TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES.|RAPPORTS

Informations générales
  • TD 7.277
  • TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES.|RAPPORTS
  • RAPPORT DE M. L'ABBE D'ALZON, DIRECTEUR
  • Rapport de M. l'Abbé d'Alzon, directeur. (Dans: Maison de l'Assomption fondée à Nîmes par M. d'Alzon et M. Goubier. Nîmes, Typographie Ballivet et Fabre, 1848, p. 19-34).
  • DU 10; TD 7, P. 277.
Informations détaillées
  • 1 AUMONE
    1 CANDIDATS AU BACCALAUREAT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 DESOBEISSANCE
    1 DISCIPLINE SCOLAIRE
    1 DISTINCTION
    1 EDUCATION
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 EXAMENS SCOLAIRES
    1 FETE DES INNOCENTS
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 FRANCHISE
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 MAITRES
    1 PARESSE
    1 PIETE
    1 PLEIN EXERCICE
    1 PREFET DES ETUDES
    1 QUERELLE DES AUTEURS CLASSIQUES
    1 RAPPORTS ANNUELS
    1 REVOLUTION
    1 TRAVAIL
    1 VANITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VIE SCOLAIRE
    2 ACHILLE
    2 ALAUZIER, GUSTAVE D'
    2 BALLIVET ET FABRE
    2 BARAGNON, PIERRE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 COLIN, PAUL-HUBERT
    2 CULLIERET, ADRIEN
    2 DASSAS, HENRI
    2 DAVID, HENRI
    2 GUIZOT, FRANCOIS
    2 LAPESSONIE, LOUIS
    2 LAUGIER, JULES
    2 LOUIS-PHILIPPE Ier
    2 LOUIS XVI
    2 MALOSSE, PAULIN
    2 NARBONNE, AIMERY DE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIECHEGUT, EUGENE
    2 PLACIDE, HENRI
    2 RAYMOND, HENRI
    2 REDIER, JOSEPH
    2 SAILLAN DE
    2 SEZARY, EMMANUEL
    2 WALSIN-ESTERHAZY, PAUL
    3 PARIS
    3 SAINT-CYR-L'ECOLE
  • 16 août 1848
  • Nîmes
La lettre

Messieurs,

Nous sommes enfin arrivés au terme de cette année scolaire, semée de tant d’angoisses! Que de fois, en effet, consultés par les parents sur la sécurité que présentait le séjour de leurs fils dans la maison, la responsabilité que nous assumions en les engageant à nous les confier encore, nous a fait trembler! Grâces à Dieu, nos espérances n’ont point été trompées: le flot des agitations populaires a toujours respecté notre asile. L’affection dont nous sommes entourés ici, n’était-elle pas une protection sûre, qui, au besoin, ne nous eût jamais fait défaut?

Voici donc une année assez bien remplie; et, malgré tant de sujets d’inquiétudes et de distractions, nous pouvons assurer que, si les renseignements pris sur un grand nombre d’autres établissements d’éducation sont exacts, le nôtre est un de ceux où, depuis six mois, on a le moins perdu de temps.

Cette observation était nécessaire pour prévenir l’étonnement qu’aura peut-être causé la rigueur du récent rapport de M. le Préfet des études, sur les examens du troisième trimestre. La promesse de l’an dernier a été tenue: les résultats des examens trimestriels ont été communiqués aux familles, et l’usage établi fera règle désormais. Si l’on est surpris que ces résultats ne soient pas plus satisfaisants, nous donnerons plusieurs raisons de la faiblesse qu’ils constatent.

D’abord, comme on peut se le rappeler, la franchise et la publicité sont un de nos moyens les plus puissants d’éducation; et, pour que ce moyen soit efficace, on est contraint de blâmer publiquement tout ce qui paraît mériter des reproches.

Puis, nous ferons remarquer une fois pour toutes, que les examens du mois de juillet laissent toujours quelque chose à désirer. La mémoire et l’intelligence subissent elles-mêmes, par les sens, l’influence de l’atmosphère; comment voulez-vous qu’on puisse étudier un peu vigoureusement par 30 degrés de chaleur? Enfin, au milieu de ces bouleversements, de ces agitations, que nous avons tous ressentis, chacun n’a-t-il pas éprouvé ces préoccupations distrayantes qui, comme la poussière par les grands vents, pénètrent dans les lieux les mieux abrités?

Pourtant, nous y avions mis quelque dévouement, en refusant les longs congés offerts à Pâques par M. le Ministre. Nous avons été sur ce point d’une sévérité cruelle, au dire de plusieurs mères; la plupart des parents nous ont cependant approuvé. Ils ont cru avec raison que des intervalles de repos trop fréquents donneraient à la fin des habitudes d’inaction et de paresse. Du reste, en cette circonstance comme en toutes les autres, nous avons cherché, au prix d’un peu plus de fatigue, le témoignage de notre conscience, avant l’applaudissement du public.

Nous ne saurions donc avoir un grand remords de cette franchise, dont les effets, en frappant, il y a quelques jours, nos élèves, semblaient rejaillir sur les maîtres. Oui, sans doute, l’année, à son terme, ne porte pas tous les fruits qu’en commençant elle semblait promettre; les études, dans plusieurs classes, n’ont pas réalisé toutes nos espérances; mais doit-on s’en étonner beaucoup, quand il faut traverser de longs jours de révolution, un dictionnaire d’une main et une grammaire de l’autre? Sans doute on eût dit que l’ordre et la discipline étaient sur le point de fléchir; mais nous avons su mettre un terme à ces velléités d’indépendance, et les choses ont repris leur cours ordinaire, et l’on est demeuré convaincu que, pour jouir de tous les fruits de la liberté, il faut être majeur. Il nous est impossible, après tout, de regretter de pareils mouvements; nous nous applaudissons bien plutôt, et vous allez, j’en suis sûr, vous féliciter avec nous, qu’ils n’aient pas offert une intensité plus grande. Le pilote qui, par un temps d’orage, affronte les vagues de l’Océan, s’estime heureux, non pas quand il a atteint le port au jour fixe, mais quand la tempête ne l’a pas trop fait dévier de sa route.

Mais laissons aujourd’hui les longues réflexions: car elles viennent, en si grand nombre, se présenter d’elles-mêmes, qu’il est bien inutile d’en suggérer de nouvelles. Je préfère vous donner l’historique d’une année qui fera époque dans les annales de la France et de la maison et vous initier ainsi à ces détails de famille, où vous retrouverez à chaque pas vos enfants, notre action sur eux, leur résistance ou leur concours, leur paresse ou leur zèle, leurs succès qui vous consoleront, et même leurs chutes qui vous avertiront de vos devoirs envers eux pendant les vacances.

Elle s’annonçait, cette année, sous les plus heureux auspices; les jeunes recrues arrivaient nombreuses et nous offraient les meilleures garanties, soit à cause des familles qui les présentaient, soit par leur intelligence et leur caractère.

La Seconde Division elle-même, à qui l’on avait eu tant de reproches à adresser autrefois, paraissait se transformer, grâces à de rigoureuses éliminations, et par l’introduction de nouveaux sujets.

En ce temps-là, nous n’avions qu’à louer chez la Première Division: elle marchait avec ensemble dans les voies du bien; elle tenait à honneur d’être la première dans les études et le bon vouloir, comme elle l’était par l’âge; elle semblait prendre à tâche de fonder l’esprit et les traditions de notre oeuvre. On y formait de beaux projets, tous raisonnables. Nous crûmes devoir les encourager. Ainsi s’organisa un corps de musique, dont nous approuvâmes le règlement. Rédigé par les élèves eux-mêmes, ce règlement était si prudent et si sage! Les chefs placés en tête du corps semblaient offrir tant de garanties! Qui eût cru que la Société Philharmonique serait plus tard pour nous un déplorable sujet de mécontement? Tant il est vrai qu’au fond des meilleures pensées germent souvent des semences funestes de trouble et de désorganisation!

Cependant, la maison avançait heureusement, quand nous arrivâmes aux solennités de Noël. Après Noël viennent les Innocents, et leur fête, rétablie d’après l’usage antique, avait, l’année précédente, fait trop de bien, procuré trop d’utiles plaisirs, pour que la tradition n’en fût pas définitivement consacrée. Mais toute chose étant aujourd’hui en progrès, il fallut régulariser ce qui avait d’abord apparu sous forme d’improvisation, et fixer d’une manière légale les pouvoirs qu’exerceraient, pendant vingt-quatre heures, les élèves devenus les maîtres de la maison. Pour accomplir une oeuvre si importante, nous ne voulûmes pas nous en rapporter à nous seuls; une commission, nommée par voie de scrutin et composée d’élèves de la Première Division, fut chargée d’élaborer la Charte des Innocents.

Triste retour des choses d’ici-bas! A peine les commissaires nommés à la presque unanimité, eurent-ils été revêtus de leur autorité provisoire, qu’ils furent jugés d’une incapacité absolue pour un si grand travail. Pourquoi cela? Uniquement parce qu’ils étaient nommés, et qu’une foule d’autres ne l’étaient pas.

Ce fut bien autre chose, quand, une fois la Charte des Innocents proposée, discutée, amendée, corrigée, mutilée, adoptée, on procéda à l’élection du gouvernement définitif. Il ne devait durer que d’un soleil à l’autre, et cette puissance éphémère n’avait pas traversé son unique nuit, que l’opposition la plus formidable s’amoncelait à l’horizon et s’élevait avec le jour qu’elle obscurcissait de sombres présages. Autant de classes, autant de comités opposants! Le pouvoir n’avait rien fait encore, mais il avait laissé faire; et le pouvoir qui laisse faire n’est plus le pouvoir. Aussi, quand l’administration des Innocents dut, à l’heure fatale, rendre compte de sa gestion, MM. de Saillan et Baragnon (Pierre) vinrent, au nom de la coalition la plus compacte, articuler d’écrasantes inculpations. Il fallut que M. le directeur Michel, se couvrant d’un silence savant et mathématicien, laissât la parole à M. le Préfet des Etudes. Ce fut une belle lutte, dont les honneurs restèrent à M. de Cabrières, qui se distingua par la facilité de son locution, et la promptitude de ses répliques toujours improvisées.

Au siège de Troie, Achille bouda sous sa tente: le jour des Innocents, nous vîmes de jeunes héros bouder sur leurs bancs, et, s’enveloppant de leur majestueuse originalité, déclarer de pareils combats trop puérils, pour mériter l’attention de leur éloquence et de leur mauvaise humeur.

Que de traits de caractère, restés cachés jusqu’alors, nous apparurent subitement dans ces essais de lutte parlementaire! Que de voiles furent involontairement levés, même par ceux qui crurent ne rien dire! Si, le jour des Innocents, vingt-quatre heures d’étude sont enlevées aux élèves, les maîtres y acquièrent plus qu’en trois mois d’observations. Ce que l’instruction y perd, l’éducation le gagne au centuple.

Nous dûmes alors partir pour Paris. On nous assurait que le moment était venu d’obtenir le plein exercice. En effet, à peine la discussion de l’adresse terminée, nous fûmes présenté à M. Guizot; et ce ministre, envers qui ses malheurs politiques ne nous rendront point oublieux, s’offrit à réfuter lui-même les objections que le chef de l’instruction publique pourrait opposer à notre demande. Ce furent ses propres paroles; il nous les adressait, le jeudi 17 février; et, huit jours après, heure pour heure, un roi porté au trône par une révolution, la veille entouré de quatre-vingt mille hommes, en ce moment complètement délaissé, partait pour l’exil, du lieu même où une autre révolution avait fait monter un autre roi sur l’échafaud. Il nous fut donné de contempler cette chute si imprévue et si rapide, ces flots de peuple lancés tout-à-coup et tout-a-coup apaisés, une modération inouïe jusqu’alors dans la victoire, un respect inattendu, mais frappant, pour la religion, et d’entendre les applaudissements qui ébranlèrent les voûtes de Notre-Dame, quand le plus éloquent de nos orateurs sacrés, jetant du haut de la chaire un regard de feu sur cette tempête à peine calmée, vint affirmer que Dieu avait passé par là.

Pour nous, il fallut nous en aller de Paris comme nous y étions venus; seulement nous y avions connu deux jeunes hommes que la maison compte aujourd’hui parmi ses maîtres, l’un comme professeur, l’autre comme surveillant. Le devoir du directeur d’un établissement considérable consiste non-seulement à faire par lui-même, mais à agir par des coopérateurs intelligents et dévoués; et, sous ce rapport, le résultat de notre voyage eût été des plus satisfaisants, si, d’un autre côté, notre absence n’avait dû être la cause d’une triste déception.

A peine les commotions politiques eurent-elles ébranlé le sol de la France, que notre pensée se reporta sur la maison; nous nous demandâmes quel effet ces grands évènements produiraient sur les élèves de la Première Division, et par eux sur leurs camarades. Nous crûmes pouvoir leur rendre, dans notre conscience, ce témoignage, que l’affection pour leur directeur, si souvent exprimée par eux, les porterait à de nouveaux efforts et leur serait un frein contre toute suggestion mauvaise. Nous espérâmes, à notre retour, les trouver toujours les mêmes; malheureusement nous nous trompions. « Comptez sur la Première Division », nous avaient-ils dit, peu de jours avant notre départ; nous les crûmes, et nous eûmes tort; non pas que, loin de nous, la Division entière se fût livrée à de graves écarts; mais ce n’était plus ce bon esprit des premiers jours; ce n’était plus cet ensemble d’efforts, cette piété sincère et franche; enfin le genre écolier commençait à dominer chez plusieurs.

De la Première Division, cette disposition d’esprit menaçait de passer dans la Seconde. Des mesures énergiques coupèrent le mal dans sa racine; et, malgré quelques oscillations, l’exemple des plus grands ne fut, grâces à Dieu, pas suivi. Au contraire, ce qu’elle semblait promettre, la Seconde Division l’a presque constamment tenu; et il s’en est fallu de bien peu qu’elle n’occupât le premier rang, dans l’appréciation générale dont nous allons bientôt vous offrir le résumé.

De son côté, la Troisième Division se faisait remarquer par une persévérance d’application digne d’éloges, et par les bonnes pensées dont elle a toujours suivi l’inspiration. Ainsi, dès le commencement de l’année, un apprentissage de la société de Saint-Vincent-de-Paul était inauguré dans son sein.

C’est dans la Troisième Division que se sont faits les sacrifices les plus fréquents et les plus considérables, soit sur les desserts, soit sur l’argent des semaines, pour secourir les indigents, et c’est à elle qu’on a dû confier la plus grande partie des secours distribués par la maison aux pauvres honteux.

Les bonnes dispositions du coeur ne nuisent en rien, dans la Troisième Division, au progrès des études. C’est, au contraire, incontestablement celle où l’on a le plus et le mieux travaillé. Dirigée par des professeurs dont le zèle sait se communiquer à toute leur classe, nous lui avons vu faire de remarquables progrès. Nous avons pu constater, à la fin de l’année, chez des élèves de Septième et de Huitième, d’une médiocrité désespérante d’abord, un développement dont le professeur lui-même était étonné.

Nous sommes jaloux, on peut le comprendre, de maintenir dans nos études cette supériorité qui, nous l’espérons, ira s’élevant avec les classes où elle commence à se manifester; et tel est le motif de notre sévérité dans l’admission des élèves nouveaux, que nous plaçons et que nous continuerons à placer dans des classes inférieures à celles où leurs parents les croyaient capables d’entrer. Peut-être nous dira-t-on que cette différence de force, constatée chez les élèves nouveaux, vient de la différence des méthodes. Les enfants qui ont étudié ailleurs paraissent comme déroutés par les procédés adoptés ici. Mais, si ces procédés sont bons, si les résultats l’ont prouvé, nous tenons peu à les modifier pour de nouveaux arrivants, quand l’ensemble des élèves formés, dès le commencement, d’après notre méthode, s’en trouve parfaitement.

On a beaucoup agité le problème de savoir si l’on ne pourrait pas abréger les années consacrées à l’étude des langues mortes, ou, dans le même temps, obtenir une connaissance plus approfondie de la littérature antique. Ce problème, nous croyons l’avoir résolu; et nous ne voulons pas sacrifier les avantages de nos travaux à la faiblesse de quelques élèves attardés ou à la tendresse de parents qui veulent se séparer de leurs enfants le plus tard possible.

Tandis que la Troisième Division formait, sous l’impulsion de ses maîtres, son intelligence et son coeur, dans la Première, la Société Philharmoniques’occupait à réclamer ses privilèges. Ce que sont les privilèges de cette société, c’est ce que nous n’avons jamais pu bien savoir, et, par conséquent, ce que nous n’avons jamais pu accorder. Des élèves que la passion de l’étude n’entraîne pas, sont toujours heureux d’un prétexte de perdre leur temps. Nos musiciens voulaient avoir ce droit et d’autres encore. Nous ne dirons pas quelle fut leur dernière demande et ce qui nous força à casser cette réunion de virtuoses susceptibles. Quoi qu’il en soit, la Société Philharmonique fut dissoute par nous; ses membres n’eurent plus occasion de réclamer aucun privilège, et c’est pour cela que nous avons dû confier à d’autres qu’à ces Messieurs le soin de célébrer par des fanfares les triomphes de leurs camarades. Ne le regrettez pas trop, vos oreilles n’y perdront rien.

Peut-être s’étonnera-t-on de la sévérité de nos jugements. Nous allons l’expliquer. Nous ne pouvons croire que quelques élèves de la Première Division aient puisé, au sein de leurs familles, la grossièreté de sentiments, la rusticité de manières, l’insouciance de tenue, l’absence de politesse, dont ils semblent faire depuis un certain temps parade. Le nombre en est petit, sans doute; mais ici il sera toujours trop grand. Nous avons combattu avec énergie ces déplorables tendances, nous ne les avons pas encore entièrement détruites. C’est aux parents à continuer notre oeuvre; peut-être seront-ils plus heureux que nous dans leurs efforts, et nous rendront-ils dans deux mois, s’ils nous les rendent, au lieu d’élèves sans formes, ni tenue, des jeunes gens doux, polis, aimables, méconnaissables enfin.

N’aurons nous donc que des paroles de blâme pour les plus avancés de nos élèves? A Dieu ne plaise! mais, fidèles à notre dessein de ne jamais taire notre pensée, nous avons voulu dire le mal avant le bien; et, tout en blâmant d’une manière un peu vive la minorité, nous pouvons donner avec bonheur des éloges complets à un grand nombre. Par exemple, si nous avouons qu’ici on a vu, parmi les grands, quelques étourdis paraître croire qu’ils faisaient honneur à Dieu en lui adressant des prières distraites, et en gardant à la chapelle une pose peu respectueuse, nous ajouterons que presque tous donnaient des preuves d’une solide piété, et se préparaient à porter honorablement dans le monde le titre de chrétiens. Si, pour quelques-uns,les cours d’instruction religieuse semblaient absorber un temps qui eût été, selon eux, employé plus utilement à la préparation des examens du baccalauréat et de Saint-Cyr, pour la plupart, ces cours ont été l’objet d’une application sérieuse, et l’occasion de développer une assez grande intelligence. Enfin, nous observons tous les jours des caractères que se dessinent plus fortement et qui prennent une réelle consistance. Nous avons eu, sous ce rapport, d’agréables surprises, et tel élève dont nous avions auguré d’abord peu favorablement, s’est tout-à-coup placé avec avantage en tête de ses camarades. C’est là notre consolation; car nous avons appris à ne désespérer de personne. Souvent, dans une maladie, une crise bouleverse l’organisation et modifie du tout au tout le tempérament; l’âme aussi a ses crises, et nous en avons constaté des plus heureuses parmi nos enfants.

Il nous reste à apprécier les Divisions par ordre de mérite. Nous plaçons en tête la Troisième, composée des élèves de Septième et de Huitième qui ont fait, cette année, leur première communion. Il était naturel d’espérer davantage de leur part, et presque tous ont donné en effet ce que nous attendions d’eux. Un plus grand zèle dans le travail, une meilleure tenue, l’esprit d’obéissance, l’absence de ces tristes désordres qui viennent parfois affliger ailleurs, nous avons à louer tout cela chez eux. Mais plaçons à leur tête:

MM. Malosse (Paulin), de Narbonne (Aimery), d’Alauzier (Gustave), Sézary (Emmanuel), Cullieret, (Adrien), Pièchegut (Eugène) et Raymond (Henri), pour la Conduite;

MM. Malosse (Paulin), d’Alauzier (Gustave), Sezary (Emmanuel), de Narbonne (Aimery), Cullieret (Adrien), Pièchegut (Eugène) et Colin (Paul), pour le Travail.

La Seconde Division, à la différence des autres années, recevra cette fois nos éloges; il y a eu, dans la conduite, du moins, de réelles améliorations. Il est cependant une épreuve à laquelle leur jeune cerveau n’a pu encore résister: c’est la fumée des compliments. Jamais il ne nous est arrivé de leur témoigner notre satisfaction, qu’aussitôt nous n’ayons eu à déplorer quelques chutes; comme s’ils eussent voulu protester, par une recrudescente légèreté, contre nos encouragements. Espérons qu’une autre année, ils seront en état et de se bien conduire et de porter le poids de nos louanges. Pour aujourd’hui, il faut les ménager, et nous ne leur en dirons pas davantage. Nous nommerons seulement:

MM. Rédier (Joseph) et Walsin-Esterhazy (Paul), pour la Conduite;

MM. Rédier (Joseph), Placide (Henri), David (Henri) et Laugier (Jules), pour le Travail.

On comprend, d’après ce que nous avons dit, que la Première Division vient en troisième ligne seulement. Il nous en coûte de lui infliger cette humiliation, mais il faut rendre justice à chacun; et, s’il est triste pour les plus grands d’expier les fautes de quelques condisciples et de se voir notés, dans l’ensemble, moins bien que leurs jeunes camarades, il est plus triste encore de montrer moins de raison, à dix-huit ans, que des enfants qui n’en ont pas douze. L’humiliation n’est pas dans le reproche. Elle est dans la situation que le reproche constate. Signalons pourtant de très-nombreuses exceptions à cette note sévère, et nous ne prétendons pas les signaler toutes en proclamant avec honneur les noms de:

MM. de Cabrières (Anatole), Picard (François), Dassas (Henri), pour la Conduite;

Et de MM. de Cabrières (Anatole), Picard (François) et Lapessonie (Louis), pour le Travail.

Nous passerons sous silence la Quatrième Division, composée de l’Ecole primaire et des élèves de Huitième qui n’ont pas fait leur première communion. Ils grandissent tout doucement; et, l’an prochain, nous pourrons dire quels efforts ils ont fait pour courir sur les traces de leurs aînés.

Si vous n’apercevez point les prix accoutumés, si vous ne voyez ici que de simples couronnes, c’est que nos élèves ont eu une bonne et charitable pensée. Il y a déjà plus d’un mois, l’idée leur est venue de nous demander que la valeur de leurs prix fût consacrée aux blessés des journées de juin. Nous avons accueilli cette idée avec empressement. Toutefois, nous avons réclamé une modification. Vous le savez, dans l’intérieur de cette maison, on ne fait point de politique: nous n’avons pas voulu en laisser faire à nos élèves, même dans leurs bonnes oeuvres. Au lieu d’envoyer à Paris le produit du sacrifice collectif de nos jeunes vainqueurs, nous leur avons proposé de le réserver pour l’hiver prochain. Nîmes aura, à cette époque, assez de souffrances à secourir, assez d’honnêtes ouvriers privés de travail à assister, sans aller dépenser au loin nos ressources, même les plus minimes. Et quelque faible que soit leur tribut, au moins on pourra dire qu’au milieu des joies du triomphe, nos enfants se sont souvenus qu’ils étaient hommes et chrétiens.

Et maintenant, mes amis, je vous dis adieu pour deux mois. Sur le point d’entrer dans les carrières qui s’ouvrent devant eux, plusieurs même, sans doute, ne reverront plus cette maison. Je désire que le souvenir leur en soit toujours cher. Quelques-uns n’ont pas assez compris ce que nous leur voulions de bien. Plus tard, ils l’apprécieront mieux. Peut-être, mes Amis, nous avez-vous trouvé sévères. Pour nous justifier, s’il en était besoin, je vous demande une expérience. Au moment où, rentrés dans vos familles, après les premiers embrassements, on vous interrogera sur les résultats de l’année qui finit, placez-vous en face de votre père, regardez-le attentivement, et laissez-lui lire à travers votre oeil jusqu’au fond de votre âme. Vous n’êtes pas assez endurcis au mensonge pour soutenir une pareille épreuve. Si vous avez à rougir, et si votre paupière s’abaisse vite sous un regard scrutateur, croyez-le, nous sommes pleinement justifiés dans nos jugements sur vous.

Pour vous, bien plus nombreux, dont les efforts ont constamment répondu à nos soins, recevez-en la récompense publique. Faites-en partager le bonheur à vos familles dont vous commencez à remplir l’espérance. Que le repos que vous allez prendre soit aussi pour vos parents un temps de joie; que vos plaisirs soient sans mélange, puisque vous les avez mérités; qu’ils retrempent vos forces et vous préparent à de nouveaux travaux, à de nouvelles victoires!

La rentrée des Classes aura lieu le 16, le 17 et le 18 octobre 1848; la Messe du Saint-Esprit sera célébrée le jeudi 19. Le même jour et les deux jours suivants, auront lieu des Compositions doubles comptant pour le prix d’Excellence.

Notes et post-scriptum