ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.336
  • ARTICLES
  • L'UNIVERSITE, SEMINAIRE DE LA FRANC-MACONNERIE, SELON DE MALADROITS DEFENSEURS
    III
  • Gazette de Nîmes, 16 avril 1875
  • TD 7, P. 336-341.
Informations détaillées
  • 1 ATHEISME
    1 AUMONIERS SCOLAIRES
    1 BIEN SUPREME
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ESPRIT UNIVERSITAIRE
    1 FOI
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 HERESIE
    1 INDIFFERENCE
    1 JUIFS
    1 LAICISME
    1 LYCEES
    1 MAITRES
    1 PARENTS D'ELEVES
    1 PROTESTANTISME
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 PROVISEURS
    1 RATIONALISME
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 TOLERANCE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    2 AZAIS, PIERRE
    2 HARTMANN, EDOUARD VON
    2 JOUBIN, L.
    2 SARCEY, FRANCISQUE
    2 VIGUIE, JEAN-ARISTE
    3 ANGLETERRE
    3 NIMES
  • 16 avril 1875,
  • Nîmes
La lettre

A son tour, M. Sarcey vient à la rescousse dans un article du XIXe Siècle, reproduit le 4 avril, par le Midi, Mais de quoi se mêle-t-il quand son article renferme les plus monstrueuses inexactitudes? « Tout le monde sait qu’à Nimes la population se divise par moitiés à peu près égales en catholiques et protestants; » mais non: personne à Nimes ni ailleurs ne sait cela, attendu que l’allégation est de la plus absolue fausseté. La population catholique est de beaucoup supérieure à la population protestante; mais passons. « Tous les efforts d’une sage politique doivent donc tendre en ce pays à calmer l’aigreur des esprits, à éviter les prétextes de querelles, à multiplier les points de contact et les occasions de rapprochement entre les deux partis. »

C’est parler d’or, s’il s’agit des partis: mais il s’agit de communions opposées, ce qui est un peu différent; et encore c’est établir que les partis n’ont aucun principe, car s’ils en ont, tant que les principes seront en présence, où sera la possibilité de l’union, excepté dans le mépris universel pour les partis, leurs opinions et leurs défenseurs?

Ah! je comprends très bien l’esprit de l’Eglise catholique qui lance l’anathème contre l’hérésie à son origine, et qui, quand elle s’est épuisée par le venin même de l’erreur, fait des avances aux sectaires égarés pour les ramener dans son sein; c’est le système adopté en Angleterre. Il a produit toutes les conversions dont nous sommes les heureux témoins. En France, nous n’en sommes pas là, et, sous l’influence allemande, du protestantisme d’autrefois on en est venu au protestantisme libéral, et du protestantisme libéral à la démagogie et à l’incrédulité.

Une brochure allemande nous le révélait naguère. Laissant le catholicisme à part, l’auteur très connu de l’autre côté du Rhin, M. Edouard von Hartmann, élevé dans le protestantisme, vient, paraît-il, de manifester au public prussien l’état de décomposition où, en vertu de son principe, le protestantisme libéral est arrivé. Il a été lui-même protestant libéral, il ne l’est plus; toutes ses vieilles croyances se sont écroulées. Au nom du principe du libre examen, il nie l’avenir au delà de la tombe, il nie l’âme, il nie Dieu. A Dieu, il oppose l’homme, et l’homme triomphera de Dieu. Les adorateurs de Dieu! mais c’est un parti qu’il faut, au nom de la tolérance, unir, pour les confondre, aux protestants libéraux, aux protestants orthodoxes, aux Juifs, aux catholiques.

Je soupçonne que toutes les fois qu’un père de famille présentant son fils au Lycée, veut le faire inscrire dans son compartiment religieux, le proviseur éprouve quelque ennui, selon son compartiment; à lui; mais si jamais un père lui présentant son fils, lui dit: Monsieur, mon fils n’appartient à aucun compartiment. -Ah! doit répondre le proviseur, comme c’est commode! Plus de compartiments! Alors, il n’y aura plus de haines, plus de querelles, plus de partis. -Aussi qu’est-ce que Dieu vient faire dans l’éducation, je vous le demande? Immense inconvénient pour les proviseurs!

« Le Lycée est ouvert à toutes les religions (absolument comme les Loges maçonniques, quel heureux rapprochement!) Quelle que soit celle que professe l’enfant qu’on remet aux mains de l’état enseignant, elle ne saurait être pour lui un motif d’exclusion. » Et voilà pourquoi nous ne voulons pas que l’Etat enseignant, qui, par la force des choses, et malgré les aumôniers, si vous voulez même à cause des aumôniers, doit être de la plus complète indifférence, sans quoi, il cesse d’être l’également impartial. Je suppose (ici je laisse M. Joubin de côté, je me mets en face d’un idéal de proviseur) qu’un orphelin lui soit confié. Le nouvel élève va trouver le chef du Lycée: « Monsieur, dit l’enfant, je n’ai ni père, ni mère, pour me dire dans quel compartiment religieux je dois être mis; je suis boursier; vous êtes le représentant de l’Etat enseignant, dans quel compartiment faut-il que je me classe? -Mon petit ami, dans celui que vous voudrez. -Mais, Monsieur, si je n’en prenais aucun? – Ah! c’est différent! que ferai-je de vous pendant l’instruction religieuse? choisissez celle que vous voudrez; mais je n’ai pas un maître d’études qui vous gardera pendant que vos camarades seront avec leurs aumôniers. -Eh bien! Monsieur, je choisis votre compartiment.. -Impossible, mon ami; comme simple citoyen, j’ai telle foi, telle religion, tel culte, que je manifeste devant les élèves de ce culte, que je manifeste devant les élèves de ce culte, par tolérance; mais comme représentant de l’Etat enseignant, j’ai sous moi des aumôniers fonctionnaires; à Nimes, nous en avons trois, et c’est bien agréable, il y en a pour tous les goûts; mais que je me mêle de vous faire aller là ou là, à la chapelle, au temple, à la synagogue, non, non, c’est contraire à la tolérance. Un proviseur logique, dans son lycée, ne devrait faire aucun acte public de son culte, pour ne pas donner aux élèves d’un autre culte le moindre soupçon d’intolérance de sa part. Mon cher enfant, je suis chargé d’enregistrer votre culte, pas autre chose; la religion pour moi, qui prends ma tâche au sérieux, est affaire d’enregistrement, pas davantage, et, si vous en doutez, je vous ferai lire dans un excellent journal, le XIXe Siècle un parfait article d’un ancien universitaire qui connaît admirablement la question. » -C’est tout de même extraordinaire, pense l’orphelin en se retirant, que Monsieur le proviseur dise que, comme proviseur, il ne peut avoir de religion afin de protéger toutes celles de ses élèves; que je ne puisse faire comme lui, et que je n’aie pas le droit d’envoyer promener tous les aumôniers de la terre!

Le dialogue n’a pas été tenu entre tel élève et tel proviseur, je l’admets; mais quel professeur de l’Université, quel maître d’études surtout pourra affirmer que bien des dialogues de ce genre n’ont pas été tenus entre élèves? Ils sont trop dans la nature humaine, pour qu’on puisse assurer qu’ils ne se présentent jamais à la pensée et sur les lèvres des enfants placés dans des situations impossibles.

Indifférence légale du proviseur, comme proviseur; indifférence légale des maîtres d’études, et avec cela vous espérez donner une foi quelconque! Allons donc! mais on sait ce que vous voulez; non seulement vous ne voulez pas la donner, vous voulez la détruire avec vos aumôniers, avec vos enregistrements de compartiments religieux. Et que M. Viguié a raison de dire que le compartiment n’y fait rien! Non, il ne fait rien pour les pères de famille indifférents; mais, pour les pères croyants, avant la charité, le tout du salut c’est la foi: Qui non crediderit condemnibitur; celui qui n’aura pas cru sera damné, n’en déplaise à M. Viguié. Telles sont les dernières paroles de Jésus-Christ, montant au ciel. M. Viguié croit-il à l’Ascension de Notre- Seigneur? Quoi qu’il en soit, pour rester catholique, il faut croire à cette dernière sentence du Fils de Dieu fait homme.

Remarquons, en passant, la touchante harmonie entre les principes rationalistes de M. Viguié et les doctrines rigoureusement universitaires, au dire de M. Sarcey.

Eh bien! M. Viguié sera fatalement dépassé. Comme il a distancé les protestants orthodoxes; au nom du protestantimseme rationaliste, qu’il le veuille ou non, je lui prédis que les rationalistes purs le distanceront à leur tour; c’est déjà fait en Allemagne. Il est impossible que cela ne se fasse pas en France, si M. Sarcey est logique, et je crois qu’il l’est, en même temps qu’il est ancien universitaire. Mais alors, que deviendront les élèves catholiques, protestants, juifs, sous une action aussi délétère? Ce qu’ils deviendront, je l’ai déjà dit, et M. Sarcey le confirme: les louveteaux de la Franc-Maçonnerie.

Il était bon pour M. Sarcey de changer à la louange de M. l’aumônier catholique, qui est un honnête et digne ecclésiastique, que c’est lui qui le premier comprit…; enfin M. l’aumônier aurait pris l’initiative d’envoyer les élèves catholiques à l’enterrement de M. Cazeaux. M. l’aumônier s’en défend. Restera-t-il toujours alors un honnête et digne ecclésiastique aux yeux de M. Sarcey? Son honnêteté et sa dignité me semblent bien compromises au XIXe Siècle. Pour moi, je sais bien que si M. Sarcey m’appelait jamais honnête et digne, je courrais vite me confesser de quelque trahison à mes devoirs de prêtre; quand je ne la connaîtrais pas, je devrais l’avoir commise pour que M. Sarcey fît mon éloge.

Mais M. l’aumônier ne méritait rien de semblable; consulté, il se contenta d’indiquer ce qu’il croyait les traditions du Lycée qui malheureusement n’existaient pas, puisqu’il n’y est pas encore mort d’aumônier protestant en fonction. Mais peu importe, félicitons M. l’aumônier de n’avoir pas mérité les éloges de M. Sarcey, et concluons:

Qu’est-ce qu’une Institution dont les anciens membres applaudisent les prêtres qui auraient manqué si gravement à leurs devoirs? Que peut-il rester de tous ces spectacles contradictoires donnés à des enfants? Un jour, à l’église, en face de l’aumônier catholique; un autre jour, en face d’un ministre protestant blasphémant, sans s’en douter peut- être, contre l’essence même de la foi catholique? Et remarquez qu’au fond ce que M. Sarcey dit est vrai; ce n’est pas M. Joubin, ce n’est pas M. l’abbé Azaîs qu’il faudrait accuser, quand même ce dernier aurait commis le forfait dont on le loue si outrageusement: ce qu’il faut attaquer, c’est l’Institution elle-même, parce qu’elle est la machine la plus puissante pour détruire la foi, préparer le règne de l’impiété et fournir les plus abondantes recrues à toutes les associations secrètes subversives de l’ordre moral.

E. d'Alzon.
Notes et post-scriptum