Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.519

14 sep 1858 Lamalou, AUBERT Marie de la Croix ra

La célébration de la fête de la Croix réveille en lui de vieux souvenirs de ferveur. -La croix est notre salut. -La croix est la grande preuve de l’amour de Jésus-Christ envers les hommes 1 -La croix est la source du bonheur dans la souffrance. -En face de Jésus immolé pour nous, il faut des victimes d’amour.

Informations générales
  • T2-519
  • 1101
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.519
  • Orig.ms. ACR, AL 315; D'A., T.D. 36, n. 2, p. 58.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DEVOTION A JESUS CRUCIFIE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 FETE
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 PECHE
    1 PENITENCES
    1 PERFECTION
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 SALUT DES AMES
    1 SANG DE JESUS-CHRIST
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    2 AUBERT, MARIE DE LA CROIX
    2 PAUL, SAINT
    3 MONTPELLIER
  • A SOEUR MARIE DE LA CROIX AUBERT
  • AUBERT Marie de la Croix ra
  • le 14 sept[embre 18]58.
  • 14 sep 1858
  • Lamalou,
La lettre

Ma chère fille,

J’ai reçu ce matin vos trois lettres(1), et, après avoir réfléchi un moment pour savoir si je ferais bien de répondre à chacune en particulier, j’ai pensé qu’une lettre collective vous serait plus utile. Je vous écris donc à toutes trois à la fois.

J’avais jadis une grande dévotion à la croix de Notre-Seigneur, et la fête que nous célébrons aujourd’hui ayant réveillé en moi de vieux souvenirs de ferveur, je veux essayer de vous en dire quelque chose(2).

Premièrement, il est certain que la croix est notre salut. Il n’y a point de rémission, dit saint Paul, sans effusion de sang(3). C’est sur la croix que Notre-Seigneur a voulu répandre jusqu’à la dernière goutte du sien, afin d’accomplir, selon toute la plénitude de son amour, cette terrible rémission, par laquelle il a payé à son père jusqu’à la dernière obole le prix de notre rachat; et sa croix, imbibée de ce sang divin, nous avertit que, si notre salut est accompli, il faut qu’il se continue en nous selon la loi de la rédemption, qui est, d’une part, une loi de donation absolue, comme Notre-Seigneur s’est donné, secondement une loi d’immolation à la justice de Dieu, comme Notre-Seigneur s’est immolé. De là je conclus: 1° l’obligation de nous renoncer nous-mêmes; 2° l’obligation de nous sacrifier par la pénitence pour l’expiation de nos péchés.

En second lieu, la croix est la grande preuve de l’amour de Jésus-Christ envers les hommes. Il eût pu sauver les hommes sans tant de souffrances; il a voulu les endurer pour nous prouver son amour. Si nous voulons lui rendre en reconnaissance ce qu’il nous a donné en tendresse, il faut marcher sur ses traces. La croix est entre les mains du chrétien le moyen de marcher dans la voie de l’amour, qui, ici, n’est autre chose que la perfection.

Mais il y a plus. Jésus-Christ a mis sa joie à souffrir sur la croix, pro posito sibi gaudio sustinuit crucem(4), nous dit saint Paul. Quelle est cette joie? La joie de prouver qu’il aimait, la joie de donner des preuves de sa tendresse. Je vous souhaite cette joie, mes filles, qui est la source du bonheur dans la souffrance. Arrêtons là notre sermon et concluons: nécessité du don de soi et de l’immolation, si nous voulons participer pleinement au mystère de la croix; bonheur de porter sa croix, de s’immoler jusqu’à l’effusion du sang, c’est-à-dire jusqu’à la mort, s’il le faut, et par une pénitence amoureuse, si notre vie ne nous est pas demandée. Voilà ce que je conclus tout simple ment, et voilà la conclusion pratique [que] je vous demande de tirer.

Ah! mes chères filles, si nous savions bien ce que la croix nous donnerait de forces, si nous voulions l’accepter; ce qu’elle nous donnerait de bonheur, si nous l’embrassions d’un coeur généreux! Je demande à Notre-Seigneur de vous le faire comprendre, afin que, vraies filles de la croix, vous soyez vraiment des victimes d’amour en face de Jésus immolé pour nous, que vous avez le bonheur d’adorer si souvent. Je confie ces lignes à Soeur Marie de la Croix, et c’est le bouquet de fête qu’elle me permettra de lui offrir.

Tout vôtre, mes chères filles, en Notre-Seigneur.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. En fait, il s'agit de lettres écrites par trois Religieuses.
2. Le P. d'Alzon ne précise pas davantage à quand remontent ses "vieux souvenirs de ferveur" et "sa grande dévotion à la croix de Notre-Seigneur". Rappelons seulement sa *consécration a Jésus-Christ* avec quelques séminaristes de Montpellier, le 3 mai 1833, en la fête de l'Invention de la Sainte Croix, où il écrivait: "Comme saint Paul, nous ne voudrons savoir qu'une chose: Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, *Jesum Christum, et hunc crucifixum*. Telle sera notre devise: Jésus Christ, dont le sacrifice sur la croix sera le modèle sur lequel nous aurons toujours les yeux fixés. *Aspice, et fac secundum exemplar quod tibi in monte monstratum est*. Nous viendrons souvent contempler ce modèle qui, de l'autel comme du haut de la montagne, se présente à nous et nous apprend ce que nous devons être, pour lui rendre l'honneur qui lui est dû. Et comme Jésus-Christ s'est offert volontairement à son père, sans cesse aussi nous nous offrirons à Dieu. Comme Jésus-Christ sur la croix n'a voulu que le salut des hommes, nous aussi, en aimant la croix, nous ne chercherons que notre salut et celui de nos frères. Comme Jésus-Christ élevé sur la croix a tout attiré à lui, *cum exaltatus fuero, omnniam traham ad meipsum*, nous aussi nous nous efforcerons, par l'esprit de pénitence, de nous élever sur la croix, afin d'attirer le plus possible vers le ciel tant d'âmes qui regardent encore vers la terre". (*Ecrits spirituels*, p. 751).3. Hb 9, 22.
4. Hb 12, 2.