Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.575

8 dec 1858 Nîmes. MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Les détails qu’il reçoit de Rethel lui prouvent qu’il a eu tort de nommer le P. Cusse pour cette fondation. Que faire pour réparer cette défaite? -Mgr Plantier n’est plus à Rome. -Nouvelles affectations de ses religieux. -Nouvelles de M. Combié. -Directives spirituelles.

Informations générales
  • T2-575
  • 1158
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.575
  • Orig.ms. ACR, AD 1157; D'A', T.D. 22, n. 534, pp. 186-187.
Informations détaillées
  • 1 CARACTERE
    1 COLLEGE DE CLICHY
    1 COMPORTEMENT
    1 CONFESSEUR
    1 ETATS PONTIFICAUX
    1 EVEQUE
    1 FRANCAIS
    1 GALLICANISME
    1 MALADES
    1 MEDECIN
    1 NOMINATIONS
    1 PAPE SOUVERAIN
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 RESIDENCES
    1 REVOLUTION
    1 SAINT-SIEGE
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 TRISTESSE
    1 ULTRAMONTANISME
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOYAGES
    2 COMBIE, JEAN-EMILE
    2 COMBIE, JULIETTE
    2 COMBIE, MARIE-CATHERINE
    2 CUSSE, RENE
    2 FONTAINE, DOCTEUR
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GOUSSET, THOMAS
    2 HANNESSE, PIERRE-NAPOLEON
    2 JOURDAN, RAPHAEL
    2 LAMBERT, NICOLAS-JOSEPH
    2 PERNET, ETIENNE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SACRE, JULES-JOSEPH
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 TOURNEUR, LOUIS-VICTOR
    3 AUTEUIL, AVENUE EYMES
    3 GAETE
    3 ITALIE
    3 NIMES
    3 PORTICI
    3 RETHEL
    3 ROME
    3 SEDAN
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 8 décembre 1858.
  • 8 dec 1858
  • Nîmes.
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Vous êtes, je l’espère, arrivée à bon port. Ma lettre vous parviendra après le débrouillement de vos premières affaires. Eh bien! je viens causer un peu avec vous des nôtres. Cette affaire de Rethel me semble plus triste, à mesure que j’y pense davantage et surtout à mesure que je lis la littérature de nos Frères(1). Je ne veux pas le leur dire sur le champ, mais tous les détails qu’ils me donnent me font une conviction plus grande du tort que j’ai eu de mettre Cusse par là, car il faut bien que j’en prenne ma part. J’aurais dû connaître l’impossibilité de son caractère, qui brise tout plutôt que de céder et qui, à son insu peut-être, exerce une action quelquefois funeste sur les autres. Que faire pour réparer cette défaite? J’avais d’abord pensé à écrire au cardinal pour lui dire que, les Pères partis, j’avais un devoir à remplir envers lui; qu’il n’était plus question de justifier mes religieux, mais de lui signaler ce qui, en rendant M. Sacré et le P. Picard impossibles, en rendraient d’autres impossibles également; que je tenais à sa disposition des documents qu’il verrait peut-être avec intérêt, mais que je ne lui communiquerais qu’autant qu’il jugerait utile de les connaître, afin qu’il fût bien convaincu que je ne parlais plus que pour le servir et non pour récriminer. Mais que voulez-vous? Ces pauvres Pères ont eu l’esprit de se mettre tout le monde à dos, ceci résulte de leurs propres aveux. Voyez et que pensez-vous?(2)

Il est inutile d’envoyer votre supplique à Mgr de Nîmes; il sera parti de Rome quand elle arrivera. Il paraît que ce séjour ne lui est pas aussi agréable qu’on pourrait le penser. Il me fait l’effet d’être bien pressé de partir; trois semaines, c’est peu(3).

Le P. Hippolyte a dû vous communiquer ma combinaison(4). Envoyez-le-nous, quand le P. Picard vous sera rendu. Je l’occuperai ici, et il me sera bien plus utile que le P. Galabert, que je vais envoyer à Rome avec le Fr. Raphaël, qui ne m’y coûteront pas un sou, sauf le voyage.

M. Combié va mieux. Toutefois, le médecin trouve un affaiblissement continu.

Je ne vous parle pas de notre dernière conversation, je veux seulement vous pousser à écouter la voix de Dieu: elle vous demande beaucoup, mais il vous a été tant donné.

Adieu, ma fille. Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E. D.ALZON.

Je n’écris pas à Soeur M.-Catherine, parce que Juliette peut le faire à présent.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon se consolera difficilement de l'échec de Rethel. Dans l'immédiat., les religieux se sont retirés à Clichy, d'où le P. Picard a rejoint le P. Saugrain, rue Eymès, près d'Auteuil.
2. Mère M.-Eugénie, le 11 décembre, conseillera au P. d'Alzon d'écrire au cardinal Gousset une "lettre affectueuse, où il se plaindrait de n'avoir jamais rien reçu de l'archevêché et le prierait de faire connaître ses plaintes". Peut-être serait-ce le meilleur moyen d'apaiser le cardinal, de faire toute lumière sur les faits et de sauvegarder son amitié. -Puis, s'appuyant sur une lettre de M. Lambert à M. Tourneur, elle écrit:"Les Pères n'ont pas eu autant de torts que vous pouvez le croire. Je ne crois pas qu'ils aient été violents, pas même le P. Cusse, mais la position a fait leur tort". En effet, M. Tourneur, curé de Sedan, avait prié M. Lambert, vicaire général, de venir en aide aux Pères; il lui avait dit qu'il les croyait victimes de M. Hannesse et de deux professeurs, que leur départ serait un mal pour le diocèse.
3. Le P. d'Alzon parle ici du seul séjour de Mgr Plantier à Rome. Dans ses notes manuscrites, l'évêque de Nîmes raconte sa visite au Pape Pie IX et relate qu'il eut l'occasion de lui déclarer "que rien n'était plus injuste que la qualification de gallicans jetée aveuglément à certains hommes et à certaines institutions; que la question aujourd'hui n'est plus là, mais qu'elle se pose entre la modération et l'emportement, entre la douceur et la violence; qu'enfin la majorité de l'épiscopat appartenant aujourd'hui à la première de ces nuances n'est pas moins dévouée corps et âme au Saint-Siège". Dans un autre passage, il juge à part lui la situation politique du Saint-Siège:"Le sol, si profondément ébranlé par la Révolution de 1848, ne s'est pas raffermi. Que les Français et les Autrichiens se retirent, le lendemain, les abîmes se rouvriront sous l'effort de nouvelles secousses, et le maître couronné du Vatican pourra redevenir l'auguste fugitif de Gaëte et l'exilé vénérable de Portici. Toutes les tentatives de réformes, essayées à diverses époques et sur différents objets ont échoué; je ne sais quelle force de résistance mystérieuse et insurmontable les ont rendues impossibles". Telles étaient les vues de Mgr Plantier sur l'épiscopat de France et sur la situation du Pape en ses Etats, avant que ne commence "l'affaire d'Italie" et ne se renouvelle le mouvement ultramontain.
4. Le P. d'Alzon songeait à rappeler le P. Saugrain à Nîmes, et par le fait même, à remettre le P. Picard au service d'Auteuil. Mère M.-Eugénie fera remarquer que cela ne peut se faire sans passer par l'archevêché, car il s'agit de substituer un confesseur à un autre, et que l'intérêt de Clichy exigerait que le noyau religieux y soit fortifié.