TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES|TEXTES DIVERS AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES

Informations générales
  • TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES|TEXTES DIVERS AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES
  • LE PENSIONNAT DE L'ASSOMPTION ET LA LIBERTE D'ENSEIGNEMENT (1).
  • L'Univers, 8 octobre 1845.
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 AGREGATION
    1 ATHEISME
    1 CATHOLIQUE
    1 CLERGE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COLLEGE ROYAL
    1 CONSTITUTION
    1 CORRUPTION
    1 DIPLOMES
    1 ECOLES
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 GOUVERNEMENT
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 MAISONS D'EDUCATION CHRETIENNE
    1 MAITRES
    1 MINISTRE
    1 MONOPOLE UNIVERSITAIRE
    1 PENSIONNATS
    1 PLEIN EXERCICE
    1 PROTESTANTISME
    1 TOLERANCE
    2 COUSIN, VICTOR
    2 ROSSI, PELLEGRINO
    2 SALVANDY, NARCISSE DE
    2 THIERS, ADOLPHE
    3 NIMES
  • 1845
La lettre

Le pensionnat de l’Assomption et la liberté d’enseignement(1).

Le Journal des Débats nous vantait, il y a quelque temps, la tolérance de l’Université, qui veut bien souffrir l’existence de quelques collèges tenus pas des particuliers, et qui pousse la magnanimité jusqu’à laisser jouir ces établissements du plein exercice qu’ils ont acheté d’elle au prix d’énormes sacrifices. D’autre part, le ministère a fait répandre en tous lieux, lors du grand triomphe de M. Rossi, que désormais le grand maître se montrerait généreux, et que, afin de consoler les catholiques de la dispersion des Jésuites, on allait, pour commencer, concéder le plein exercice à douze maisons. Nous sommes, en fait de promesses ministérielles, ce que sont d’illustres professeurs en fait de croyances religieuses, complètement incrédules. Aucune parole ne peut ébranler notre scepticisme, il nous faut voir et toucher, il nous faut du positif. Mais en province on n’a pas encore un si mauvais esprit. Lorsqu’un ministre prend un engagement, on croit bonnement qu’il le tiendra.

Il paraît que les catholiques de Nîmes, par exemple, avaient pris au sérieux les promesses attribuées par les amis du pouvoir à M. de Salvandy. Nous avons dit, l’an dernier, comment les personnes les plus considérables et les plus honorées de cette grande ville se sont réunies pour la doter d’un établissement chrétien; comment, en attendant la liberté, ils se sont soumis au monopole et ont fondé un pensionnat, dont les élèves sont conduits au collège royal; comment, allant au-devant de toutes les exigences, ils se sont assuré le concours des hommes les plus capables aux yeux de l’Université elle-même, puisque les professeurs de cette maison, non seulement sont gradués, bacheliers ès-lettres, bacheliers ès-sciences, licenciés et docteurs, mais encore comptent dans leurs rangs des élèves de l’école normale, agrégés de l’Université, qui ont professé avec distinction les humanités dans les collèges royaux. C’est là, assurément, une oeuvre sérieuse, et qui offre toutes les garanties qu’un gouvernement puisse désirer. D’ailleurs, les directeurs du Pensionnat de l’Assomption disaient à l’Université: « Veuillez nous faire connaître quelles conditions il faut remplir pour être digne du plein exercice; quelles qu’elles soient, nous sommes prêts et nous les remplirons. » On leur a répondu que la seule condition nécessaire et indispensable était la volonté du ministre, et que le ministre ne voulait pas. C’est de l’arbitraire, direz-vous? Mais non, car on a fait deux révolutions pour détrôner l’arbitraire. Et comment l’arbitraire serait-il possible sous un gouvernement constitutionnel? Nous avons la liberté, soyez-en convaincu, la liberté de l’enseignement. La Charte le dit, qui pourrait en douter?

Il est vrai que Nîmes peut se consoler par cette considération, qu’elle n’est pas la seule ville à qui l’on ait refusé un collège libre. De douze maisons promises, pas une seule n’a été accordée. La leçon est bonne, et nous espérons que les catholiques seront désormais moins prompts à accueillir les belles paroles que les agents du pouvoir répandent en tous lieux avec tant d’empressement et de profusion. Nous espérons surtout que les catholiques comprendront qu’il n’y a rien à attendre d’un système qui fait du bon plaisir d’un ministre la suprême loi, et que la liberté seule, la liberté vraie, peut leur donner le moyen de combattre avec quelque chance de succès l’influence aujourd’hui toute-puissante de leurs ennemis. Nous disons ennemis, et nous savons ce que signifie ce mot. Les catholiques de Nîmes ne nous démentiront pas; ils n’ignorent pas à quelles influences le ministère a cédé en cette occasion.

L’année dernière, lorsque nous annonçâmes la fondation du collège catholique de Nîmes, on nous dit: « Vous êtes bien imprudents! Ne voyez-vous pas que si le ministère accorde le plein exercice à de semblables maisons, les soutiens du monopole s’en feront une arme contre la liberté? Ils prétendront que la liberté n’est pas nécessaire aux catholiques, puisque sous le régime du monopole ils peuvent avoir leurs collèges. » Nous répondîmes qu’un bon collège de plus, qui peut sauver de l’incrédulité et de la corruption tant de jeunes âmes, nous semblait quelque chose de si désirable que nous sacrifierions tous les intérêts de notre polémique pour en faciliter l’établissement. Nous répondîmes que l’argument des partisans du monopole serait absurde; car le plein exercice, accordé par acte de bon plaisir ministériel à quelques particuliers, ne ressemble en aucune façon à la liberté promise depuis quinze années à tous les citoyens sous la foi du serment. Nous répondîmes enfin que, si un pareil sophisme pouvait faire impression sur certains esprits, le ministère ne manquerait pas de le rendre impossible et nous mettrait à l’abri de cet inconvénient en refusant à Nîmes et aux villes qui l’imiteraient le plein exercice. L’événement ne justifie que trop nos prévisions. Tous les sacrifices faits par les catholiques de cette grande cité, toutes les garanties offertes par eux et l’engagement qu’ils prenaient de subir toutes les conditions qu’on voudrait leur imposer, sont maintenant autant d’arguments contre le monopole et la preuve manifeste que, sous le régime de l’arbitraire ministériel, les catholiques ne peuvent obtenir à aucun prix des collèges chrétiens. Cette preuve est d’autant plus forte que le ministre lui-même, nous aimons à lui rendre cette justice, est personnellement moins hostile. Ce que refuse M. de Salvandy montre assez ce que pourrait accorder M. Rossi ou M. Cousin. Le grand-maître n’est pas maître de l’Université, c’est l’Université qui mène son ministre.

Ce ministre, du reste, a la conscience timorée. Il craint, dit-on, que l’établissement d’un collège chrétien à Nîmes ait pour résultat de rendre le collège royal tout entier protestant. Une pareille crainte nous paraîtrait fondée, si elle n’était démentie par les louanges officielles que donne le pouvoir à l’éducation religieuse et toute catholique, que la jeunesse reçoit dans les maisons universitaires et dans le collège de Nîmes en particulier. Comment les familles catholiques pourraient-elles préférer un établissement privé; comment le collège royal pourrait-il devenir la prédilection des protestants, si l’enseignement et l’éducation donnés dans ce collège offrent aux familles catholiques, quant à la foi et aux moeurs, toutes les garanties désirables? Au surplus, aux yeux des catholiques, comme aux yeux des protestants qui ont conservé quelques restes de christianisme, mieux vaudrait, dans une ville comme Nîmes, un collège royal protestant, à côté d’un établissement libre catholique, qu’un collège royal qui, étant à la fois catholique et protestant, n’est par lr fait ni l’un ni l’autre. Les collèges mixtes sont les pires de tous. Le protestantisme n’a pas plus d’intérêt que le catholicisme à les conserver. Ils ne sont élevés et entretenus qu’au profit de l’incrédulité. L’hérésie est aveugle. Faire du mal aux catholiques, les empêcher d’avoir un collège lui a semblé une excellente affaire. Et, après tout, que la jeunesse devienne calviniste ou rationaliste, il lui importe peu. Cela ne revient-il pas au même?

M. de Salvandy a pourtant fait une concession. Il est permis aux directeurs du pensionnat de l’Assomption de ne pas envoyer au collège royal les élèves des classes inférieures. Il faut en remercier sincèrement le ministre et en féliciter les catholiques de Nîmes. Les directeurs du pensionnat pourront au moins préserver les plus jeunes enfants confiés à leur sollicitude d’un contact, dont une triste expérience atteste les dangers. L’Université pouvait refuser même cela, car elle peut tout refuser; elle est souveraine, nous sommes ses sujets; et quand le maître daigne accorder une faveur, l’esclave ne lui doit-il pas des actions de grâce?

On pouvait craindre que le refus du ministre et de son Conseil royal ne décourageât les fondateurs du pensionnat de l’Assomption. Mais les chrétiens ont de la patience, et les sacrifices ne les effrayent pas. Les directeurs ont augmenté le personnel de l’établissement, réalisé de notables améliorations et mis leur maison sur un tel pied qu’elle sera une pension modèle, en attendant que la liberté en fasse une institution de plein exercice. Ils ont compris que le meilleur moyen de se rendre dignes de faire le bien qu’ils avaient projeté est de faire d’abord le bien qu’on veut bien leur permettre. On ne saurait payer trop cher la liberté, a dit M. Thiers. Les catholiques de Nîmes la payent cher et la payent d’avance. Nous souhaitons que, dans toutes les grandes villes de France, le clergé et les catholiques s’empressent de suivre ce grand et noble exemple. De simples pensions ne sont pas sans doute un contrepoids suffisant à tant d’établissements universitaires, dotés et protégés par l’Etat. Mais quand bien même chacune d’elles n’arracherait à l’impiété et à la corruption que quelques âmes, les plus grands sacrifices ne seraient-ils pas dignement payés? Et puis, tant de généreux et persévérants efforts, dans les liens mêmes de la tyrannie, ne hâteraient-ils pas l’avènement de la liberté?

Notes et post-scriptum