Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.524

17 sep 1858 Lamalou, DOUMET_MADAME

S’il procède par interrogations, c’est pour l’aider à mieux se connaître. -Directives spirituel les immédiates. -Pour avancer dans la voie de la perfection chrétienne, il faut passer par la pauvreté de coeur. -Il l’invite à faire une neuvaine à Notre-Dame des Sept Douleurs.

Informations générales
  • T2-524
  • 1105
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.524
  • Orig.ms. AC PSA D'A., T.D. 34, n. 9, pp. 58-61.
Informations détaillées
  • 1 AUSTERITE
    1 AUTEURS SPIRITUELS
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
    1 DEFAUTS
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DEVOTIONS
    1 FETES DE MARIE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 NEUVAINES DE PRIERES ET DE PENITENCES
    1 PAIX DE L'AME
    1 PAUVRETE SPIRITUELLE
    1 PENITENCES
    1 PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 SAINTS
    1 SALUT DES AMES
    1 SEVERITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTUS THEOLOGALES
    2 JEROME, SAINT
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A MADAME DOUMET
  • DOUMET_MADAME
  • 17 sept[embre 18]58.
  • 17 sep 1858
  • Lamalou,
La lettre

Ma chère fille,

J’attendais une lettre de vous hier, mais le courrier de ce matin me l’apportera, je l’espère. Je viens d’offrir la messe à votre intention, et je viens vous dire ce qu’il me semble que vous avez encore à faire. Sans doute, vous avez reçu les quelques lignes que je vous adressais avant-hier, si je ne me trompe, par les Soeurs du prieuré. Si, au lieu de répondre aux questions, que je vous ai adressées auparavant, vous préférez que je vous parle comme je le faisais dans cette dernière lettre, je le ferai bien volontiers, mais alors il sera convenu que vous serez comme une cire molle entre mes mains, me rendant compte du bon et du mauvais effet de mes paroles, des répugnances ou de l’attrait que vous avez pour ce que je vous prescrirai.

Voilà votre lettre, et il me semble que nous nous entendons parfaitement. Quand je vous questionne ainsi, c’est que je veux vous obliger à vous replier sur vous-même pour vous étudier et approfondir vos dispositions. Je vous promets d’agir avec vous comme avec une personne qui veut, et qui veut fortement. Pour cela, j’exige à partir d’aujourd’hui:

1° Tous les matins, au moins une demi-heure de méditation, sans compter la messe; le soir, une petite visite d’un quart d’heure devant le Saint-Sacrement, à moins d’impossibilité absolue; le soir, votre examen de conscience un peu sérieux.

2° Faites surtout votre méditation sur vos imperfections et vos misères. Pour cela, mettez-vous en face des perfections de Notre-Seigneur et comparez-les à vos défauts: par exemple, sa patience avec vos susceptibilités, son travail avec votre paresse, son zèle avec votre tiédeur. Dans toutes vos méditations, adorations, communions, tirez toujours quelque conclusion pratique, la même pendant un an, s’il le faut, jusqu’à ce que vous soyez venue à bout de la réaliser.

3° La mortification se pratique ou pour expier ses péchés, ou pour obtenir quelque grâce, ou pour satisfaire pour les pécheurs et les âmes du purgatoire, ou pour donner à Dieu une preuve d’amour. Les saints ont été d’autant plus mortifiés qu’ils ont eu plus d’horreur du péché, ou qu’ils ont désiré la sainteté, ou qu’ils ont plus aimé les âmes, ou qu’ils ont eu plus d’amour de Dieu. Voyez quels sont ceux de ces motifs qui vous poussent à la mortification. Pour moi, je ne crois pas devoir vous y pousser, à moins que quelqu’un de ces sentiments ne se développe en vous, mais il est bien difficile de vouloir aimer sans vouloir souffrir.

Puisque vous lisez la vie des Pères du désert, vous pouvez voir combien grande était leur mortification. Saint Jérôme vous montre aussi de quelle sévérité usaient les chrétiennes de son temps. Voyez un peu ce que vous croyez pouvoir offrir; nous causerons de cela quand je serai à Nîmes. La pauvreté consistera pour vous à accepter les privations qui se présenteront, mais là-dessus encore, nous aurons besoin de causer. Vous acceptez, n’est-ce pas, de ne rien faire d’un peu important sans consulter. Voilà, jusqu’à nouvel ordre, en quoi consistera l’obéissance. Quant à la vie austère, il faut aller doucement, ceci se rattache à la mortification; mais par exemple, là-dessus j’ai besoin que vous vous sondiez. Quand vous lisez la vie des saints, éprouvez-vous tous ces bouillonnements qui font qu’on se dit: « Pourquoi n’en ferais-je pas autant? »(1). Ou bien vous dites-vous simplement à vous même: « Ceci n’est pas de ma position, je n’ai pas à prétendre si haut ». Il me semble que nous tenons là le noeud de l’explication que je vous demandais. Sentez-vous comme une flamme qui s’allume par moments, ou bien êtes-vous habituellement calme, paisible, et est-ce dans ce calme et cette paix que vous voulez vous maintenir?

Je me figure quelquefois que votre voie est une voie d’ardeur, mais, pour m’en rendre bien compte, j’ai besoin que vous me donniez quelques explications sur ce que je vous demande là. Ne vous tracassez pas de l’imperfection de vos dispositions. Paris n’a pas été bâti en un jour. Il me semble que nous nous entendrons désormais. L’ennui que mes questions peuvent vous causer vous sera utile; vous y verrez plus clair. Si vous ne savez pas bien répondre, c’est que vous n’avez pas pris l’habitude de vous sonder. Ne vous tracassez point du motif pour lequel vous aimez Dieu; souvenez-vous qu’avant d’arriver à la perfection de l’amour, il faut commencer par les vertus fondamentales: l’humilité, l’obéissance, la pénitence, la pauvreté de coeur. Acquérons d’abord ces vertus, le reste viendra de soi-même, Souvenez-vous qu’il vous faut faire des efforts, et de très grands efforts. Vous aurez même des découragements, des moments où tout semblera vous manquer. Tout cela est la voie de ceux qui veulent avancer. En sachant être, par la grâce de Dieu, plus forte que par le passé, vous arriverez au but.

Nous célébrerons dimanche la fête de Notre-Dame des Sept Douleurs, faites-lui une neuvaine. Vous réciterez tous les jours sept Pater et sept Ave. Si vous n’êtes pas souffrante, vous les direz les bras en croix, et vous demanderez à Marie souffrant aux pieds de son fils pour les péchés des hommes ce que vous devez faire pour expier les vôtres. J’aurai le temps de vous écrire ces jours-ci, et si vous avez envie d’avoir de mes lettres, à votre tour de me questionner.

Adieu, ma fille. Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Saint Augustin, *Confessions*, VIII, V, 10.