Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.444

13 may 1858 [Lamalou], PERNET Etienne aa

S’il l’avait su à temps, il aurait offert la messe pour les premiers communiants. -En face des difficultés la recherche de la sainteté compte plus que le pessimisme.

Informations générales
  • T2-444
  • 1032
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.444
  • Orig.ms. ACR, AP 282; D'A., T.D. 34, n. 15, p. 10.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE RELIGIEUX
    1 COLLEGE DE CLICHY
    1 CURES D'EAUX
    1 EPREUVES
    1 ESPRIT RELIGIEUX
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 LACHETE
    1 LIVRES
    1 MISSIONS ETRANGERES
    1 PREDICATION
    1 PREMIERE COMMUNION
    1 REGULARITE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINTETE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VENTES DE TERRAINS
    2 JOB, BIBLE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 O'DONNELL, EDMOND
    3 AUTEUIL
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 LAMALOU-LES-BAINS
  • AU PERE ETIENNE PERNET
  • PERNET Etienne aa
  • Le jour de l'Ascension [le 13 mai 1858].
  • 13 may 1858
  • [Lamalou],
La lettre

Je reçois à l’instant, mon cher ami, votre lettre, et si elle me fût parvenue avant la messe, j’aurais pu la dire pour les premiers communiants. Le P. Laurent eût été bien aimable de me faire dire à l’avance le jour de cette fête de famille.

Les détails que vous me donnez sont bien tristes, en effet, Il faut passer per tribulationes multas et malas(1). Eh bien! que le saint nom de Dieu soit béni! Job a bien souffert davantage, et c’était un plus brave homme que vous, soit dit sans vous fâcher(2).

Puis, Notre-Seigneur, avant de monter au ciel, en a vu de grises, ce pauvre bon Dieu. Et s’il les a bien prises pour nous, pourquoi ne ferions-nous pas comme lui? Jetons-nous avec amour dans les bras de sa miséricorde. L’humiliation, l’ennui, le découragement vaincu, un peu de maladie par dessus le marché, voilà de quoi faire des saints de tous les Assomptionistes. Ainsi, mon bien cher fils, en montant à l’autel, donnez-vous bien à Notre-Seigneur. Faites-vous bien pauvre petite victime, et si vous êtes brûlé, tant mieux pour vous: le Saint-Esprit vous visitera et fera de vous un être nouveau. Vous voyez que je ne vois pas les choses par un côté trop sombre. A quoi bon en effet s’attrister? Quand on a fait tout ce que l’on a pu, le bon Dieu fait le reste; et c’est que peut-être on n’a pas fait tout ce que l’on a pu, on ne s’est pas assez mis en présence de Dieu, on n’a pas assez crié vers lui, on ne lui a pas assez demandé de soulever des montagnes.

Adieu, mon cher enfant. Il me semble que les eaux de Lamalou me font du bien. Priez un peu le bon Dieu pour moi. Je vous assure que je vous aime de tout mon coeur.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
2. Le 11 mai, le P. Pernet avait écrit une longue lettre au P. d'Alzon. Sans rien dramatiser, il exposait d'abord la situation du collège de Clichy, qu'il résume en deux mots: "A Clichy, Il y a souffrance". "Quand nous aurons rapproché le bilan du nombre de nos élèves de celui de nos comptes, les conclusions à en tirer, l'an prochain, ne seront guère de nature à rassurer. Madame la supérieure, *qui continue a s'épuiser en bontés* pour nous, et tout le monde ici avec elle, pousse à la vente, comme étant le parti le plus sage. Mais les difficultés ne seront pas moindres de ce côté [...] D'où nous pouvons conclure que Dieu ne nous oublie point, car évidemment il nous ménage ici de belles et bonnes épreuves" [...]. De plus, "les élèves n'ont pas ce qu'on appelle un esprit de maison, un attachement senti et vrai à l'oeuvre du collège qui les a élevés". Cependant, "quoique bien pâle encore la vie religieuse que nous menons ici, est plus fervente que par le passé; il y a plus de régularité parmi nous"; seul le P. O'Donnell vit à l'écart, absorbé par Saint Thomas, sa santé et les 15.000 francs qu'il avait pour ses publications, qu'il a avancés au collège et dont il exige, sinon le remboursement, du moins le paiement des intérêts.
"Probablement à cause des ennuis auxquels évidemment nous aboutissons, écrit alors le P. Pernet, nous rêvons tous de nouveaux moyens de procurer la gloire de Notre-Seigneur et de lui gagner des âmes. Tout le monde ici parle de missions, comme si on s'était donné le mot d'ordre. C'est une manière de nous consoler, je pense. Celle-là en vaut bien une autre, et prouve d'ailleurs que le courage de vos fils ne se laisse point abattre [...] D'après les dispositions intérieures que les religieux d'Auteuil et de Clichy ont manifestées, différentes fois, il paraîtrait que nous sommes comme dans une époque de transition, et que Dieu est sur le point de nous fixer définitivement le but auquel il destine notre petite Congrégation". Même le P. Laurent, qui vient de donner la retraite de la première communion et prêche "à toute la maison réunie" le mois de Marie chaque soir, "paraît s'embraser d'un beau zèle pour la prédication": "Se sentirait-il poussé secrètement à devenir autre chose un jour que le directeur de Clichy?
"Quoi qu'il en soit de l'avenir, écrit à présent le P. Pernet qui va parler de lui-même, il est bon que chacun de nous se tienne prêt à tout événement. Chaque jour, j'étudie la théologie morale, les cas de conscience, afin d'être à même de travailler utilement au bien des âmes au saint tribunal de la pénitence. Je voudrais bien aussi m'exercer à la prédication. Je ne dois point prétendre à être jamais un orateur de mérite et de renom. Mais ce n'est pas ce que j'ambitionne. Porter simplement la parole de Dieu, la répandre dans les coeurs comme une bonne semence de vie, la faire mettre en pratique, voila ce qu'on doit ambitionner et rechercher dans la prédication. Or, par l'onction du Saint-Esprit, un prêtre très ordinaire en talents, en éloquence, peut faire tout ce que j'ai dit, et quelquefois d'autant plus efficacement, qu'il compte pour rien ses propres ressources et attend tout des secours et des effets de la grâce toute-puissante".
Le P. Pernet définissait comme à l'avance son futur ministère sacerdotal, à partir de 1863 et jusqu'à sa mort. Mais le P. d'Alzon a réagi plutôt sur la finale de la lettre: "De temps en temps j'oublie que je suis prêtre, c'est-à-dire que je ne suis pas encore habitué à cette idée; mais quand le souvenir m'en revient, il me cause toujours une joie indicible. Je vois arriver avec le plus grand bonheur le matin de chaque jour, car il m'apporte l'heure où il m'est donné de monter à l'autel. En offrant l'adorable Victime, je fais souvent ce que vous m'indiquiez, mon Père, je m'offre de m'immoler avec elle à Dieu".1. Ps 70,20.