TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES.|DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX.

Informations générales
  • TD 1-5. 285
  • TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES.|DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX.
  • UNION DES ANCIENS ELEVES DES MAISONS CHRETIENNES ENTRE EUX ET AVEC LEURS ANCIENS MAITRES.
    DISCOURS PRONONCE PAR LE R. P. D'ALZON A LA DISTRIBUTION DES PRIX, LE 30 JUILLET 1872. (1)
  • TD 1-5, p. 285.
Informations détaillées
  • 1 ANCIENS ELEVES
    1 ANGLAIS
    1 ATHEISME
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONGRES DE L'ENSEIGNEMENT LIBRE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX
    1 DROITS DE DIEU
    1 EDUCATION HUMAINE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 EXERCICES MILITAIRES AU COLLEGE
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FAUSSES DOCTRINES
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 HAINE CONTRE JESUS-CHRIST
    1 LOI NATURELLE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MAISONS D'EDUCATION CHRETIENNE
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SOCIALISME ADVERSAIRE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    2 BECHARD, FERDINAND
    2 BUQUET, LOUIS-CHARLES
    2 LAFARE, PIERRE
    2 LENORMANT, CHARLES
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    3 ETATS-UNIS
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
    3 PARIS, RUE DES SAINTS-PERES
    3 PARIS, RUE FRANCOIS Ier
  • le 30 juillet 1872.
  • Nîmes
La lettre

Monseigneur,

Messieurs,

Il est impossible, en jetant un cour d’oeil attentif sur la société actuelle, de n’être pas frappé de deux faits: le premier est l’organisation de plus en plus puissante de la Révolution; le second, l’effort toujours plus violent de cette même Révolution pour chasser Dieu de partout, et surtout de l’enseignement.

Me permettrez-vous de vous soumettre quelques considérations sur ces deux points de vue, qui se confondent après tout en un seul: la haine de Dieu et l’espoir d’en avoir bientôt fini avec lui? Mais, comme il ne suffit pas seulement de signaler le mal, qu’il importe surtout d’en indiquer le remède, je m’efforcerai de vous en présenter un, que je crois avoir le droit de proposer dans une réunion comme celle-ci.

Que la Révolution ait un plan, qu’elle en poursuive la réalisation avec une inaltérable persévérance, c’est ce que l’on ne peut contester. Qu’à l’aide de forces de plus en plus menaçantes, elle compte sur un prochain triomphe, c’est ce qui n’est pas moins certain. Que, dans ce but, toutes les notions du juste, du droit, du bien, du mal, du vice, de la vertu, soient bouleversées, il suffit de lire certaines productions modernes pour en être convaincu. L’esprit humain s’est révolté contre l’Eglise d’abord, puis contre l’Evangile, enfin contre Dieu lui-même. Ces trois grandes étapes l’hérésie, la religion purement naturelle, l’athéisme, d’abord déguisé, puis affiché au grand jour, peuvent être constatées sans la science, dans la philosophie, dans les erreurs socialistes, partout, en un mot, où après avoir exclu Jésus-.Christ, on a dit de Dieu lui-même: « Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous ».

Sans doute, il y a lieu de penser que Dieu ne se laissera pas mettre à la porte de tout, sans quelque résistance. Nous, chrétiens, nous devons compter sur son appui, finalement vainqueur, dans la guerre qu’il nous accorde l’honneur de livrer pour le maintien de ses droits; mais enfin, il nous faut lutter, et lutter sur le terrain où nous sommes attaqués.

De ma double observation, deux conséquences découlent: la première c’est que, avant tout, il faut rétablir la pensée de Dieu dans l’enseignement; il faut que, à cette idée fondamentale, toutes les autres prêtent appui, ou plutôt, que ce principe universel toutes les ordres de connaissances reçoivent lumière, force, fécondité. Si Dieu est le premier de l’être, si la première vérité est l’affirmation de Dieu, il faut que rien ne soit affirmé qui ne remonte à Dieu et ne lui emprunte sa raison d’être, et que rien ne soit explicable en dehors de la notion de Dieu.

Il y a plus, à mesure que cette notion est attaquée avec une fureur plus grande, dont les motifs ne sont pas uniquement pris dans le monde scientifique, la connaissance de Dieu doit être versée, à flots plus abondants et plus limpides, dans les jeunes intelligences; plus on veut de l’enseignement sans Dieu, plus nous devons parler de lui, en pénétrer toute nos leçons, faire resplendir ses attributs dans l’ordre métaphysique, mais surtout montrer la nécessité de son action toute puissante dans l’ordre moral, à la base et dans le développement de toutes les relations humaines.

Mais ce n’est point assez; en face de la guerre contre Dieu, si puissamment organisée, il faut que les chrétiens s’organisent; de nombreux efforts sont tentés de toutes parts; ce n’est pas le lieu d’en parler. Je me borne à examiner ce que devraient faire les maîtres chrétiens, et quels rapports ils pourraient établir avec leurs élèves, dans l’intérêt d’une cause commune.

Nous entrons dans une phase nouvelle de la société, de nouveaux devoirs sont créés par la situation si anormale des choses. Il ne s’agit pas seulement de continuer un voyage facile à travers une mer apaisée, sous l’impulsion de vents favorables. La plus violente tempête est déchaînée; il faut que tous se mettent à la manoeuvre pour éviter un naufrage que nos ennemis croient assuré pour nous. Oui, nous avons tout à faire et beaucoup à faire.

Je ne crains pas de le déclarer, il faut imprimer, avant tout, à l’éducation quelque chose de militant, et même de militaire.

En présence de cette barbarie oû la Révolution pousse ses esclaves, nos élèves doivent être prêts à soutenir la lutte. Puisque nous marchons vers les moeurs des Etats-Unis, il faut bien savoir que, dans ce pays de liberté, les évêques engagent les catholiques à protéger leurs droits par tous les moyens de défense légitime. L’esprit militaire, ranimé dans la jeunesse, sera excellent pour atteindre ce but. Il sera utile encore pour la préparer à la vie des camps; nos élèves y ont été exercés autant qu’il a dependu de nous. Pour entrer dans nos vues, M. le Ministre de la guerre nous avait accordé un certain nombre de chassepots; il est vrai que, malgré nos sollicitations, nous ne les avons pas encore; mais nous les aurons peut-être enfin; et avec les carabines qu’un colonel de la garnison avait bien voulu, il y a quelques années déjà, choisir lui-même, nous espérons que nos enfants sauront manoeuvrer sous le drapeau de la France, comme ils manoeuvrent déjà sous le drapeau de l’Assomption.

Ces exercices, quoique purement matériels, donnent déjà de la vigueur à l’âme; ils sont aussi pour nous un moyen d’étudier les caractères; mais, je le répète, à côté de l’esprit militaire, les maîtres doivent donner l’esprit militant; j’entends par là l’amour d’une cause à défendre, et ici je ne veux parler que de la cause de l’Eglise et de Dieu.

Les Anglais, que je n’admire pas plus qu’il ne convient, ont un avantage sur nous: malgré leur sévérité dans les punitions, ils traitent, le plus tôt possible, les enfants comme des hommes; je ne connais pas de meilleur moyen d’avoir des hommes de bonne heure, et la vie est si courte qu’on ne saurait en avoir trop tôt. Entendons-nous: traiter un enfant en homme, ce n’est pas le traiter en enfant gâté, accepter ses caprices et le laisser seul souverain de la maison, -a moins qu’il n’y ait plusieurs frères, auquel cas on voit plusieurs souverains. -Traiter un enfant en homme, c’est lui montrer la grandeur de ses devoirs, lui en expliquer l’étendue, lui inspirer l’ambition de les remplir, non-seulement ceux de la vie privée, mais encore tous ceux de la vie publique et sociale; c’est lui montrer les adversaires qu’il encontrera, les durs travaux qu’il devra s’imposer, les combats à livrer, l’honneur des siens à soutenir, les saintes traditions à conserver, la cause de Dieu, en un mot, qu’il devra faire triompher, et cette cause s’incarnant surtout dans la société des âmes, la société formée entre Dieu et les hommes par Jésus-Christ, l’Eglise.

Autour de cette pensée générale se groupent les pensées secondaires qui s’y rapportent: la formation de l’intelligence par les études qui préparent à ce magnifique but; la formation de la volonté par la pureté et la communication d’une énergie toujours franche et loyale, en présence d’entraînements oû la corruption du coeur se dissimule trop souvent à l’aide des sophismes de l’esprit, et oû le raisonnement se fausse, parce que la conscience veut, à l’aide du mensonge, justifier ces écarts; puis, l’ensemble des oeuvres dont un jeune homme, dont un enfant même ont la capacité bien plus tôt qu’on ne le pense; enfin, toutes ces conversations générales ou intimes, oû l’homme se prépare et se dessine souvent pour toute sa vie, bien plus tôt qu’on ne l’eût soupçonné.

A cette préparation du collège, il faut que nous, maîtres chrétiens, nous sachions joindre la continuation de ces rapports si précieux pour soutenir les jeunes gens sortis de nos mains. Je signale ce moyen comme un devoir impérieux, et je fais ici un appel pressant à tous les hommes qui s’occupent de la jeunesse catholique de France; je vois, en effet, dans la continuation mieux entendue et plus suivie de ces rapports, l’un des plus puissants leviers qui soient à notre disposition pour relever et sauver notre société.

Peut-être avons-nous, sur ce point, quelque reproches à nous adresser. Ce n’est certes pas toujours la faute de nos élèves, même de ceux que nous avons traités le plus sévèrement. -Je sortais un jour du collège Stanislas, où j’avais été élevé vingt ans auparavant; j’étais en compagnie d’un de nos anciens députés les plus regrettés, et de M. Charles Lenormant, que les libres-penseurs d’alors venaient de forcer d’abandonner sa chaire à la Sorbonne. Deux jeunes gens vinrent se jeter à mon cou. -« Quels sont ces Messieurs? » me demanda Ferdinand Béchard; à leur accent, il les avait reconnus pour des compatriotes. -Ce sont, repris- je, deux anciens élèves que j’ai été obligé de rendre à leur famille. -« Ah! reprit M. Lenormant, j’ai eu tous les succès dans mon lycée; mais je n’ai jamais eu, une fois sorti, la pensée de conserver l’ombre d’une relation avec mon proviseur ». Sauf les plus rares exceptions, tel est le grand privilège des maîtres chrétiens: le pouvoir de former des groupes, d’étendre leur action bien au-delà à des années du collège. C’est cette puissance incomparable qu’il faut développer, accroître pour le bien; et le secret de notre influence, -secret dont nous devons conserver précieusement le privilège-, c’est que nous aimons nos élèves, que nos élèves se sentent aimés. Ailleurs, on n’aime pas. En général, on donne à dose plus ou moins élevée, du grec, du latin, des mathématiques, et même de la gymnastique; on ne sait pas donner de l’affection, et surtout on n’en reçoit jamais. Je me rappellerai toujours avec quelle surprise, en entrant au lycée Saint-Louis, en 1824, je me sentis investi tout à coup par le mépris du professeur, et surtout par la haine du pion; et quel fut mon épanouissement, lorsque, placé plus tard au collège Stanislas, je pus voir dans mes maîtres, dans le vénérable abbé Buquet surtout, des pères ou des frères aînés.

Cette influence de l’affection, si douce et si forte, après plus de quarante ans, elle n’est point affaiblie dans mes souvenirs; ma reconnaissance est toujours la même; et je vous connais assez, mes enfants, pour pouvoir dire que, vous aussi, dans quarante ans, j’en ai la ferme espérance, vous en aurez conservé quelque chose.

Alors, il est vrai, on n’éprouvait pas la nécessité d’utiliser le puissant élément que j’appellerai: l’action du maître chrétien au-delà du collège. Aujourd’hui, au contraire, c’est, j’en suis convaincu, une grande oeuvre, une nouvelle forme d’apostolat dont l’Eglise doit s’emparer pour soutenir la lutte formidable du temps présent; c’est un des instruments les plus efficaces, un des remparts les plus redoutables à opposer à l’incrédulité et à la révolution, qui menacent l’Europe tout entière.

Un Congrès des maîtres chrétiens va s’assembler sous peu (2); et ces maîtres provoqueront probablement des Congrès de leurs anciens élèves. Déjà, par des reunions ou des banquets annuels, on se voit, on se rapproche, on se groupe; on essaiera quelque chose de plus: des travaux suivis, une action commune; l’organisation, je n’en doute pas, se fera vite, puisque les dangers menacent de plus près. J’affirme, d’ailleurs, qu’elle est dans le désir de toute la jeunesse française à laquelle je m’adresse. Mais aussi, quelles armes merveilleuses ne fournira pas cette vaste alliance des anciens élèves avec leurs maîtres? Quelle puissance ne trouvera-t-on pas dans cette pensée bien comprise, et développée par ce qu’il y a de plus actif dans la France catholique?

Je vous livre ces pensées, Messieurs; je voudrais qu’elles pussent franchir les limites de cette salle, et être secondées par un nouvel apostolat de tous les maîtres chrétiens sur la portion la plus généreuse et la plus intelligente de leurs anciens élèves (3). Vous, mes enfants, qui avez entendu l’expression de mes voeux, conservez-en le souvenir; et, quand le moment sera venu, sachez, à votre tour, par votre esprit de discipline, par votre foi, par vos travaux, montrer ce que peut, pour la cause du bien, un ancien élève de l’Assomption.

Notes et post-scriptum
2. Le lundi 2 septembre, à Paris; voir la *Revue de l'Enseignement chrétien*, nº 15, juillet 1872. -Les cartes de membres du Congrès sont délivrées à Paris, sur François 1er, 8, et au siège de la Société d'Education, rue des Saint-Pères, 63.2. Le lundi 2 septembre, à Paris; voir la *Revue de l'Enseignement chrétien*, n° 15, juillet 1872. -Les cartes de membres du Congrès sont délivrées à Paris, sur François 1er, 8, et au siège de la Société d'Education, rue des Saint-Pères, 63.
3. Une distribution des prix n'est pas favorable au développement d'un plan d'organisation basé sur les idées que nous venons d'émettre. Nous nous réservons de présenter les moyens à prendre pour utiliser une force aussi puissante que l'union des anciens élèves chrétiens, lorsque se réunira le Congrès de l' Enseignement libre; là une discussion provoquée par nous amènera, nous l'espérons, des résultats pratiques et sérieux.1. Nîmes, en 1872, de l'Imprimerie P. Lafare, place de la Couronne,