Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.487

6 aug 1858 Nîmes. MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il n’entend pas que le P. Laurent décide tout seul pour Clichy. -Il a une occasion de l’aider pour le défrayer de ses constructions à Nîmes. -L’élection de Soeur M.-Walburge au Chapitre général. -Le mur de clôture du couvent de Nîmes pourrait se faire pendant l’hiver.

Informations générales
  • T2-487
  • 1072
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.487
  • Orig.ms. ACR, AD 1131; D'A., T.D. 22, n. 508, pp. 159-161.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION NOCTURNE
    1 CHAPELLE
    1 CHAPITRE GENERAL
    1 CLOTURE
    1 COLLEGE DE CLICHY
    1 COMMERCANTS
    1 ELECTIONS AU CHAPITRE
    1 MACON
    1 MALADIES
    1 ORNEMENTS
    1 PENSION VIAGERE
    1 PETITES PROTESTANTES
    1 POSTULANTS ASSOMPTIONNISTES
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 BOLZE, MADAME SIMEON
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CHANTOME, PAUL
    2 COMBIE, JULIETTE
    2 COMMARQUE, MARIE-THERESE DE
    2 HOWLY, MARIE-WALBURGE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MALBOSC, FRANCOISE-EUGENIE DE
    2 PATY, MARIE-CAROLINE DE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 REVOIL, HENRI-ANTOINE
    2 SABEN, MADEMOISELLE
    2 SABEN, MARIE-JOSEPHINE-AUGUSTINE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 EMS
    3 GENEVE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 SALETTE, LA
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 6 août 1858.
  • 6 aug 1858
  • Nîmes.
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

J’ai reçu votre lettre avec une joie d’enfant, ou, si vous voulez, de père. Je craignais tant que votre tête ne fût souffrante, je vous conjure de la soigner. S’il vous arrivait de prendre mon mal, nous serions bien avancés. Amusez-vous bien(1).

Merci des détails que vous me donnez sur Clichy. Le P. Hippolyte ne m’écrit pas et le P. Laurent tourne autour du pot. Il me semble, en effet, que le bon Dieu peut nous venir en aide. Mais si le P. Laurent vous dit que je lui ai écrit un peu fortement, tâchez, si vous le pouvez, de lui faire comprendre que je n’entends pas qu’il décide tout seul. J’ai reçu ce matin une lettre du P. Picard, qui a bien moins de verve que le P. Laurent, mais qui révèle un coeur admirable. Malgré les sottises qu’il fait devant moi, c’est réellement une bien belle nature(2). Vous comprenez que de loin je ne puis prendre une décision très éclairée, mais puisque vous pensez que 325.000 francs ne seraient pas un trop bas prix, je saurais bien l’accepter. D’autant plus que le bon Dieu semble entrer dans ce que vous dites qu’il enverra de l’argent.

Voici ce qui se passe. Hier soir est morte l’aînée des demoiselles Saben, marchandes d’ornements dont vous m’avez sûrement entendu parler. Elles m’avaient chargé d’offrir à Monseigneur d’acheter à leurs frais une chapelle qui se trouve au centre de Nîmes, et qui sert aujourd’hui d’atelier. Monseigneur refusa. Depuis six mois je les persécutais pour les obliger à se retirer du commerce, leur prédisant qu’elles y laisseraient leur peau, -l’aînée vient de l’y laisser, en effet, et la seconde, qui a un anévrisme, était depuis 2 mois décidée à plier boutique(3). Elles estimaient leur magasin 100.000 francs; mettons qu’il n’en vaille que 50.000. Si je décidais celle qui reste à vous les donner moyennant une pension viagère et une habitation indépendante, mais près de votre couvent, accepteriez-vous l’idée? Cette fille est grossière, mais a un bon caractère et un grand esprit de foi. Je lui ferais passer ses journées chez les petites filles de Juliette(4), ses nuits devant le Saint-Sacrement. Seulement elle a quelquefois des oppressions qui lui font garder le lit. Une des petites filles, qu’elle a formées et qu’elle garderait auprès d’elle, la soignerait en travaillant. Ceci ne se fera pas demain, mais si l’idée vous va, je puis facilement pousser dans ce sens. Je crois, dans ce que je viens de vous dire, vous avoir fait sentir les avantages et les inconvénients de la chose. Une chapelle et une partie du couvent payée, ce serait une bonne chose. Toutefois on pourrait voir encore d’autres combinaisons.

Si l’abbé Chantôme voulait venir(5), qu’on lui présente la perspective de Genève. Il y a de quoi le séduire; qu’il nous vienne donc au mois d’octobre. Je vous ai très positivement parlé du soleil de Genève(6). Ma lettre se serait-elle perdue? Je partage bien vos préoccupations(7). Que les mauvaises têtes sont une triste chose! Mme Bolze m’attend. Cela fait rentrer les paroles dans le gosier et glace les idées dans le cerveau.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E. D’ALZON.

J’ajouterai que j’ai arrangé, ce soir, les choses pour le mieux au sujet de vos craintes à propos de l’élection de Soeur M.-Walb[urge](8). J’ai dit aux Soeurs votre scrupule au sujet de votre crainte d’avoir blessé leur liberté; que, dans les commencements d’une Congrégation, on ne pouvait pas faire les mêmes choses avec la même régularité que plus tard; qu’après tout, je ne croyais pas qu’il y eût nullité pour cela; que je les croyais toutes très contentes d’avoir nommé Soeur M.-Walb[urge]; que, toutefois, pour vous rassurer, si quelqu’une croyait devoir demander une autre élection, elle me prévînt en particulier, que je garderais son secret et ferais recommencer, sinon que je regarderais l’élection comme parfaitement valide. Je crois qu’aucune ne réclamera. Depuis leurs vacances, je suis allé quelquefois les voir, le soir, à leur récréation. Je croyais bien faire pour leur donner un peu de distraction, car j’ai toujours peur qu’elles ne s’ennuient.

J’en reviens à M. Chantôme. C’est un homme de vrai talent et, s’il veut nous venir, je l’accepterai avec bonheur.

J’ai chargé Soeur Fr[ançoise]-Eug[énie] de vous faire une proposition de la part des maçons de votre couvent d’ici. Il vous faudra vous clôturer, et ils présument que vous ne ferez faire les murs d’enceinte que dans dix-huit mois. Ils vous offrent de vous les faire pendant l’hiver prochain, et vous ne les paierez qu’à l’époque où vous auriez eu le projet de les faire faire. Voici leur raisonnement. Ils prévoient que la crise empêchera de faire faire beaucoup d’ouvrage, l’hiver prochain. Les journées seront à bon compte, et, en travaillant à cette époque, ils sauront trouver l’intérêt de l’argent que vous ne leur compterez que plus tard. Eux y gagneront de l’ouvrage, et vous d’avoir votre terrain clôturé à l’époque où vos filles en prendront possession, sans être trop pressée pour payer une dépense qui sera toujours assez considérable.

Je pense que vous serez obligée de venir ici au mois de novembre, et vous réglerez cela; mais je présume aussi qu’il est bon que vous en soyez prévenue d’avance. M. Revoil vous a-t-il écrit? Je me suis fâché tout rouge de ce que le devis définitif n’était pas prêt. Il me parle de 70.000 à 75.000 francs.

Adieu. Encore une fois, faites-moi répondre, pour peu que vous soyez fatiguée. Soeur M.-Caroline ou toute autre Soeur me répondra pour les affaires, et vous ne mettrez qu’un mot pour ce que vous voudrez garder entre nous. Nathalie m’écrit une assez bonne lettre, sauf qu’elle déclare impossible de comprendre en quoi le sens commun est bon à une religieuse qui n’a qu’à obéir. M. de Cab[rières] me redevient charmant. Mais quelle paille emportée, non pas à tout vent, mais à tout souffle!

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Allusion à ce passage de la lettre de Mère M.-Eugénie, du 3 août. Je *m'amuse* souvent pour me guérir [...] Je pense n'avoir pas besoin de vous dire ce que sont ces amusements: c'est flâner, causer, me promener; c'est un chien, un chat, bébé [son neveu], etc.".
2. D'Ems, le P. Picard écrivait le 3 août: "Je me repose pendant que vous souffrez, et que ceux qui ont supporté le poids du jour cherchent à profiter des lueurs incertaines de la nuit pour travailler encore et attendre l'aurore; tel est le sort des enfants gâtés, vous me l'avez toujours réservé, je vous en remercie infiniment".
3. Le P. Vailhé écrit en note de sa transcription manuscrite: "Je l'ai connue à Nîmes en 1889, soit 31 ans après; elle n'était pas près de mourir. -S.V.".[Les prénoms de l'aînée des demoiselles Saben étaient: Marie-Joséphine-Augustine - ajout de mars 2001].
4. Juliette Combié, toujours chargée de son orphelinat.
5. "A l'instant, le P. Hippolyte me dit, écrit Mère M.-Eugénie le 3 août, qu'il croit que l'abbé Chantôme pourrait bien vous venir. Malgré le passé, je crois que ce ne serait pas un homme à dédaigner; on le dit plein de talent et de zèle".
6. Dans cette même lettre, la Mère demandait au P. d'Alzon: "Que vous a dit la Sainte Vierge à La Salette? Vous ne m'en avez pas du tout parlé, ni du soleil de Genève à Soeur M.-Thérèse".
7. "Pour un membre de notre communauté", écrivait encore la Mère.
8. Election au premier Chapitre général des Religieuses de l'Assomption, qui s'ouvrit à Paris le 2 septembre 1858. Soeur M.-Walburge partit de Nîmes, le 10 août, pour y assister.