ARTICLES

Informations générales
  • TD 6.72
  • ARTICLES
  • L'ARCHEOLOGUE CHRETIEN OU COURS D'ARCHEOLOGIE CATHOLIQUE A L'USAGE DU CLERGE, PAR M. L'ABBE J. GAREISO.
  • Revue de l'Enseignement chrétien, III, n° 23, avril 1854, p. 254-256.
  • TD 6, P. 72.
Informations détaillées
  • 1 AMEUBLEMENT DES EGLISES
    1 ARCHEOLOGIE CHRETIENNE
    1 ARCHITECTURE SACREE
    1 BEAU CHRETIEN
    1 BEAU LITTERAIRE
    1 CATECHISME
    1 ECRITURE SAINTE
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ICONOGRAPHIE CHRETIENNE
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 LITURGIE
    1 SYMBOLISME CHRETIEN
    1 TRADITION
    1 VERITE
    2 BATISSIER, L.
    2 CAUMONT, ARCISSE DE
    2 CHATEAUBRIAND, FRANCOIS-RENE DE
    2 GAREISO, JOSEPH
    2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
    2 GUERANGER, PROSPER
    2 HUGO, VICTOR
    2 MAMACHI, TOMMASO-MARIA
    2 MARCHI, GIUSEPPE
    2 PERRONE, GIOVANNI
    2 PEYRE
    2 PLATON
  • avril 1854
  • Nîmes
La lettre

On a voulu attribuer le mouvement qui se manifeste de plus en plus en faveur des traditions artistiques du moyen-âge à un enthousiasme de mode, réveillé dans les esprits par quelques pages du Génie du Christianisme, et par l’agitation romantique, qui date de vingt-cinq ans. Voir ainsi, c’est n’envisager que la surface des choses. Il y a une raison plus profonde et dont les pages de M. Châteaubriand, dont les enthousiasmes de M. Victor Hugo ne sont que les symptômes. Il y a le sentiment du vide où expiraient la littérature et les arts avec le XVIII siècle, et le besoin de mettre, sous des formes qui n’avaient que l’enflure, une vie et une sève qu’il fallait aller puiser à leur source.

Que quelques hommes se soient emparés de cette disposition des esprits et aient tenté de la tourner au profit de leurs systèmes, ce n’est point ce que l’on veut nier; mais on dit que leur instinct les a biens servis, qu’ils ont pu hâter le mouvement, en recueillir même le bénéfice; mais le principe remontait plus haut.

Aujourd’hui, on commence à se faire des idées plus nettes et plus distinctes de ce qui d’abord n’avait apparu que confusément et qui par cela même, avait rencontré de l’opposition chez certains esprits droits, quoique lents. Si le Christianisme possède, dans sa doctrine, la source du vrai, il doit posséder, dans les arts, le principe du beau. Que le beau se soit complètement dégagé sous son action, ceci est une question de fait, qui ne peut être tranchée que par les siècles. Le paganisme a pris son temps, il faut que le Christianisme prenne le sien. Mais, en dehors de la question de temps et de fait, reste toujours cette maxime incontestable: que, si le beau est la splendeur du vrai, la doctrine qui contient la plus grande somme de vérités renferme, par cela même, des sources de beautés plus nombreuses. A moins peut être qu’il ne faille dire, malgré le divin Platon, que le beau est la splendeur du faux; ce qui se prouverait par un traité sur les avantages du clinquant.

Quoi qu’il en soit, le mouvement s’opère et s’étend; la prudence de certains esprits laisse lever des barrières que l’on croyait infranchissables; on en revient aux traditions, effacées dans les arts par la Renaissance avant qu’elles ne fussent effacées dans la doctrine par la Réforme. Dans cinquante ans, on se demandera par quelle aberration de l’esprit humain, des générations entières ont pu abdiquer leur héritage de monuments et de chefs-d’oeuvre, consentir à les remplacer par tout ce que nous a donné l’inspiration du vieil Olympe.

Le Clergé, que ces sublimes preuves de nos pères intéressent doublement, ne devait pas rester en arrière des connaissances nécessaires pour apprécier la part de richesses qui lui est confiée; des études préparatoires sont nécessaires.

Dans plusieurs semaines déjà, elles sont faites avec une ardeur qui nous promet une prompte restauration de l’art chrétien, si le zèle des populations correspond à l’intelligence consciencieusement éclairée de leurs pasteurs, qui, non contents de leur prouver la nécessité du culte public, leur enseigneront les moyens de rendre à ce culte son antique majesté et les initieront, autant qu’il conviendra, aux grandes leçons du symbolisme chrétien. Pour atteindre ce but, plusieurs savants ecclésiastiques ont joint leurs ouvrages publiés par MM. de Caumont, L. Batissier, Peyré, etc.

Nous félicitons le jeune clergé de Nîmes d’être initié à des études, que quelques-uns rendront un jour plus profondes, par l’excellent manuel que vient de leur offrir M. l’abbé Gareiso. Son Cours d’Archéologie catholique nous semble remplir merveilleusement les conditions d’une introduction à une science si pleine de charmes, quand on veut s’y livrer avec quelques loisirs.

L’Archéologie, pour lui, est plus qu’un art ou l’étude d’un art; c’est un arsenal de preuves historiques à l’usage des vieilles traditions.

« Des les premiers âges du christianisme, l’art a été appelé à transmettre, comme la parole et l’écriture, les enseignements sublimes du Sauveur; à composer avec le bois, la pierre, les métaux et les couleurs, une grande Bible et un vaste catéchisme à l’usage de tout le monde, du savant et de l’ignorant, du pauvre comme du riche; car tous ont droit à se désaltérer, selon leurs besoins, aux sources limpides de la doctrine catholique.

« Mais présenter l’archéologie chrétienne sous ce point de vue, n’est-ce pas dire que le prêtre qui, par état, est obligé de consumer sa vie entière à méditer et à approfondir les Saintes Ecritures, à nourrir son intelligence et son coeur de la moëlle si substantielle des immortels ouvrages des Pères de l’Eglise, ne saurait convenablement négliger l’étude des monuments des siècles passés, de ces monuments remarquables, qui, par leur symbolisme profond et leur iconographie merveilleuse, ne sont qu’une admirable traduction, aussi fidèle que pittoresque, de l’Ecriture et de la tradition, un témoignage visible, palpable, irrécusable de l’antiquité et de la perpétuité de nos dogmes divins? La chose ne peut être douteuse que pour ceux qui ignorent encore quelles sources abondantes de précieux matériaux l’Archéologie chrétienne offre aux théologiens, pour la défense des doctrines catholiques. Mais qui ne connaît aujourd’hui, au moins parmi les prêtres, le parti admirable que les Mamachi, les Perrone, les Marchi, les Gerbet, les Guéranger, etc. ont su tirer ces antiquités religieuses? »

L’obligation d’étudier les antiquités religieuses a encore d’autres motifs: « D’ailleurs, le prêtre est le gardien intéressé des monuments religieux. C’est lui qui préside communément, sous la haute surveillance de son Evêque, à la construction, aux réparations, à l’ameublement et à la décoration de son église. Comment pourra-t-il le faire d’une manière intelligente et convenable, s’il ne connaît pas même les premiers éléments de l’Archéologie sacrée! Comment, sans le secours de cette science, pourra-t-il comprendre le style, l’âge, la valeur artistique et les richesses archéologiques du vieux temple qu’il dessert? Comment appréciera-t-il, à peu près au moins, la valeur parfois très considérable de certains ornements, de certains meubles, vases sacrés, reliquaires et autres antiquités que renferme peut-être sa vieille sacristie? Ne sera-t-il pas souvent dupe des offres prétendues avantageuses et économiques d’un décorateur nomade et sans talent, ou des roueries lucratives d’un habile brocanteur, qui exploiteront adroitement son ignorance et sa simplicité, aux dépenses des intérêts de sa fabrique ou au détriment de l’art chrétien dans son église? Que de bévues énormes et impardonnables nous sont signalées chaque année, par les Bulletins du Comité des arts, et qui auraient pu être facilement évitées par nos chers confrères, s’ils avaient étudié un peu sérieusement l’Archéologie sacrée!

« Et puis le prêtre n’est-il pas quelquefois obligé de voyager, soit en France, soit à l’étranger? Et alors quel immense intérêt pour lui de pouvoir comprendre, analyser et étudier avec méthode et intelligence les monuments remarquables qu’il rencontre sur son passage? de pouvoir les classer, déterminer leur âge et leur caractère, en saisir tous les rapports avec l’histoire de l’art chrétien, avec l’ordre hiératique de la liturgie, avec les règles du symbolisme catholique, etc.? Négliger donc l’étude de l’Archéologie, ce serait se priver tout à la fois et de précieuses ressources pour la religion et de jouissances aussi nombreuses que variées pour soi-même.

Quant au but que se propose l’auteur, il nous l’expose ainsi lui-même:

« Notre but n’étant que d’étudier l’Archéologie dans ses rapports avec le Christianisme, il ne sera pas question, dans cet ouvrage, de la partie qui traite de l’art profane ou païen. Toutefois, comme plusieurs de nos églises sont construites d’après les règles de l’architecture grecque et romaine, et que, d’ailleurs, nos contrées méridionales extrêmement riches en monuments romains ou gallo-romains, nous donnerons, en commençant, quelques notions abrégées des cinq ordres qui caractérisent cette architecture. Le reste de notre travail sera divisé en quatre parties. Dans la première, nous traiterons de l’architecture monumentale religieuse, à partir du premier siècle de l’ère chrétienne; dans la seconde, de l’ameublement et autres parties accessoires des églises du moyen-âge; dans la troisième, nous donnerons quelques notions sur leur décoration, sur l’iconographie et le symbolisme chrétien; enfin, dans la quatrième, nous exposerons quelques principes pratiques relativement à la construction, aux réparations, à la décoration et à l’ameublement des églises actuelles ».

Les deux premières parties de l’ouvrage seules ont paru; mais le succès déjà obtenu, les encouragements, les éloges qui ont entouré le premier volume, exciteront, nous n’en doutons pas, l’auteur à nous donner bientôt tout ce qu’il a promis.

Nous ne connaissons pas de livre (et ici nous répétons le jugement de personnes plus compétentes que nous) qui puisse, par sa clarté, mieux initier les jeunes à une étude qui semble devenir chaque jour davantage un complément de l’instruction chrétienne.

L'abbé Emm. D'ALZON.
Notes et post-scriptum