Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.577

10 dec 1858 Nîmes. VARIN_JEANNE-Emmanuel ra

Elle ne doit pas presser son entrée en religion. -L’essentiel est d’avancer dans la sanctification. -Recommandations à faire pour des protestants convertis.

Informations générales
  • T2-577
  • 1159
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.577
  • Orig.ms. ACR, AL 288; D'A., T.D. 36, n. 1, pp. 40-41.
Informations détaillées
  • 1 BAPTEME
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 COUVENT
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EMPLOIS
    1 EPREUVES
    1 JOIE
    1 JUIFS
    1 MESSIE
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PENITENCES
    1 PRESSE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SALUT DES AMES
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 ATGER
    2 DANIEL, PROPHETE
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 GREGOIRE XVI
    2 LOUIS-PHILIPPE Ier
    2 MARZE, FRANCOIS
    2 MONTET, EPOUX
    2 MORTARA, EDGAR
    2 PIE IX
    2 RAYNEVAL, ALPHONSE-GERARD DE
    2 SACCONI, CARLO
    2 TACONNET, EUGENE
    2 VARIN d'AINVELLE, CECILE
    2 VARIN D'AINVELLE, MADAME J.-B.-FELIX
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 ALES
    3 ANDUZE
    3 BOLOGNE
    3 FIUMICINO
    3 NIMES
    3 ROME
    3 SAINT-ETIENNE D'ALENSAC
  • A MADEMOISELLE ISAURE VARIN D'AINVELLE
  • VARIN_JEANNE-Emmanuel ra
  • 10 décembre 1858.
  • 10 dec 1858
  • Nîmes.
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Ma chère enfant,

Le genre humain a attendu le Messie 4.000 ans, les Hébreux 40 ans la Terre Promise; je trouve que vous pouvez attendre le couvent deux ans, d’autant plus que je vous permets d’être, comme Daniel, une fille de désirs(1). Si vous êtes heureuse d’être ma fille, je ne suis pas moins heureux d’être votre père. Seulement, il faut que ces relations nous sanctifient, et pour cela je vous demande de vous exercer dans vos communions à la joie du sacrifice, c’est-à-dire à la joie d’immoler à Dieu tout ce qui vous répugne. Si vous sacrifiez, toutes les vingt-quatre heures, ce que vous prévoyez vous être ennuyeux, si vous le sacrifiez gaiement, je vous promets l’esprit de joie pour toute votre vie. Même au milieu des plus grandes épreuves, faites des efforts que je vous demande, une question d’amour envers Notre-Seigneur, et vous verrez les fruits que vous en retirerez.

Veuillez demander à notre vénérable abbesse(2) si elle pourrait placer dans les bureaux de la mairie d’Alais ou ailleurs un protestant converti, d’Anduze, boulanger de son état, très brave homme, sachant écrire et ne pouvant rester dans son pays, depuis qu’il est catholique; sa femme, ses filles ont abjuré. Il a un petit garçon qui abjurera également, s’il ne l’a fait. Il se nomme Atger, et si la R[évéren]de Mère abbesse peut le placer, elle ferait bien d’écrire à M. le curé d’Anduze qui attend impatiemment une réponse(3).

Veuillez offrir mes hommages à Mme Varin et croire, ma chère fille, à mon bien paternel attachement.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
2. Il s'agit sans doute de la supérieure des Soeurs de la Présentation de Marie qui avaient acheté en 1854 le prieuré de Saint-Etienne à 3 km d'Alès pour y établir une école, "qui continue à être la providence de cette région", écrit Cécile Varin d'Ainvelle après la mort du P. d'Alzon.
3. Ces abjurations ou ces conversions de protestants nécessitaient souvent une prise en charge par la communauté catholique, et pouvaient provoquer des réactions diverses dans l'opinion publique.
Rappelons qu'à la même époque, la presse libérale se déchaînait contre l'Eglise et Pie IX lui même, à propos de l'affaire Mortara. Né le 26 août 1851 à Bologne, de parents juifs, le petit Mortara avait été baptisé à 11 mois par une servante catholique. L'évêque de Bologne ayant su la chose quelques années plus tard, exigea que l'enfant fût retiré à ses parents pour être transféré à Rome, afin d'y être éduqué chrétiennement aux frais du Pape, ce qui fut fait le 24 juin 1858.
Le 11 novembre, du Lac écrit au P. d'Alzon pour "savoir ce qu'est devenue une petite fille, née de parents juifs: M. Montel ou Montet et sa femme née Crémieux, de Nîmes. Dans le mémoire sur l'affaire Mortara, le Saint-Siège raconte que, sous Louis-Philippe, ces deux Juifs ayant débarqué à Fiumicino, la femme y fut prise des douleurs de l'enfantement. L'accouchement étant prématuré, la femme de l'auberge où ils étaient crut que l'enfant ne pouvait pas vivre et le baptisa. La petite fille ayant survécu, cette [femme] prévint l'autorité ecclésiastique et, les Juifs étant arrivés à Rome, on leur prit la petite qui n'avait guère qu'un ou deux mois. Pour la ravoir, ils firent intervenir l'ambassadeur, M. de Rayneval. Grégoire XVI refusa de livrer l'enfant aux parents, mais il consentit à la livrer au gouvernement français, à condition que ledit gouvernement prendrait *l'engagement devant Dieu* de faire élever cette enfant dans la religion catholique. M. de Rayneval prit cet engagement, et cette enfant lui fut livrée. Il serait curieux de savoir ce qu'elle est devenue et si Louis-Philippe a tenu sa promesse".
Nous n'avons pas la réponse du P. d'Alzon, dont du Lac accuse réception, le 24 décembre. Mais le 31, du Lac revient sur l'affaire Mortara et la prise de position de l'*Univers*, en écrivant au P. d'Alzon:"L'affaire Mortara est un fait providentiel elle révèle combien les premières notions du christianisme sont absentes des esprits de ce temps, et il me semble impossible que cette révélation effrayante ne détermine pas à prendre les moyens de remédier à un si grand mal. Quand je songe que nous avons été seuls dans cette bataille et qu'il a fallu trois semaines de discussions pour convaincre une foule de bons chrétiens que le Pape n'avait pas fait une monstruosité, je me demande ce qu'on attend pour apprendre à tous ces pauvres ignorants ce qu'ils sont par le baptême. Nous avons du moins la consolation d'en avoir éclairé quelques-uns et ce sont ceux-là qui nous maudissent le plus cordialement, disant que la discussion ne sert de rien et que nous aurions dû nous taire et rougir comme eux de Jésus-Christ et de son Eglise. Du reste, cette affaire nous fait le plus grand bien; ce sont, chaque matin, des masses d'abonnements, et Taconet est dans la joie. Le nonce, que Veuillot a vu souvent durant tout le combat, et qui se montre toujours le meilleur de nos amis, est enchanté de notre conduite et ne doute pas qu'à Rome on ne le soit de même".1. Dn 10,11.