Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.566

30 nov 1858 [Nîmes, PICARD François aa

Il est des circonstances où il faudrait consulter le supérieur général. -Le P. Cusse est mal placé pour l’informer. -Obtenir du cardinal le retrait de cinq prêtres est fort aventureux. -Ne sachant rien directement, il ne peut rien lui dire. -Il attend des informations.

Informations générales
  • T2-566
  • 1148
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.566
  • Orig.ms. ACR, AE 65; D'A., T.D. 25, n. 66, pp. 58-59.
Informations détaillées
  • 1 COLERE
    1 COLLEGE DE CLICHY
    1 COMPORTEMENT
    1 CONFESSEUR
    1 CONTRITION
    1 GOUVERNEMENT DES RELIGIEUX
    1 PRETRE EDUCATEUR
    1 PRETRE SECULIER
    1 PUNITIONS
    1 RAPPORTS DU SUPERIEUR
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 SEVERITE
    1 SUPERIEUR GENERAL
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 VOYAGES
    2 CUSSE, RENE
    2 GOUSSET, THOMAS
    2 LAMBERT, NICOLAS-JOSEPH
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 PARIS
  • AU PERE FRANCOIS PICARD
  • PICARD François aa
  • le 30 novembre 1858].
  • 30 nov 1858
  • [Nîmes,
La lettre

Mon cher ami, Quand vous recevrez cette lettre, peut-être votre grande campagne sera-t-elle terminée(1). Mais permettez-moi de vous dire: pourquoi l’entreprendre, sans m’en dire un mot? Si le sup[érieu]r g[énér]al doit être consulté, n’est-ce pas en des circonstances pareilles? Vous partez, chargeant Cusse de me rendre compte. Il m’écrit quatre mots assez inconvenants. Mais ce n’est pas sa faute, c’est la vôtre. Oubliez-vous que Cusse ne m’a pas dit un mot de repentir? Oubliez-vous que, monté comme il l’était, son avis n’est absolument rien pour moi et ne devrait être rien pour vous, à cause de sa situation morale? Puis, sa lettre ne m’apprend rien. J’apprends indirectement que vous voulez faire maison nette des prêtres. C’est fort bien. Mais si le cardinal l’accorde, quelle impopularité cela ne lui crée-t-il pas dans son clergé, puisqu’il vous sacrifie cinq prêtres, sans parler de la malveillance qui vous en reviendra? Y avez-vous pensé? S’il ne l’accorde pas et que je ne juge pas à propos de vous retirer, quelle position avez-vous? Si je vous retire, qui vous dit que Clichy subsistera l’an prochain? et un asile providentiel nous est fermé par votre précipitation. De plus, les gens peu bienveillants ne manqueront pas de dire que nous ne pouvons vivre avec nos meilleurs amis. Ce sera flatteur pour la Congrégation, et nous aurons perdu un protecteur. Nous en avons tant!

Que Cusse, qui ne rêve que de retourner à Paris, passe par-dessus ces raisons, je le comprends; mais vous, je ne puis croire que votre raideur aille jusque là. Que fallait-il faire? Je n’en sais trop rien, puisque je ne sais rien. Mais avec un peu de savoir-faire, on eût pu arranger les choses, de façon à ce qu’un ou deux de ces Messieurs quittant -et bien semoncés par l’archevêque-, les autres se fussent mis au pli. Toutefois, encore un coup, je ne veux pas juger ce que vous ne m’avez pas appris. Qu’il soit plus facile de gouverner des religieuses, je le conçois. Mais nous ne sommes pas religieux uniquement pour être confesseurs de couvent. Il faut donc prendre notre parti de ne pas procéder ab irato et de tenir les supérieurs pour quelque chose. Quand vous, ou le P. Hippolyte, ou n’importe qui m’aurez appris un mot du fond de l’affaire que j’ignore absolument, je vous donnerai mon avis. Encore une fois, Cusse ne m’a rien appris, et ce n’est pas à lui, dans les dispositions où il est, à me rien apprendre. J’attends votre rapport, quoiqu’il soit un peu moutarde après dîner(2).

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Sa démarche à Paris auprès du cardinal Gousset.
2. Le P. Picard répondra à cette lettre le 2 décembre. Après avoir rappelé les circonstances de sa visite à Paris, où il lui a semblé que le cardinal lui donnait raison, et la décision prise par le cardinal d'envoyer sur place son vicaire général, M. Lambert, pour le mieux informer, le P. Picard écrit: "Bien des choses me font du chagrin dans ces circonstances, mais rien ne m'a autant brisé que la pensée de vous avoir fait de la peine ou de vous avoir mis dans une fausse position. J'avais vu toutes les raisons dont vous me parlez, elles ne m'avaient pas arrêté. Je vous en prie, mon bien cher Père, pardonnez-moi et croyez que je serai prêt à accepter les positions les plus fausses et subir les avanies les plus grandes, plutôt que de conserver un instant dans mon esprit la pensée de vous compter pour rien et, à plus forte raison, d'agir conformément à une pareille pensée".