Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.580

19 dec 1858 [Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il remet à plus tard l’affectation de ses religieux. -Nouvelles de Mgr Gerbet. -L’affaire de Rethel. -Question d’héritage à la mort de M. Combié.

Informations générales
  • T2-580
  • 1162
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 2, p.580
  • Orig.ms. ACR, AD 1159; D'A., T.D. 22, n. 536, p. 189.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION PERPETUELLE
    1 COLLEGE DE CLICHY
    1 CONTRAT DE DONATION
    1 DOT
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 ESPRIT RELIGIEUX
    1 HERITAGES
    1 NOMINATIONS
    1 PATIENCE
    1 PERSEVERANCE
    1 REGULARITE
    1 SANTE
    1 TESTAMENTS
    1 VOYAGES
    2 COMBIE, FAMILLE
    2 COMBIE, JULIETTE
    2 COMBIE, MARIE-CATHERINE
    2 CUSSE, RENE
    2 DOUMET, MADAME EMILE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 GALLOIS, AUGUSTIN
    2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
    2 GOUSSET, THOMAS
    2 PERNET, ETIENNE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 ROUSSEAUX, MARIE DE LA CONCEPTION
    2 ROUSSEAUX, MARIE DU SACRE-COEUR
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 TOURNEUR, LOUIS-VICTOR
    2 TURBEAUX, LEON
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 PARIS
    3 PERPIGNAN
    3 RETHEL
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le] 19 décembre 1858.
  • 19 dec 1858
  • [Nîmes,
La lettre

Ma chère fille,

Tout pesé je vais laisser les choses telles qu’elles sont. Le P. Picard ne peut être régulier à cause de sa santé, le P. Cusse à cause de son peu d’esprit religieux. Le P. Hippolyte sera nécessaire à Clichy. Je le rappellerai peut-être l’an prochain, mais d’ici là l’eau aura coulé sous le pont. Patience(1).

Je suis assez content de mon voyage à Perpignan. Mgr Gerbet a été parfait. S’il ne vous envoie pas son mandement de carême, faites-le-lui demander par ses anciennes filles qu’il aime toujours beaucoup, à sa façon(2). Il parle de l’adoration perpétuelle.

Merci de votre bonne lettre à M. Tourneur(3). Malheureusement, je suis têtu. Aux yeux du public, vos raisons sont parfaites, mais au discours on opposera: Pourquoi quitter Rethel, ou plutôt s’en faire chasser?

Juliette veut vous écrire pour les affaires d’argent. Chaque enfant Combié a 80.000 francs. On vous offre un contrat sous seing privé, par laquelle la famille cède tous les revenus à Soeur M.-Catherine, 30.000 francs, c’est-à- dire 10.000 francs de plus que ce que la loi lui accorde, pourvu qu’elle s’engage à laisser le reste à sa famille, sauf le cas où on ne lui paierait pas les revenus, ou bien où elle sortirait du couvent. Cette convention me semble très raisonnable, et je verrais des inconvénients à ce que vous ne l’acceptassiez pas. Il importe qu’une famille puisse dire que vous traitez loyalement les affaires; et, au fond, de son côté, elle me semble être très loyale, puisque le contrat est tout à votre avantage. Songez qu’il vous garantit 10.000 francs, auxquels vous n’auriez pas droit. Soeur M.-Catherine se réserverait le droit de désigner par testament le membre de sa famille, à qui les 50.000 francs iraient. Moi, je propose entre nous Juliette, pour qu’elle puisse tenir sa soeur Mme Doumet.

Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon remet à plus tard l'affectation de ses religieux, car il se propose de venir à Paris et y sera de fait, du 10 février au 3 mars 1859.
2. Il s'agit des deux demoiselles des Rousseaux, entrées à l'Assomption en 1858: la première, Esther, le 12 juin, sous le nom de Soeur Marie du Sacré-Coeur; l'autre, Louise, le 15 septembre, sous le nom de Soeur Marie de la Conception.
3. Mère M.-Eugénie a transmis au P. d'Alzon une copie de sa lettre à M. Tourneur, auquel elle exposait les faits qu'elle tenait du P. Picard, et qui correspondaient à ce que les religieux de Rethel écrivaient au fur et à mesure des événements. "Si j'avais eu le temps de la recommencer, écrit-elle le 16 décembre, elle serait plus claire et les choses plus frappantes; telle qu'elle est, ce qu'elle contient est l'exacte vérité dite avec le plus de modération possible. Il est de plus en plus évident que ce sont les fautes des surveillants que l'on a fait retomber sur vos Pères".
Le 23 décembre, M. Tourneur écrira au P. Picard: "Personne n'a été plus triste et plus altéré que moi de la nouvelle de votre départ de Rethel. C'est moi qui avais suggéré au cardinal l'idée de vous confier cette maison. J'aime l'Assomption de toutes mes forces et je lui suis très cordialement dévoué, parce que je la connais bien; je vous connaissais vous-même, imparfaitement encore, il est vrai, mais votre franchise m'inspirait une sympathie et un attrait qui nous auraient bientôt plus étroitement liés par suite des rapports que nous semblions destinés à avoir ensemble". M. Tourneur déplore ce qui s'est passé et suggère que peut-être une entrevue avec le cardinal aurait pu dissiper les malentendus." Maintenant, vous êtes la victime, vous êtes loin, il est trop naturel que l'on vous accuse et que l'on mette tous les torts de votre côté. Mais soyez tranquille, il y a ici assez de personnes instruites de l'exacte vérité pour la dire *in tempore opportuno* et pour faire rendre avec le temps la justice qui vous appartient. Comptez, mon cher Père, que je ne m'y épargnerai pas de mon côté".
Offrant au P. d'Alzon ses voeux de fête, le P. Picard lui écrira, le 23 décembre: "On prétend que les enfants qui ont donné beaucoup de chagrin à leurs parents ne sont pas les moins chers à leur coeur; j'aime à croire un peu à la vérité de ce paradoxe. [...] Je prierai avec beaucoup de ferveur l'Enfant-Dieu de porter un peu avec vous la nouvelle croix que je viens de vous imposer par ma maladresse et d'adoucir les autres croix si nombreuses que vous aviez à porter". -Le P. d'Alzon répondra le 1er janvier au P. Picard: "Il est sûr que j'ai vu avec un grand chagrin la chute de Rethel, c'est un coup funeste pour la Congrégation. Mais peut-être vous eût-on enterrés tous les trois avant la fin de l'année. Enfin, que la volonté de Dieu soit faite".
Au début de 1859, le P. d'Alzon se décida à écrire au cardinal Gousset "une lettre très bonne, religieusement et amicalement parlant"; ne recevant pas de réponse, il écrira à Mère M.-Eugénie, le 17 janvier 1859: "Il me paraît que, si les religieux ont eu des torts, à l'archevêché de Reims on en a eu aussi".
De Rethel, l'abbé Gallois, professeur au collège, demeura en relation avec le P. Picard:"Les élèves de choix vous regrettent toujours tous les trois, lui écrit-il le 30 décembre 1858; ils trouvent qu'ils travaillaient davantage sous votre direction; ils disent aussi qu'ils n'auront jamais de professeur de sciences pour égaler le P. Cusse". Par la suite, l'abbé Gallois devait entrer à l'Assomption et y demeurer de 1861 à 1873, sous le nom de P. Augustin Gallois, ordonné prêtre le 26 mars 1864 à Philippopoli. -Parmi les élèves, Léon Turbeaux, né en 1846, devait témoigner pour la cause de béatification du P. Pernet, en mars 1924, disant son admiration d'enfant pour sa bonté et sa piété qui annonçaient en lui "un saint aimable, gai et charmant, comme les aimait saint François de Sales". Parlant du P. Picard, il dit encore que "sa haute taille, son grand air et sa figure plutôt austère l'impressionnaient", "mais mon âme d'enfant devina bien vite son grand coeur, et je lui garde mon souvenir ému et reconnaissant".