TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES.|DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX.

Informations générales
  • TD 1-5.254
  • TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES.|DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX.
  • DES ETUDES CATHOLIQUES APRES LE CONCILE
    DISCOURS PRONONCE PAR LE R.P. D'ALZON.
  • Des études Catholiques après le Concile. Discours prononcé par le R. P. d'Alzon. (Dans: Des études Catholiques après le Concile. Discours prononcé à la distribution des prix de la Maison de l'Assomption, le 30 juillet 1870, par le R. P. d'Alzon, supérieur général des Augustins de l'Assomption. Nîmes, Imprimerie Lafare et Ve Attenoux, 1870, p. 3-16).
  • DU 21; TD 1-5, P. 254.
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 AUTORITE PAPALE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONCILE OECUMENIQUE
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 ENGAGEMENT APOSTOLIQUE DES LAICS
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 GALLICANISME
    1 INDEPENDANCE CATHOLIQUE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 MAISONS D'EDUCATION CHRETIENNE
    1 MISSIONNAIRES
    1 PAPE DOCTEUR
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PRINCIPES SOCIAUX DE L'EGLISE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 VERBE INCARNE
    1 VERITE
    2 ATTENOUX, VEUVE
    2 DECHAMPS, VICTOR
    2 LAFARE, PIERRE
    2 MERMILLOD, GASPARD
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 POPOV, RAPHAEL
    2 WISEMAN, NICOLAS
    3 ETATS-UNIS
    3 WESTMINSTER
  • le 30 juillet 1870.
  • Nîmes
La lettre

Messeigneurs(1),

Messieurs,

Tandis que nos Elèves poursuivaient le cours paisible de leurs études, de grands travaux, des discussions solennelles, je dirais presque des luttes gigantesques, avaient lieu sous les voûtes de Saint-Pierre, au pied de ce Vatican objet de tant de terreurs, mais aussi berceau de tant d’espérances.

Un Concile réuni montrait à la fois et la puissance de l’esprit de Dieu et le néant de la pensée humaine. L’oeuvre de l’auguste assemblée s’accomplissait, je ne dirai pas comme à son insu, mais malgré la volonté très calculée de plusieurs, à qui ne manquaient ni le talent ni d’autres moyens pour imprimer une direction contraire, si le talent et toutes les ressources de l’esprit humain pouvaient servir, en pareilles circonstances, à autre chose qu’à montrer comment la Sagesse éternelle déjoue les combinaisons les plus savantes et les plans les mieux préparés, et par leurs contradictions mêmes rend plus manifeste le triomphe de la Vérité.

Enfin, après sept longs mois d’attente, l’Infaillibilité pontificale a été proclamée, malgré une opposition qui a tendu à amoindrir ce que cet acte étonnant pouvait apporter de joie aux catholiques et à leur chef bien-aimé, dirai-je malgré les lenteurs de cette cour romaine, qui paraissait mettre une humble coquetterie à étaler son inexpérience des grandes assemblées, afin de faire ressortir davantage la puissance du souffle de Dieu.

Plusieurs, je le sais, ont été effrayés des conséquences de cette solennelle proclamation. Ils y voient la condamnation anticipée de certains principes qui leur sont chers, comme si une première condamnation conciliaire n’avait pas eu lieu par l’adhésion formelle du Concile à toutes les constitutions pontificales publiées jusqu’à nos jours. Mais qu’ils se rassurent; et s’il en était parmi vous qui eussent éprouvé certaines terreurs,je leur demande la permission d’ouvrir une parenthèse: ils verront qu’il y a, pour plusieurs, beaucoup plus malentendu qu’absolue divergence.

Un des écrivains les plus connus parmi les protestants français a exprimé son étonnement que les trois principaux chefs du mouvement infaillibiliste fussent trois évêques de pays libres, selon son expression; un Anglais, un Belge, un Suisse. Il eût pu ajouter l’Episcopat des Etats-Unis presque entier. Comment associer le despotisme pontifical, élevé désormais à sa plus haute puissance, avec l’amour de la vieille constitution anglaise, avec la liberté belge, avec le radicalisme suisse ou américain? Comment, au contraire, expliquer que la plupart des évêques les plus dévoués aux erreurs gallicanes avaient une origine césarienne, ou passaient pour s’appuyer sur le césarisme?

Préoccupé de ces apparentes contradictions, je m’adressai, pour les résoudre, au saint et illustre archevêque de Westminster; sa noble et sympathique figure, amaigrie par le travail, la prière et les luttes, s’illumina. Ah! me dit-il, le problème est bien simple; les gouvernements modernes se sont tous faits césariens, et je ne crois guère à leur durée; nous marchons vers des bouleversements où les dynasties s’abîmeront, si elles ne sont déjà abîmées. Bientôt il ne restera debout que deux choses: le Pape et les peuples; cette conviction, je l’ai manifestée en très haut lieu sans être contredit; et c’est parce qu’en Angleterre on connaît ma conviction sur ce point, que ma position y est inexpugnable.

Le Pape et les peuples, tel est le mot de l’avenir: le Pape, le plus haut représentant du vrai, du juste, du droit; les peuples, à élever de nouveau avec leurs formes nouvelles, pourvu qu’ils consentent à se laisser pénétrer de la sève chrétienne. Le Pape et les peuples, voilà ce que les évêques des pays libres voient dans l’Infaillibilité pontificale: une plus haute autorité morale pour diriger, selon la justice, une plus grande liberté. Les peuples s’agitant dans le cercle des révolutions, et la Papauté leur apprenant à se reformer de nouveau, comme elle le leur enseigna après l’invasion des barbares! Cela dit, pour expliquer comment, à côté d’évêques monarchiques, on peut en voir et des plus infaillibilistes, en même temps radicaux et républicains, j’arrive à mon sujet.

La proclamation de l’Infaillibilité du Pape est sans doute, par elle-même, une très grande chose; mais elle prend une importance tout autrement grande, quand on en étudie attentivement les conséquences. J’en aborderai une seule aujourd’hui, et je la tirerai du rapprochement entre le fait solennel qui vient de s’accomplir et la fête qui nous réunit. Je vous parlerai de l’infaillibilité du Pape dans ses rapports avec les études.

Si le Pape est infaillible, il est le Docteur par excellence. Cette infaillibilité est en lui une infaillibilité perpétuelle, vivante, aussi étendue que le domaine de l’Eglise, destinée à empêcher qu’aucune erreur n’envahisse le troupeau du Christ, sans qu’aussitôt cette erreur ne puisse en être victorieusement repoussée.

Mais il y a plus, cette proclamation a besoin de prouver son opportunité, et cette opportunité se démontre par les nouveaux besoins des peuples, par les nouveaux devoirs à remplir envers eux.

Jetez les yeux autour de vous! Quel fait plus manifeste, dans le monde social, que les bouleversements apportés par les idées révolutionnaires? Que faut-il dire à tous ceux qui ont conservé une ombre de foi? Voici la vérité dans sa plénitude et sa certitude inébranlable. Mais il faut que cette vérité soit prêchée avec ensemble, non seulement dans ses principes, mais encore dans ses applications pratiques. Il faut que l’on puisse faire sentir au doigt, et d’un bout du monde à l’autre, tout ce que certaines doctrines ont de faux, d’erroné, de funeste; et pour cela, il faut une direction plus une dans l’impulsion donnée aux idées catholiques, ces idées se développant dans les écoles de théologie, dans les chaires chrétiennes, dans les établissements d’instruction à divers degrés.

Je laisse les deux premiers théâtres du développement des idées chrétiennes, je m’arrête aux établissements d’instruction. Comprenez-vous, Messieurs, pourquoi les catholiques, exclus longtemps, en tant que catholiques, de l’enseignement, ont tout fait pour le ressaisir, au moins pour ce qui concerne leurs enfants? Mais ne vous faites pas illusion; il n’est pas difficile de prévoir que, l’Infaillibilité pontificale proclamée, les catholiques deviendront plus exigeants dans la reconnaissance de leurs droits. Me permettrez-vous d’exposer toute ma pensée?

Il a été dit aux évêques, dans la personne des Apôtres: « Allez, enseignez toutes les nations ». Voilà leur droit divin d’enseignement, d’enseignement de la vérité religieuse sans doute, mais aussi de tout enseignement dont la vérité a besoin pour se développer et se faire connaître.

Vous comprenez, Messieurs, que ce n’est ni le moment ni le lieu de traiter en soi la grande question des études théologiques; mais les études chrétiennes établies à la portée des laïcs catholiques; mais ces études, mises en face, d’une part, du simulacre de liberté qu’on semble vouloir accorder à notre enseignement supérieur; mais ces études avec tous les développements que non- seulement on peut, mais qu’on est contraint de leur donner, si on veut les rendre utiles, par des applications actuelles, à l’avenir de l’intelligence humaine et de la société: voilà d’immenses horizons qui s’ouvrent dans l’état présent du monde, et à travers lesquels la pensée débile de l’homme s’égarerait à chaque instant, si un chef infailliblement véridique n’était là sans cesse pour montrer le chemin au milieu de mille faux sentiers.

D’autre part, et pour nous rendre plus facilement compte de la situation présente, rappelons-nous que le devoir d’enseigner, pour le Souverain-Pontife, se présente sous deux formes: il enseigne, par les missionnaires, les peuples infidèles; il fonde sans cesse de nouvelles églises, où les nouveaux convertis sont bien souvent baptisés avec une eau rougie du sang de leurs apôtres. Ce sont ces vicaires apostoliques, chargés de porter sur tous les points du globe le pain de la vérité, quand eux-mêmes manquent souvent du pain matériel, et qui, s’ils n’ont pas de grands trésors à distribuer, ont toujours un grand courage pour répandre leurs sueurs, leurs larmes, leur sang au service de l’éternelle Vérité faite homme, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Le suprême Docteur enseigne aussi les fidèles, chez qui, avec la doctrine, il développe la foi par le sacerdoce placé sous sa direction. Les évêques, que le Saint-Esprit a établis pour gouverner l’Eglise de Dieu, enseignent, prêchent, font enseigner et prêcher. Or, voici ce qui est arrivé: tandis que Pierre, dans la personne de ses successeurs, évangélisait ou plutôt envoyait des missionnaires évangéliser les nations assises à l’ombre de la mort, sans autre obstacle que ces franches persécutions prédites par Jésus-Christ, il voyait contester son droit de surveiller l’enseignement des nations catholiques. La négation de son Infaillibilité impliquait la négation de son privilège, ou plutôt de son devoir rigoureux de surveillance, de réforme et d’initiative.

On n’a pas assez remarqué à quel point les sources de la vérité chrétienne ont eu leurs canaux obstrues par cette méconnaissance des droits de S. Pierre. C’était bien la vérité mais la vérité amoindrie, appauvrie, la vérité privée de cette vigueur puissante qui, a certaines époques, lui a fait produire de si beaux fruits. La peur, sous le nom de prudence, a vu des inconvénients partout: on a voulu de l’enseignement chrétien comme instrument, on n’en a pas voulu comme aliment des intelligences; on a accepté la vérité, pour les uns comme moyen de gouverner; on l’a repousée, pour les autres, comme aiguillon de la conscience endormie; et, si je puis m’exprimer ainsi, on a eu une vérité médiocre comme le niveau des intelligences du jour. Tel a été un des plus déplorables effets des doctrines césariennes. On avait peur de la vérité, parce que la vérité est mère des idées puissantes et fécondes; parce qu’elle est surtout la mère de cette conscience chrétienne, qui a déjà une fois renouvelé le monde, et qui le ressuscitera encore, s’il le faut.

Ce que, d’après ces désolantes prétentions, le Docteur suprême avait ou n’avait pas le droit d’enseigner influait par contre coup sur ce que les évêques, à leur tour, avaient ou n’avaient pas la permission de prêcher. Il en était de même dans les écoles théologiques et jusque dans les plus humbles écoles de village; toute doctrine allait s’étiolant, s’épuisant, et les entraves apportées au magistère pontifical arrêtaient ainsi l’expansion de l’enseignement chrétien.

Mais quoi, direz-vous, ce droit n’a-t-il pas toujours subsisté dans l’Eglise? Sans doute, mais tout droit, pour montrer sa vie, a besoin d’être exercé. Or, à mesure qu’on le niait dans le Pape, Docteur suprême, on le réduisait partout à des restrictions qui sentaient par trop l’esclavage.

Eh bien! nous assistons aujourd’hui a deux grands faits corrélatifs et sur lesquels j’appelle toute votre attention: l’un est universel, l’autre national. Le fait national, ce sont les efforts pour arriver à l’émancipation de l’enseignement supérieur, et je me permettrai de dire aux catholiques: prenez garde que, comme tant d’autres, ce droit ne vous soit escamoté par suite de votre inertie.

Le fait universel, c’est la proclamation des droits du Docteur suprême. Le voilà reconnu infaillible, non pas que l’lnfaillibilité lui ait été accordée par le Concile du Vatican, pas plus que la divinité n’a été accordée à Jésus-Christ par le Concile de Nicée. Jésus-Christ est Dieu de toute éternité, et le Pape est infaillible dès l’origine de l’Eglise; seulement ce qui était la doctrine catholique est devenu dogme de foi. Or, de ce droit immense découle le devoir plus immense encore, si je puis m’exprimer ainsi, de surveiller, de réformer, de diriger plus que jamais les études chrétiennes, et par les études non seulement de fortifier les croyances, mais d’ouvrir de nouveaux champs d’exploration aux idées catholiques.

Réunissez maintenant ces deux faits, et voyez, pour la France en particulier, quel admirable avenir est réservé à ceux qui ne pensent pas que l’homme vive seulement de pain, mais de la parole sortie de la bouche de Dieu et infailliblement distribuée par son Vicaire! D’une part, une plus grande liberté est accordée aux catholiques de recevoir cette action; de l’autre, une plus solennelle certitude de ses droits et de ses devoirs dans celui qui, chargé divinement d’enseigner, n’a d’autres limites à son enseignement que celles qu’il s’impose lui-même; car, pour les catholiques, quel pouvoir humain peut de lui-même en fixer au maître infaillible?

Cela étonne plus d’un esprit, je le comprends; aussi, sans vouloir donner en ce moment des preuves directes, arrêtons un instant nos regards sur un double fait analogue, quoique en sens inverse. Que voyons-nous dans l’ordre social humain? L’Etat (et je ne condamne pas, je ne critique pas, je me borne à constater) est condamné à avoir un enseignement et à n’avoir pas de doctrine. Il est condamné à avoir un enseignement, ceci est un fait incontestable; il est condamné à n’avoir pas de doctrine, tant il en a pour tous les goûts, si je puis dire ainsi: doctrine catholique, doctrine protestante, doctrine juive, doctrine musulmane, doctrine éclectique, doctrine de la libre-pensée, si la libre-pensée est une doctrine. Quelle est la doctrine qu’il ne salarie pas? Au milieu de ces doctrines, quelle est la sienne? -Il n’en a point; il n’en peut absolument avoir aucune. Non, l’Etat n’a pas, ne peut pas avoir de doctrine. Or, qu’est-ce qu’un enseignement sans doctrine? Remarquez que j’accepte la situation, que je ne la censure pas. Seulement je dis: l’Etat a un enseignement, et en même temps l’Etat ne peut pas avoir d’enseignement; car qu’est-ce qu’un enseignement sans doctrine? Qu’est-ce qu’un enseignement sans les grands principes qui font des connaissances humaines le moyen d’atteindre le but bien connu de la vie? J’en ai assez dit, et je pense avoir parlé moins avec blâme qu’avec tristesse. Mais convenez, Messieurs, vous dont la foi est ardente et éclairée en même temps, qu’en face des contradictions où se débat l’enseignement officiel, la vigueur, la plénitude de l’enseignement catholique ne peut que prendre un essor nouveau, si nous savons être à la hauteur de notre mission.

Le Souverain-Pontife avait la conscience de toutes ces choses, quand il déclarait, il y a trois ans, le Concile non-seulement utile mais très nécessaire; et j’entends dire que, de même que l’oeuvre du Concile de Trente a été continuée jusqu’à nos jours par la congrégation du Concile, de même le Concile du Vatican sera continué par une congrégation générale des études.

L’Eglise ne se le dissimule pas, elle rencontre en face d’elle deux grands ennemis: la révolution, et sa mère, la libre-pensée. Ces deux puissantes courtisanes ont enivré du vin de leurs blasphèmes les peuples, les rois, les prétendus sages. L’Eglise sait bien qu’elle ne peut reprendre son empire qu’après les avoir terrassées; et c’est pourquoi, malgré les voeux de plusieurs, le Concile qui se poursuit sera moins un Concile d’organisation disciplinaire qu’un Concile d’idées. Quelqu’un avait osé dire: « Faisons un grand Concile », et l’Eglise, à qui ces audacieuses paroles ne s’adressaient pas, acceptant le défi, a répondu: Oui, je ferai un grand Concile, mais à l’opposé de ce que vous l’entendez; Je le ferai grand par la puissance donnée à ceux en qui j’ai reçu le droit d’enseigner les peuples; par la plus grande fermeté de ma doctrine; par la possibilité d’un redressement plus immédiat chez les docteurs secondaires, s’il en était besoin; par là sécurité plus grande qu’ils auront en s’élançant dans le champ des idées, quand ils sauront que, à chaque instant, il sera plus facile de les ramener infailliblement au droit chemin.

Si donc nous faisons la part de ceux qui n’ont pas, ne peuvent pas avoir de doctrines, et de ceux dont les doctrines s’affirment tous les jours, et surtout après le Concile, plus énergiquement, nous dirons:

A l’Etat, la grammaire, les langues, les mathématiques, les sciences physiques, à la condition que les questions de doctrines ne s’y mêleront jamais, ni dans un sens catholique, ni dans un sens protestant, ni dans un sens juif, ni dans un sens musulman, ni dans un sens libre-penseur, sous peine de blesser quelque conscience enseignée;

Aux catholiques, le droit de tout enseigner et d’illuminer toutes les branches des sciences du flambeau de la vérité révélée, avec le droit de tout dire dans les questions libres, avec le droit d’être repris d’une manière infaillible et immédiate, dès qu’ils mettront le pied sur le terrain de l’erreur.

C’est pourquoi, Messieurs, je ne crains pas de vous le dire, le couronnement solennel des droits de la Papauté lui impose les plus grands, les plus magnifiques devoirs; ce n’est pas pour rien que le Vicaire de Jésus-Christ a vu l’Eglise, non pas fortifier la chaire du haut de laquelle il enseigne le monde, mais affirmer comme dogme de foi que cette chaire était inébranlable. L’Eglise n’a pas de dogmes nouveaux, mais elle a la mission de donner un plus grand épanouissement à ses dogmes; c’est ce dont nous venons d’être les témoins: il nous reste à en profiter, à faciliter au Pontife infaillible le moyen de distribuer des enseignements plus abondants, plus féconds, plus adaptés aux maux présents, aux erreurs présentes. Quels magnifiques points de vue ne s’ouvrent pas pour nous? Et en effet, si le terme logiquement fatal de la libre-pensée est l’indépendance absolue de l’intelligence, n’est-elle pas forcée, au nom de cette indépendance même, à ne plus rien enseigner du tout, de peur de blesser les droits de ceux à qui elle s’adresse, et qui ne veulent à leur tour d’aucune espèce d’autorité? Laissez, laissez les sociétés modernes, qui ne veulent plus de Dieu ni de son Christ, procéder par ces tristes moyens à la formation des générations qui s’avancent, vous en verrez bientôt les résultats, et vous ferez bientôt l’expérience de ce que peuvent des hommes qui se croient le droit de tout faire au nom du droit de tout penser.

Pour nous, développons les lumières catholiques, portons-en n le flambeau inextinguible dans toutes les profondeurs où peut atteindre l’esprit humain; sondons-en les abîmes avec d’autant plus d’ardeur que, ouverts par l’esprit du mal, il importe d’autant plus d’en connaître le danger, qu’il menace davantage; abordons toutes les questions vitales de l’humanité sous la direction de nos évêques, confirmés eux-mêmes, toutes les fois qu’il le faudra, par le successeur infaillible de Pierre. Vous verrez bientôt à quelle incontestable hauteur l’intelligence catholique s’élèvera, fortifiée par la confiance qu’elle ne descendra jamais si bas, qu’elle ne s’élèvera jamais si haut, qu’elle ne s’élancera jamais si loin, qu’elle ne puisse être, au besoin, immédiatement retenue par la main de celui à qui le fondateur de l’Eglise a promis que sa foi ne connaîtrait aucune défaillance.

Aussi, Messieurs, quand je réfléchis à votre situation, comme catholiques, en face de la révolution et de la libre-pensée, je dis que, par la vérité et son Docteur infaillible, nous sommes les maîtres du monde de l’intelligence, de la science, maîtres du monde des idées, mais des idées vraies. Sachons-y retremper les générations, trop ramollies peut-être par je ne sais quel air corrompu et délétère; repoussons le doute, le scepticisme; ayons le courage d’affirmer, dans tous les ordres de connaissances dépendants de la vérité religieuse; soutenons, propageons l’enseignement religieux; mettons à la disposition de celui à qui l’enseignement est donné le moyen de distribuer l’université des sciences, universitatem scientiarum.

Que les catholiques, avec les idées chrétiennes, travaillent à faire une nouvelle société. Comment cela se fera-t-il? Par un nouvel enseignement donné au nom des évêques, sous la confirmation du Pape; mais les catholiques doivent, eux aussi, y mettre la main. Que ceux donc qui veulent aller à la mort aillent à la mort; pour nous, allons à la vie.

Mais quoi! Devons-nous lutter corps à corps avec l’enseignement officiel? A Dieu ne plaise! nous avons mieux à faire: nous avons à préparer notre enseignement sous la direction du Pape infaillible; fondons un enseignement vraiment catholique et dans toute son étendue.

Aujourd’hui les questions se présentent sous des points de vue tout nouveaux. J’en trouverai un exemple dans cette grande question de l’Infaillibilité elle-même. Que d’objections n’a-t-elle pas soulevées de la part de quelques opposants, malgré l’antiquité et l’universalité de sa croyance? On est allé jusqu’au mensonge, jusqu’à la calomnie, dans les journaux, dans les brochures, dont, par respect pour les auteurs, je ne veux pas examiner l’origine. Eh! bien, les opposants ont rendu de grands services; ils ont montré le danger et la profondeur du mal; ils ont prouvé la nécessité de définitions dont, quoi qu’on ait dit, à Rome, on voulait peu dans les commencements. A bout de raisonnements, les adversaires ont traîné en longueur; on s’est fait une idée de ce qu’était cette patience romaine, dont la majorité elle-même ne pouvait venir à bout. Au terme, on a vu plus clair, et la condamnation a été plus solennelle. Et maintenant que l’élan est donné, s’arrêter serait impossible; il faudra aller jusqu’au bout.

Quel est votre avenir, mes enfants, si vous savez en être dignes! Une magnifique expansion de la vie catholique dans les idées, dans les sciences, dans l’enseignement religieux, dans la nouvelle société, laquelle ne sera après tout qu’une nouvelle application, dans des circonstances diverses, des principes éternels.

Pour atteindre un pareil but, il faut sans doute d’immenses efforts de votre part; il faut de grandes et puissantes études sous l’enseignement de maîtres pénétrés de leur responsabilité, dirigés par les évêques, confirmés eux-mêmes par l’infaillible Docteur; et si le monde laïc s’en va dans les incertitudes, le doute, la nuit de la libre-pensée, nous, nous irons, grâce aux sciences mieux étudiées et mieux comprises, vers la vérité, vers la justice, vers le bonheur, vers la plénitude de la vie.

Notes et post-scriptum
1. Mgr Henri Plantier, évêque de Nîmes; -Mgr Raphael Popoff, évêque administrateur des Bulgares-unis*.