- TD 1-5.147
- TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES|RAPPORTS
- RAPPORT DE M. L'ABBE D'ALZON, DIRECTEUR.
- Rapport de M. l'Abbé d'Alzon, directeur, (Dans: Maison de l'Assomption à Nîmes. Nîmes, Imprimerie Ballivet et Fabre, 1852, p. 5-22)
- DU 14; TD 1-5, P. 147.
- 1 ANCIENS ELEVES
1 ATTENTION
1 AUTORITE PAPALE
1 BACCALAUREAT
1 BEAU CHRETIEN
1 BEAU LITTERAIRE
1 BEAUTE DE DIEU
1 BEAUTE DE JESUS-CHRIST
1 BONNES OEUVRES DES LAICS
1 CERCLES MILITAIRES
1 COLLEGE DE NIMES
1 DESOBEISSANCE
1 DISTINCTION
1 ECRITURE SAINTE
1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
1 ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
1 LYCEES
1 MAISONS D'EDUCATION CHRETIENNE
1 PARESSE
1 QUERELLE DES AUTEURS CLASSIQUES
1 RAPPORTS ANNUELS
1 TRAVAIL
1 VACANCES
2 ABEL DE LIBRAN, LOUIS
2 AMOUROUX, ADOLPHE
2 BALLIVET ET FABRE
2 BARAGNON, JULES
2 BASSAL, RAYMOND
2 BERAGE, FERDINAND
2 BERARD, CHARLES
2 BES DE BERC, LUDOVIC
2 BOUSQUET, LOUIS
2 BRIGNAC, RAYMOND DE
2 CAMARET, OCTAVE DE
2 CAZAL
2 COSTE, CLEMENT
2 CURNIER, GASTON
2 DUFFOUR DE LAVERNEDE, JULES
2 FABREGE, FREDERIC
2 FAISSE, MARIUS
2 FERRY, CAMILLE
2 GAUDIN, HENRI DE
2 GIRARD, JOSEPH DE
2 GRANIER, HIPPOLYTE
2 HOMBRES, EMMANUEL D'
2 HORACE
2 JOCAS, LOUIS DE
2 JOURDAN, RAPHAEL
2 MALOSSE, PAULIN
2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
2 MAURIN, EDWARD
2 MONNIER, EMMANUEL
2 MONTAL, ALBERT DE
2 MURJAS, MARCEL
2 PANSIER, RAYMOND
2 PIECHEGUT, FORTUNE
2 PIELAT, JOSEPH
2 PLATON
2 ROUVIERE, GUSTAVE
2 ROUX, RAYMOND DE
2 SOULEZE, AUGUSTE
2 VAN GAVER, LEOPOLD
2 VIRGILE
3 FLORENCE
3 MONTPELLIER
3 NIMES - le 16 août 1852.
- Nîmes
Messieurs,
L’enseignement public, en France, subit en ce moment de trop profondes modifications, on en bouleverse trop les traditions antiques, les sciences y font, sur le domaine des lettres, une invasion trop victorieuse, pour que les chefs d’Etablissements libres n’en soient pas sérieusement préoccupée, et ne se demandent pas quel sera l’avenir d’une foule d’Institutions qui ne pourront grouper autour d’elles cette multitude de professeurs, que l’Etat se propose de réunir dans ses Lycées.
Il est vrai que la même question peut être faite par tous ceux qui s’intéressent aux collèges communaux. A moins de leur supposer des ressources extraordinaires, il est facile d’en prévoir la rapide décadence. Mais ceci ne nous regarde pas.
D’un autre côté,le camp des catholiques a été en proie à de vives agitations; nous avons entendu des voix augustes et vénérées exprimer des opinions contradictoires. Notre inquiétude eût été grande, si nous n’avions aussitôt trouvé notre règle de conduite, en prenant la ferme résolution de ne reconnaître, dans ce diocèse, d’autre autorité épiscopale que celle de notre Evêque et de son Métropolitain, et, dans le gouvernement de l’Eglise, de nous rattacher avant tout à la chaire infaillible du Vicaire de Jésus-Christ.
Fallait-il donc mêler à des discussions qui n’intéressent ni le dogme ni la morale des décisions solennelles? Quelques uns l’ont cru; notre bien-aimé Pontife, dans sa sagesse, en a jugé autrement, et nous l’en remercions.
On le comprend toutefois, les nouveaux décrets sur l’Enseignement, et les suites de la controverse sur les auteurs classiques doivent avoir un contre-coup dans notre Etablissement, et nous commander peut-être des mesures nouvelles. C’est ce dont nous voulons aujourd’hui vous entretenir.
I. Et d’abord, hâtons-nous de le dire, les études littéraires, chez nous du moins, n’auront point à souffrir des nouvelles dispositions introduites par l’Etat dans ses Lycées. Débarrassées de la masse de jeunes gens qui, avant de se livrer aux carrières spéciales, fatiguent trop souvent leurs condisciples et leurs professeurs de l’ennui que leur causent certaines branches d’études bientôt inutiles à leur avenir, les classes de la section des lettres seront et plus sérieuses et plus fortes. Et, si le nombre de ceux qui les suivront devient moins considérable, l’Enseignement n’en sera que plus un et plus élevé. Le goût s’épurera plus aisément, et les travaux destinés a perfectionner la forme littéraire seront plus féconds, parce que leur valeur sera mieux appréciée. Aussi sommes-nous loin de croire à la décadence des études classiques. Persuadés, au contraire, qu’elles prendront un développement nouveau, et donneront comme un cachet de distinction à ceux à qui leur position de fortune et de famille permettra de consacrer plus de temps à la culture de leur intelligence, nous avons résolu d’ouvrir nos cours de Hautes Etudes à une nouvelle catégorie d’élèves, dont nous vous parlerons bientôt.
Mais, une fois ce point établi, les inconvénients des modifications apportées par le gouvernement seront-ils, pour les Etablissements libres, aussi graves qu’on l’a prétendu?
Ce qui est sûr, c’est que, par l’effet du partage des fortunes, il est en France un nombre considérable de jeunes gens qui viennent demander à l’instruction du collège autre chose qu’un goût plus pur et des études littéraires plus approfondies.
Pour eux, la section des sciences offre de précieux avantages, et nous conjurons les parents de réfléchir mûrement à ce qu’ils veulent donner à leurs fils de connaissances scientifiques pour les préparer soit à la carrière de la médecine, soit à celle de la haute industrie ou de l’agriculture pratiquée en grand. Evidemment la section des sciences leur convient alors mieux que celle des lettres.
Chaque jour, en outre, un plus grand nombre d’élèves se destinent aux Ecoles spéciales du gouvernement; il leur faut une préparation d’autant plus forte que le nombre des concurrents est plus considérable.
Pour fonder, dans le Midi, une Ecole préparatoire qui offrit toutes les garanties désirables, nous avons fait déjà de grands sacrifices. Cinq de nos professeurs étaient exclusivement occupés de l’enseignement des sciences. Nous en appellerons un sixième, s’il en est besoin, afin de pouvoir faire ici, même pour les aspirants à l’Ecole polytechnique, ce que l’Etat se propose d’établir tout au plus dans douze ou quinze de ses Lycées.
On le voit, la question est grave; et si, ce qui n’est pas notre faute, les parents sont mis peut-être trop tôt dans l’obligation de choisir une carrière pour leurs enfants, nous voulons au moins leur offrir les moyens de satisfaire à toutes les exigences du nouvel enseignement officiel. Mais nous ne pouvons trop le répéter, un parti si décisif ne saurait être pris par eux à la légère; ce n’cst pas trop pour un pareil choix, de toute la réflexion que commande la sollicitude paternelle, lorsqu’il s’agit de l’avenir d’un fils.
Toutefois, qu’on le remarque bien, nous ne nous engageons pas le moins du monde à suivre à la lettre les nouveaux programmes de l’Etat; reconnaissant qu’il faudra les subir en partie, nous en prendrons tout ce qui nous paraîtra avantageux et nous en laisserons ce qui nous semblera contraire à la saine pratique de l’éducation.
Nous ne prétendons pas non plus imposer une expérience nouvelle. Nous restons dans la ligne des vieilles traditions, pour ceux qui les préfèrent; pour ceux, au contraire, qui pensent que les mathématiques et les sciences naturelles sont au-dessus du grec et des vers latins, nous ouvrons les classes de la section scientifique, vers laquelle le plus grand nombre d’élèves vont affluer, sans doute, dans la plupart des Institutions et des Collèges.
Ainsi, à partir de la Quatrième, on trouvera chez nous, comme dans les Lycées, les deux sections: celle des lettres et celle des sciences. On y trouvera, nous l’espérons, quelque chose de plus: la possibilité, pour ceux qui le voudront, d’arriver successivement aux deux baccalauréats.
Seulement, s’il nous est permis de faire un voeu, c’est qu’une fois entrés positivement dans la voie qui s’ouvre devant nous, des oscillations nouvelles et de nouvelles incertitudes ne viennent plus compromettre l’avenir de l’enseignement pour un trop grand nombre de jeunes générations.
Il est temps de s’arrêter dans la voie des essais; les études en souffrent, les maîtres parlent avec moins d’autorité; l’unité de la méthode se perd, et il se forme, à l’égard des questions littéraires et scientifiques, je ne sais quel scepticisme qui nuit à la fois au développement du goût et à la précision des idées, et empêche de bien saisir jamais les questions d’ensemble.
Ce danger, que nous signalons aux hommes éminents sur lesquels repose la responsabilité de l’éducation en France, nous touche d’autant plus que nous avions espéré nous y soustraire, et que, par la nécessité de faire subir à nos élèves les examens selon des programmes donnés, nous nous voyons forcés de courber la tête sous le joug commun.
II. Nous avons maintenant à dire un mot des dissidences qui se manifestent entre les instituteurs chrétiens, et qui ont donné lieu à une controverse à laquelle on a bien bien voulu nous mêler.
Nous dégagerons la querelle des auteurs classiques de certaines questions qu’il est inutile de traiter ici, et sur lesquelles nous dirons seulement que, les efforts faits pour constater l’union ayant constaté au contraire la divergence, jusqu’à ce qu’une autorité supérieure prononce, nous garderons notre liberté et toute notre liberté. Dans toute controverse, un instinct infaillible avertit les hommes, comme à leur insu, du secret rapport qui subsiste, alors même qu’on ne l’aperçoit pas du premier coup, entre les questions en apparence secondaires et les questions majeures. Aussi la séparation se fait-elle tout naturellement; et, si nous savons qui est contre nous, nous savons également qui est pour nous.
Contre nous, nous avons ceux qui mettant le culte de la forme au-dessus de tout, prétendent trouver dans le paganisme la plus complète réalisation de la beauté littéraire; oubliant qu’un païen des plus éloquents, le divin Platon, définit le beau: la splendeur du vrai. Alors même qu’on trouverait le beau jusqu’à un certain degré dans les oeuvres païennes, son expression la plus haute ici-bas ne peut se rencontrer que dans la doctrine dépositaire de la plus haute et de la plus complète vérité.
Contre nous, sont tous ceux qui placent la perfection de la beauté dans l’expression du monde extérieur, dans tout ce qui flatte les sens; ne s’apercevant pas qu’autant l’âme est au-dessus du corps, autant les beautés du monde intellectuel sont au-dessus des beautés que peut offrir le monde de la matière.
Contre nous sont encore tous ceux qui, niant le monde surnaturel, ne sauraient rien comprendre à ces types ineffables, rejaillissements mystérieux de la vertu chrétienne, et sont incapables de saisir ce que l’idée de sainteté est venue ajouter à la notion du beau, même ici-bas. La beauté de Vénus ou de Junon leur semble supérieure à celle de Madeleine ou de Marie; et Jupiter assis sur le trône de l’Olympe leur paraît plus majestueux que Jésus expirant sur la croix, ou convoquant, par la trompette de ses anges, les vivants et les morts au dernier jugement.
Nous avons pour nous ceux qui veulent renouer la chaine des traditions catholiques, interrompue par ce qu’on appelle la Renaissance, C’est là le mouvement général des esprits: philosophie, arts, liturgie, histoire, tout subit cet ébranlement. Ce travail est longtemps resté caché; les révolutions, qui semblaient devoir en arrêter le développement, n’ont servi, au contraire, qu’à lui imprimer une plus énergique impulsion.
Quoi qu’il en soit, deux camps se dessinent; et, de part et d’autre, on sait positivement ce que l’on veut. Mais, entre ces deux armées en présence, se trouve une foule d’hommes honnêtes et bien intentionnés, qui repoussent avec nous les conséquences de la Renaissance, et, par une étrange contradiction, gardent, avec nos adversaires;, les principes que la Renaissance a mis en honneur; qui ne veulent pas du socialisme de Platon, mais qui restitueraient volontiers à Platon le culte que jadis lui rendit Florence. On se révolte contre certaines immoralités de Virgile, contre les orgies d’Horace; mais on place au-dessus de tout les odes d’Horace et les hexamètres de Virgile, qui célèbrent ces orgies et ces immoralités.
Répétons-le, ou le beau et le goût qui se forme sur l’étude du beau sont quelque chose d’arbitraire, ou ils reposent sur deux principes: le monde des sens et le monde de l’esprit, l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, Nous sommes loin de nier la beauté, reflet du monde des sens et de l’ordre naturel; nous n’allons pas jusqu’à dire que cette beauté par elle-même soit mauvaise. Nous disons qu’elle est dangereuse, et qu’entraîner les esprits dans cette voie par le culte des lettres, c’est aller contre le précepte: Mes petits enfants, n’aimez ni le monde ni les choses qui sont dans le monde. Favorisée alors par la pente que lui fait le péché, cette beauté funeste éveille, excite, enhardit les passions, et préparé ce que les Saintes Lettres appellent le règne de la chaire; et l’on comprend à merveille par combien de motifs l’homme adhère à cette espèce de Beau.
Pour nous, l’idée première du Beau descend d’une source plus élevée. Elle se trouve en Celui qui, Dieu lui-même, est la splendeur de la gloire de Dieu et la figure de sa substance. Et, comme personne n’a pu ici-bas contempler la perfection de l’Etre divin, pour se mettre à notre portée, il s’est fait homme, et nous avons vu sa gloire, la gloire du Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité.
Voilà pour nous le type du Beau, -un Homme en qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et, comme Celui de qui ces choses sont dites, en même temps qu’il est Dieu, est Parole éternelle, il donne un cachet particulier de beauté à toute parole dont il veut se revêtir pour se communiquer à l’homme.
Et si vous me demandez pourquoi les hommes n’en sont pas frappés, je réponds que, si les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, l’erreur à la vérité, il n’est pas étonnant qu’ils aient mieux aimé les pompeux ornements de l’une que les sévères et nobles vêtements de l’autre.
Telle est la base philosophique que nous donnons à nos principes littéraires; et, sans vouloir ici vous en montrer l’application dans notre enseignement, il suffira de vous dire que nous sommes résolus à y persévérer.
Est-ce à dire pour cela que nous excluions de nos classes les auteurs païens? Les faits sont là pour prouver le contraire. Nous excluons seulement un enthousiasme exagéré, une admiration trop précoce, pour ces écrivains de l’antiquité qu’il est impossible aujourd’hui de ne pas connaître, et qu’on admirera un jour comme on admire les grands auteurs des littératures indienne, chinoise, scandinave. Il est bon, sans doute, de connaître un peu toutes les littératures pour les comparer; et, au lieu de resserrer le cercle, nous prétendons l’élargir.
Quant aux classiques proprement dits, jamais nous n’avons voulu les exclure de notre enseignement; nous avons voulu en diminuer l’importance, en amoindrir le danger, nous en servir en nous rappelant avec quelle prudence il faut user des poisons nécessaires.
III. Nous allons passer aux observations sur l’état moral de la Maison, pendant l’année qui vient de s’écouler.
Quoi qu’il nous en coûte, nous devons constater d’abord que le zèle pour les bonnes oeuvres s’est singulièrement attiédi. Nous craignons bien qu’à mesure que l’on grandit l’on ne trouve plus agréable de réserver ses petites épargnes pour ses plaisirs que de les consacrer aux pauvres. C’est là une disposition qu’il est triste d’avoir à signaler, mais qu’il est impossible de ne pas reconnaître. Les revenus des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul ont notablement diminué, surtout dans la section des grands. Nos reproches, en effet, s’adressent principalement à ces messieurs. Il est vrai que, s’ils ont peu donné aux pauvres, ils ont beaucoup dépensé pour monter à cheval; ils y trouvaient, à ce qu’il paraît, autant de bonheur.
Nous reprocherons encore à quelques-uns d’entr’eux un manque de tenue, pendant leur séjour à Montpellier pour les examens du baccalauréat, certains procédés trop joyeux, et qui pourraient dégénérer en de véritables abus, si, pour prévenir toute récidive, nous n’avions décidé que désormais les examens seront subis à Nîmes. Les élèves auront vingt: jours de plus pour se préparer, et les parents quelques comptes de moins à payer. Ajoutons bien vite que, si le nombre des anciens élèves à proclamer est restreint, c’est que nous tenons à établir qu’un nouveau bachelier doit se respecter, et respecter, par sa tenue, la maison d’où il sort. Nous tenons à exercer cette juridiction sur nos élèves, alors même qu’ils ne sont plus sous notre toit. Aussi n’accordons-nous aujourd’hui l’honneur de la proclamation publique, comme Anciens Elèves, qu’à MM. Ludovic Bès de Berc, Raymond Pansier, Octave de Camaret, Gustave Rouvière et Louis de Jocas.
Nous reprochions tout-à-l’heure aux élèves des deux premières Divisions leur peu de générosité. Toutefois, s’ils ont peu donné de leur bourse, ils ont payé de leur personne; et nous pouvons louer leur concours empressé pour les bonnes oeuvres. Presque constamment, quatorze ou quinze d’entr’eux ont sacrifié leurs promenades du dimanche pour aller faire la classe aux enfants du Patronage; et pendant l’été, chaque soir, un certain nombre des plus âgés se sont privés de trois quarts d’heure de récréation, quelquefois même ont renoncé au plaisir du bain, pour prendre part à l’école des soldats. Il est touchant de voir ces excellents militaires venir accepter l’aide que leur offrent nos plus grands élèves pour apprendre a lire, à écrire et s’initier aux premiers éléments du calcul. Nos enfants, de leur côté, sont heureux d’avoir sous leur direction des écoliers portant sabre et moustache. Avec quelle joie on profite de la permission de hâter son souper pour aller retrouver ces bons militaires! S’ils sont malades, on va les voir à l’hôpital; et cette marque d’affection laisse dans ces coeurs si bons des souvenirs qui ne s’effacent pas. Là, on s’exerce même, après leur avoir parlé caserne, famille, pays, à leur parler religion. Du reste, cette tâche est facile, et nous sommes tous les jours frappés de cette observation, que personne n’est plus près de Dieu que le soldat.
Entrons maintenant dans l’appréciation du travail et de la conduite.
Dans la Première Division, un certain nombre d’élèves de l’école Préparatoire ont travaillé avec une ardeur soutenue. Nous citerons MM. Raymond de Brignac, Octave de Camaret, Emmanuel d’Hombres, Cazal et de Gaudin. D’autres ont montré trop peu de zèle et de persévérance.
Le temps a été généralement perdu en Philosophie. Si l’on excepte MM. Ludovic Bès de Berc et Gustave Rouvière, les élèves de cette classe ont des reproches à se faire, malgré les excuses qu’ils pourraient alléguer.
Le travail a été bon dans l’ensemble de la Seconde Division. Et cependant, là aussi, il y a un certain nombre de jeunes indolents, pleins d’intelligence, qui auront à rendre compte à Dieu et à leurs familles du temps perdu. En vain, pour se justifier tant bien que mal, ils se sont réfugiés derrière un feu roulant de petits sophismes et de petits traits d’un esprit de leur façon. Ils ne veulent pas faire trop mal, parce qu’ils savent qu’on les aime, et ils ne peuvent se résoudre à faire bien, parce qu’il faudrait s’appliquer et que l’application leur coûterait trop d’efforts. Citons, toutefois, pour leur bonne Conduite, MM. Paulin Garnier, Ernest Bouzige et Henri Morelot;
Et pour le Travail, MM. Paulin Garnier, Gustave D’Alauzier et Esprit Singla.
La Troisième Division a bien commencé, puis est allée de mal en pis. Un trop grand nombre des élèves qui la composent se sont conduits de manière à nous laisser les plus tristes impressions. Faisons néanmoins une honorable exception en faveur de quelques-uns, et citons, pour la Conduite, MM. Paulin Malosse, Hippolyte Granier et Ernest Jourdan;
Pour le Travail, MM. Albert de Montal, Léopold Van-Gaver et Fortuné Piechegut.
Il nous serait difficile d’apprécier la Quatrième Division, autrement qu’en lui reconnaissant le mérite d’une honnête médiocrité. Certains élèves, pourtant, se sont distingués; nommons, pour la Conduite, MM. Auguste Soulèze, Joseph Piélat et Jules Baragnon;
Et pour le Travail, MM. Auguste Soulèze, Jules Baragnon et Raymond Bassal.
Nous donnons avec bonheur des éloges à l’ensemble de la Cinquième Division, et pour le Travail et pour la Conduite. Ces chers enfants ont montré une louable émulation dans le bien. Signalons entre autres, pour la Conduite, MM. Ferdinand Bérage, Joseph Gillibert et Henri Couderc;
Et pour le Travail, MM. Ferdinand Bérage, Camille Ferry et Gaëtan Curnier.
Il faut toujours une ombre au tableau; la Sixième Division, par sa paresse et son indocilité, semble avoir tenu à honneur d’être à peu près constamment la dernière. Nous excepterons de ce blâme quelques élèves seulement. Ce sont, pour la Conduite, MM. Jules Duffour de Lavernède et Edward Maurin;
Pour le Travail, MM. Emmanuel Monnier et Clément Coste.
La Septième Division, composée des élèves de Huitième et de Neuvième, est une petite division modèle sous presque tous les rapports. Nous nommerons particulièrement, pour la Conduite MM. Marius Faïsse, Louis Bousquet et Joseph de Girard;
Et pour le Travail, MM. Raymond de Roux, Charles Bérard et Frédéric Fabrèges.
Nous ne terminerons pas ce rapport sans rappeler le succès de nos élèves à l’examen du baccalauréat. Sur sept qui s’y sont présentés, six ont obtenu leur diplôme: MM. Ludovic Bès de Berc et Raymond Pansier, avec la note Bien; MM. Gustave Rouvière, Marcel Murjas, Adolphe Amouroux et Louis d’Abel de Libran, avec la note Assez-Bien*.
Après vous avoir cité les noms de ces jeunes gens qui vont s’éloigner de la Maison, nous ne saurions vous taire les préoccupations que nous inspire, chaque année, à pareille époque, l’avenir de nos anciens élèves. En les voyant livrés si jeunes à une indépendance pour laquelle la vie du collège n’a peut-être pas suffisamment préparé leur esprit et leur coeur, nous avons songé à leur fournir les moyens d’employer, d’une manière utile et salutaire, ces jours de périlleuse transition.
Dans ce but, nous ouvrirons désormais notre Ecole de Hautes Etudes à ceux que leurs parents voudraient voir se fortifier et se mûrir par des travaux plus élevés et plus sérieux. Après avoir subi les épreuves du baccalauréat, avant de faire leur cours de droit et de médecine ou d’aller occuper dans le monde les positions qui les attendent, combien de jeunes gens, assez habiles pour conquérir un diplôme, n’ont pas encore assez d’expérience pour se conduire tout seuls!
Il est bon de ne pas les laisser trop tôt exposés aux influences et aux séductions d’une liberté si souvent funeste a leurs meilleures résolutions. Accoutumés, par un ou deux ans d’études d’un nouveau genre, à de bonnes méthodes de travail, mis plus intimement en rapport avec des maîtres qui, désormais, les dirigeront plutôt qu’ils ne les corrigeront, il y aura pour eux un avantage évident à subir, par un progrès régulier, cette transformation qui s’opère dans l’écolier devenu étudiant ou homme du monde. Leur esprit, plus capable de recevoir des principes généraux, de saisir des vues d’ensemble, sera plus sûrement prémuni, par un haut enseignement chrétien, contre l’invasion de toutes ces théories dont il est si difficile à la jeunesse de se préserver aujourd’hui. Peut-être parviendrons-nous aussi à leur inspirer certaines habitudes de convenance et de bonne tenue, qui se rencontrent si rarement chez les étudiants entièrement livrés à eux-mêmes,
Déjà, pour préparer de loin les résultats que nous espérons obtenir par ces cours supérieurs, nous avons établi des Conférences libres entre nos élèves les plus avancés.
Une ou deux fois par semaine, pendant l’été, on se lève à quatre heures. La prière faite, on part pour le jardin du Patronage, et les premiers rayons du soleil éclairent une réunion de jeunes philosophes, historiens ou littérateurs, qui viennent discuter un sujet préparé à l’avance par l’un d’eux. Chacun paie son écot par un travail lu devant vingt-cinq ou trente auditeurs. Après cette lecture, une commission est nommée, qui fait connaître son opinion par l’organe d’un rapporteur. La discussion s’engage ensuite. Elle aurait ses inconvénients, si elle n’était constamment réglée soit par le président, soit par un de nos collaborateurs qui, par son profond savoir et son admirable clarté d’élocution, est un guide sur pour ces jeunes et vifs esprits.
Ces réunions ne sont pas tellement savantes qu’elles n’aient quelques agréments. Après avoir discuté pendant une heure et demie, on se baigne, on déjeune un peu mieux que dans les cours de la maison, et l’on rentre à l’heure de la classe.
Pour l’hiver, les promenades matinales seront remplacées par des Conférences du soir. Déjà un programme de questions a été partagé entre les membres de la réunion. Ce sera un moyen d’utiliser les loisirs des vacances. Dès à présent, nous pouvons signaler un résultat inappréciable: le goût des expositions claires, le mépris des enflures de la rhétorique, le besoin de rester toujours dans la question. Nous y voyons d’autres avantages encore; mais nous laissons au temps le soin de les constater.
Il nous est donc permis d’espérer que des élèves, ainsi préparés par des exercices qui sortent du cadre de l’enseignement secondaire, pourront, au terme de leurs classes, aborder avec fruit les cours que nous leur ouvrons dans notre Ecole de Hautes Etudes. Nos voeux seront comblés, si nous voyons un jour sortir de cette Ecole, à côté des professeurs chrétiens qui s’y forment déjà, des jeunes gens capables d’apporter dans le monde un savoir plus étendu et des convictions plus profondes.
Ainsi, Messieurs, le zèle pour les bonnes oeuvres, ralenti chez plusieurs, accru chez d’autres; un développement nouveau préparé aux cours des Hautes Etudes; le goût des travaux sérieux inspiré à la plupart de nos élèves des classes supérieures; quelques modifications dans notre plan d’études nécessitées par les programmes nouveaux; l’espoir d’épargner à nos élèves l’obligation que leur imposent les lycées d’opter à peu près irrévocablement, dès la Quatrième, entre le baccalauréat ès-lettres et le baccalauréat ès-sciences; l’avantage que nous leur offrons d’obtenir les deux diplômes avec une seule année de plus, la résolution très-ferme de maintenir et de défendre, tant qu’ils ne seront pas improuvés par une autorité supérieure, nos principes sur l’emploi des auteurs chrétiens et sur toutes les grandes questions qui s’y rattachent; voilà le résumé de notre passé et de nos espérances. Nous le présentons à ceux qui portent quelque intérêt à notre oeuvre. Et nous sommes heureux de compter au premier rang les honorables magistrats de cette ville, dont les encouragements spontanés nous excitent sans cesse à poursuivre le but que nous nous proposons depuis longtemps déjà. Pour l’atteindre, nous avons besoin de quelque force de volonté, au milieu des agitations qui, des régions politiques, se propagent jusque dans les régions jadis si paisibles de l’enseignement. Il faut, dit-on, mettre l’éducation en harmonie avec les exigences de l’époque; et comme ces exigences, on le sait, sont assez variables, les directions données de haut ont nécessairement varié. Pour nous, fidèles à notre pensée, nous ne cesseront de lutter contre des tendances qui nous paraissent dangereuses, et, sans nous flatter d’y échapper toujours, nous espérons venir à bout, de concert avec les pères de famille, de donner à notre enseignement une unité chaque jour plus manifeste et plus féconde un esprit plus fort et plus chrétien.