ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.203
  • ARTICLES
  • LA FETE DIEU.
  • Le Correspondant, 30 JUIN 1829.
  • dh 130; TD 7, P.203-206.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 FETE-DIEU
    1 PROCESSION DU SAINT-SACREMENT
    1 SAINT-SACREMENT
  • 30 juin 1829.
La lettre

La religion place à certains intervalles des fêtes destinées, il semble, à rafraîchir l’esprit de l’homme épuisé par le travail, et de rendre à son coeur la flamme presque éteinte par les angoisses, tristesses: compagnes de notre infirmité. On dirait que dans notre exila, elle ait voulu rendre plus facile le poids des peines, en nous montrant comme l’ombre des biens de la patrie.

De nous-mêmes, de notre propre fonds, qu’avons-nous qui puisse nous porter à la joie, et quel sujet de plaisir peut nous laisser une incurable misère? La religion l’a bien compris, et semble s’être chargée de nous faire goûter les prémices de ce qui nous attend par delà le tombeau. Si elle a aussi ses douleurs, ce n’est point pour nous les faire partager qu’elle nous invite à nous unir à elle en ses jours de tristesse, et lorsqu’elle nous montre le plus beau des enfants des hommes chargé du bois du sacrifice, si elle nous dit de pleurer, c’est plutôt sur nous-mêmes que sur les opprobres de son bien-aimé. Filles de Sion, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez plutôt sur vous et sur vos enfants. Mais, à l’heure qu’elle se réjouit, voyez comme elle veut nous rendre heureux de son bonheur, nous rendre joyeux de sa joie, et faire, en quelque sorte, entrer par force dans notre âme un bien auquel de notre nature nous paraissions si étrangers. Pour atteindre ce but, par quels ingénieux moyens ne cherche-t-elle pas à nous surprendre? A ceux qui saisissent moins la profondeur de ses mystères, à ceux que le sublime spectacle de la société, dont elle nous rend tous membres, ne saurait assez émouvoir, elle a encore quelque chose à offrir, elle a les pompes et ses fêtes pour ceux dont il faut frapper le sens avant que de toucher le coeur.

Et ces pompes, quand les déploie-t-elle avec plus de majesté qu’au jour de la Fête-Dieu, au jour où tous les chrétiens qui adorent le sauveur Jésus sous l’apparence d’un pain grossier, redoublent d’ardeur pour donner à la solemnité quelque chose de plus magnifique. Qu’elle est touchante en ce jour la somptuosité du pauvre, parant les dehors de sa chaumière pour honorer le passage de son Dieu, et tous les dons qu’il a reçus de Lui! Comme on aime à venir prier en ces reposoirs embellis, non par le luxe, mais par la simplicité des villageois! La tenture n’est pas riche, les ornements n’en sont pas d’une grande valeur, mais comme cette tenture, comme ces ornements, le plus souvent arrachés à l’usage domestique, paraîtront précieux, quand on pourra penser qu’ils ont servi à former l’asile sous lequel le fils de l’homme a trouvé un Monument ou reposer sa tête!

Faut-il parler de ces processions solennelles, s’avançant au milieu des rues comme pour un triomphe? Quelquefois la marche s’ouvre par des jeunes enfants, couverts des emblèmes de leurs saints patrons; de petits anges avec des ailes d’or et d’azur offrent un spectacle plein de grâce. Il semble qu’empruntant le corps de ceux qu’ils sont chargés de protéger, ces princes du ciel soient descendus sur la terre pour rendre moins indigne le cortège de celui qui est le maître de tous. Après les jeunes vierges vêtues de blanc, voyez-vous ces vieillards avec une robe grise, un bourdon à la main; ce sont de pieux pèlerins; ils ont accompli bien des voyages, traversé bien des mers, et maintenant, dans leurs derniers jours, ils sont heureux de revoir encore les fêtes qui avaient charmé leur enfance. C’est quelque chose de majestueux que ce concours du clergé avec ses vêtements du sacrifice; il est beau de voir ces vieux prêtres, qui ont connu le poids du travail, entourer cette nourriture divine que leurs paroles ont fait si souvent descendre du ciel, que leur main a distribuée à tant d’âmes infirmes, et dans laquelle ils ont puisé leur force au jour du combat. Il y a aussi quelque chose de touchant dans ce choeur de jeunes lévites, dont l’encensoir fume devant la victime, comme un symbole d’une ardente prière, ou qui, avec les fleurs qu’ils jettent devant l’agneau sans tache, lui offrent les pures et délicates fleurs de leur virginité.

Enfin, paraît le fils de l’homme caché sous un voile mystérieux que la foi seule peut percer. A cette vue, la raison se tait, s’anéantit, et l’amour, redoublant ses feux, gémit de ne pouvoir encore briser les liens qui l’empêchent de s’unir sans fin à celui qui l’a aimé plus que la mort!

Lorsque, l’esprit enivré des communications plus intimes dont la divinité le comble en de pareils moments, l’homme se replie sur lui-même, analyse ses sentiments afin d’augmenter sa foi de toute l’ardeur de la charité qui le consume, il n’est pas étonnant qu’il vienne à se demander pourquoi tant de pompes dans cette fête. A cette question la réponse n’est pas difficile. Ici c’est comme le dernier gage de l’amour du Sauveur pour ses enfants. Les chrétiens ont senti tout ce qu’ils devaient au fils de l’homme, et se sont efforcés, en contemplant son abaissement, de lui rendre par leur adoration, ce que pour habiter avec eux il voulait perdre sa gloire. Ils ont voulu rendre plus éclatante cette alliance par laquelle descendant presque au dessous de la créature, il établissait une société plus intime avec elle. Société sublime qui pour jamais unit l’homme coupable à son Dieu irrité, qui efface le crime antique et qu’un Dieu, qui s’est fait homme pour en être le gage immortel, a voulu sceller de son sang.

Que ceux qui ne croient pas à l’amour de Jésus-Christ pour les hommes et qui veulent briser le lien de cette société divine fuyent, s’ils le peuvent, loin de Dieu, loin de leurs semblables dans une solitude profonde, et réalisant autour d’eux le néant!

Pour nous, nous tenons encore à la vie de l’âme, nous tenons encore au bonheur, et ce bonheur, cette vie, nous les trouvons dans le principe éternel de tous les êtres, non, ce n’est que le Dieu dont la chair est vraiment un aliment, dont le sang est vraiment un breuvage, qui peut donner à l’âme épuisée sous le fardeau de sa misère la force pour le porter, l’espoir de sa délivrance, et soulever pour elle le voile des mystères qui lui cachent le terme parfait de ses désirs.

Notes et post-scriptum