ARTICLES

Informations générales
  • TD 6.52
  • ARTICLES
  • [NOTE SUR UN PROJET D'ANTHOLOGIE]
  • Revue de l'Enseignement chrétien, I, n° 7, 1 novembre 1852, p. 591-593.
  • TD 6, P. 52.
Informations détaillées
  • 1 BEAU CHRETIEN
    1 BEAU LITTERAIRE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 LIVRES DE CLASSE
    1 QUERELLE DES AUTEURS CLASSIQUES
    2 FRANCOIS I
    2 LOUIS XIV
    2 MOLAND, LOUIS
  • 1 novembre 1852.
  • Nîmes
La lettre

Nous accueillons avec empressement le projet d’une Anthologie du moyen-âge à l’usage des classes. Les idées développées par M. L. Moland, dans l’esquisse que l’on vient de lire, rentrent tout-à-fait dans l’esprit de notre enseignement. Notre entière adhésion leur est assurée, et nous nous féliciterions de concourir, pour notre part, au succès d’un ouvrage que nous regardons comme une bonne fortune pour les études, et dont la publication se recommande par la plus heureuse opportunité.

Les professeurs de l’Assomption ont déjà songé à faire un choix des poésies grecques et latines des premiers siècles de l’Eglise et du moyen-âge; ils préparent un recueil hymnologique qui nous a été plusieurs fois demandé. L’Anthologie de M. Moland trouvera naturellement sa place sans le plan de notre Bibliothèque classique chrétienne. Le parallèle continu des Pères et des écrivains ecclésiastiques avec les classiques païens, tel que nous l’avons maintenu dans nos classes supérieurs, doit tourner ainsi au profit des lettres chrétiennes, loin de leur être, comme on l’a dit, si désavantageux. Cette comparaison ne nous a jamais paru bien redoutable pour les poètes et les prosateurs chrétiens; l’infériorité de forme, dont on a fait tant de bruit, ne donne pas lieu de s’inquiéter à leur sujet. Ce que le Christianisme a su donner de vie à l’imagination et à la pensée ressort trop vivement, dans ces études comparatives des deux littératures, pour que le voisinage des chef-d’oeuvres de l’antiquité païenne puisse diminuer la valeur de l’inspiration catholique dans la poésie et dans l’éloquence.

Ces rapprochements, cependant, ne serviraient pas seuls à bien faire connaître les richesses littéraires du moyen-âge, et à le relever du discrédit dont les humanistes de la Renaissance l’ont frappé. En allant aux sources nationales, en interrogeant les monuments de notre propre littérature, il est aisé de mettre davantage en lumière le renouvellement des lettres par le Christianisme, et de faire apprécier, par notre histoire elle-même, des modèles de beautés trop longtemps méconnues chez nous.

Cette pensée a dicté le décret du 13 septembre 1852, relatif au Recueil des poésies populaires de la France, et nous avons été heureux de voir le gouvernement seconder, en ce sens, le mouvement, aujourd’hui si prononcé, qui éloigne les esprits d’une admiration trop exclusive de l’art païen.

Restait, toutefois, à mettre à la portée de nos études classiques, à populariser dans nos collèges, sous une forme convenable, attachante, pratique surtout, les recherches laborieuses de l’érudition. On sait combien les choix ou modèles d’éloquence sont, jusqu’ici, entrés timidement dans cette voie. Presque tous portent encore l’empreinte d’une critique dédaigneuse qui ne croyait pas à une littérature française avant le dix-septième siècle, et traitait de gothique et de barbare tout ce qui ne s’était pas moulé sur l’imitation de l’antiquité.

C’est une injustice à réparer, une lacune à remplir. Les jeunes chrétiens doivent apprendre à suivre dans notre passé littéraire, au-delà de Louis XIV ou de François Ier, les vestiges précieux d’une littérature nationale et chrétienne; à seconder rendre compte, par eux-mêmes, de l’originalité dans laquelle, avant l’invasion graeco-latine, et sous la seule influence du Christianisme, seconder développaient notre éloquence et notre poésie française.

L’Anthologie classique du moyen-âge, conçue dans cet esprit, nous semble offrir toutes les conditions d’un livre classique parfaitement approprié aux études littéraires des collèges.

Plan, méthode, point e vue, tout y concourt à faire retrouver dans nos chats religieux et guerriers, dans nos ballades, nos récits historiques, nos légendes etc., « cette fraîcheur de génie qui, comme l’a dit M. le ministre de l’instruction publique, n’appartient qu’à quelques époques heureuses. Au contact de l’expression naïve du vieil esprit français, notre littérature seconder surprendra peut-être à rougir des fausses délicatesses où s’égare parfois sa subtilité ».

L’ordonnance du recueil permet surtout de distinguer nettement les tendances qui ont partagé notre littérature; on y reconnaît l;influence funeste exercée par les traditions païennes, sous le rapport de l’art, du goût, des idées, et, en même temps, on peut admirer quelle large carrière la pensée chrétienne était venue ouvrir à la raison et à l’imagination.

Nous sommes convaincus que les encouragements des maîtres chrétiens ne manqueront pas aux auteurs de l’Anthologie classique du moyen-âge*, et les détermineront à publier le livre pour lequel ils ont réuni les plus abondants matériaux. Nous l’adoptons à l’avance pour nos classes; et, comme des adhésions nombreuses peuvent seules enhardir les auteurs et leur permettre d’éditer, avant la fin de l’hiver, le volume que nous annonçons, nous provoquons volontiers nous-mêmes ces adhésions(1), et nous prions instamment nos lecteurs de concourir, avec nous, à la publication d’un excellent livre classique, si opportun, si avantageux, et placé, d’ailleurs, en dehors des discussions qui seconder sont élevées sur les classiques chrétiens. C’est une oeuvre sur laquelle peuvent seconder réunir presque tous les suffrages. Elle est un hommage à notre littérature nationale, une restitution de ses droits, une propagande pacifique et une réhabilitation des idées catholiques dans l’enseignement.

L'Abbé Emm. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. S'adresser à ls Revue de l'Enseignement chrétien, à Nîmes, ou à M. L. Moland, rue de l'Est, 3, à Paris.