurez, j’espère, sous peu encore quelques milliers de francs; je ne vous remercie plus.

2° Nous avons de telles pluies que tous les travaux sont suspendus, mais on s’occupe du jardin. Je crois que le plan vous arrivera demain. Ce qu’on commencera de ce plan ne nuira pas aux modifications que vous pourrez désirer, parce qu’on s’occupera d’abord de ce qui sera certain.

Merci des détails sur Reims(4); ils m’intéressent au plus haut point.

Soeur M.-Walburge commence à se fâcher avec Soeur M.-Gen[eviève].

Savez-vous pourquoi? Parce que le bout du nez de celle-ci devient rouge à force de servir de gouttière à ses larmes. Je regrette infiniment Soeur M.- Bernard, parce que, si elle ne vient pas, je vous avoue en toute simplicité qu’il sera utile pour votre maison que j’y prenne plus d’autorité, et que positivement je ne le voudrais pas pour le bien général.

J’ai cacheté par mégarde la lettre de Soeur M.-Gonz[ague]. Je reviens sur l’affaire Loyson, pour vous dire encore que si ce qui l’y concerne m’est très indifférent, la peine que vous y prenez est énorme pour moi, je vous prie d’en être bien convaincue. C’est la seule chose qui m’y touche. On pourra garder l’argent de Chauvely tant qu’on voudra, dans la forme qu’on voudra(5).

Adieu, ma bien-aimée fille.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
5. Argent de Marie Chauvely: quelque 6.000 francs, que le P. d'Alzon rétrocède à Mère M.-Eugénie, laquelle va les utiliser à couvrir en partie les 10.000 francs que Clichy doit payer ce mois-ci. Dans les *Annales catholiques de Nîmes*, 8e livraison, 20 septembre 1862, pp. 443-448, l'abbé de Cabrières a honoré la mémoire de Marie Chauvely (1778-1862), personne modeste qui mit toutes ses économies au service de toutes les oeuvres de l'Eglise de Nîmes, celles de l'abbé Vermot d'abord, puis celles du P. d'Alzon autour de la Maison de l'Assomption.1. Le 12 novembre, Mère M.-Eugénie précisait son jugement sur le P. Picard: "Je veux vous dire pour votre consolation qu'il réussit à merveille. Il se montre excellent *confesseur*; j'en suis étonnée à son âge. Il est peut-être un peu sévère, mais ce n'est pas là un grand défaut, et d'ailleurs il s'y prend assez bien pour contenter ses pénitentes, enfants et religieuses. Son esprit positif et précis est quelque chose d'excellent en ce lieu là; et comme c'est au nom de Notre-Seigneur qu'il demande, qu'il n'y met aucune vivacité et qu'il ne donne que des raisons toutes surnaturelles, personne ne conteste sa parole quoique assez ferme [...] Pour moi, mon cher Père, je suis tellement à ses yeux votre brebis, que je n'ai guère à craindre qu'il me pousse jamais à autre chose qu'à ce que vous voudrez. "Que vous a dit le P. d'Alzon?" est sa grande question; seulement il tient à ce que je le fasse, de sorte que je crois qu'il peut me rendre de grands services, et en conscience devant Dieu, je me reprocherais de n'en pas profiter".
3. Vous m'avez écrit une bien belle lettre sur les choses du bon Dieu, mon cher Père, je vous en remercie, écrira Mère M.-Eugénie, le 30 novembre. Je la méditerai bien, et je suis heureuse de trou ver que ce qui vous va se rapporte si bien à mes besoins présents.
4. Le P. Vailhé a lu: *Rome*, par erreur. Il s'agit du concile de Reims, dont parle Mère M.-Eu génie dans sa lettre du 24 novembre.
5. Argent de Marie Chauvely: quelque 6.000 francs, que le P. d'Alzon rétrocède à Mère M.-Eugénie, laquelle va les utiliser à couvrir en partie les 10.000 francs que Clichy doit payer ce mois-ci. Dans les *Annales catholiques de Nîmes*, 8e livraison, 20 septembre 1862, pp. 443-448, l'abbé de Cabrières a honoré la mémoire de Marie Chauvely (1778-1862), personne modeste qui mit toutes ses économies au service de toutes les oeuvres de l'Eglise de Nîmes, celles de l'abbé Vermot d'abord, puis celles du P. d'Alzon autour de la Maison de l'Assomption.2. Jn 17,4.