ARTICLES

Informations générales
  • TD 6.81
  • ARTICLES
  • REVUE DE L'ENSEIGNEMENT CHRETIEN
    NOUVELLE SERIE
  • Revue de l'Enseignement chrétien, N.S., I, n° 1, mai 1871, p. 5-8.
  • TD 6, P. 81.
Informations détaillées
  • 1 ACTES PONTIFICAUX
    1 ASSOCIATIONS OEUVRES
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 EDUCATION
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 INTOLERANCE
    1 LARGEUR DE VUE APOSTOLIQUE
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 PUBLICATIONS
    1 SAINT-SIEGE
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 ULTRAMONTANISME
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    3 CARTHAGE
    3 FRANCE
    3 PARIS, BELLEVILLE
    3 PRUSSE
    3 ROME
    3 SEDAN
  • mai 1871.
  • Nîmes,
La lettre

Nouvelle série.

Après quinze ans de silence, les rédacteurs de la Revue de l’Enseignement chrétien reprennent leur tâche. Voici pourquoi:

Les malheurs que la France a subis, les ruines qui se sont faites, les reconstructions devenues nécessaires ont obligé les catholiques à réfléchir, à se grouper, à mettre leurs efforts en commun. Une association leur est indispensable pour réclamer tous leurs droits.

Nous reviendrons plus tard sur cette association, mais déjà nous savons quels adversaires s’opposent tout d’abord à nos voeux les plus légitimes.

La plus terrible ennemie de Rome païenne fut Carthage; et le sénat n’eut de repos que lorsque cette rivale, longtemps invincible, eut été réduite en cendres.

Chez nous, la plus grande ennemie de Rome chrétienne, de l’Eglise, c’est l’Université, et c’est pourquoi nous venons jeter le cri: Delenda Carthago.

Peut-être les catholiques eussent-ils été condamnés à tenter de vains efforts contre cette grande dévastatrice de leur foi, si des voix parties des points les plus opposés n’avaient proclamé que Sedan, en tuant l’empire, avait porté un coup mortel à l’Université.

Certes, au milieu des douleurs qui nous accablent, ce nous est encore une consolation de penser que la Prusse, en s’efforçant d’assassiner, la France, qui (grâces à Dieu) ne périra pas, aura contribué du moins à nous débarrasser d’une institution dont les coryphées nous avaient enivrés de ses poisons germaniques.

Delenda Carthago. Il est temps de savoir quels sont les vrais auteurs de nos défaites; d’où venait l’enseignement si affaibli de nos officiers en face de la science incontestable des états-majors prussiens; par quelle formation pédagogique avaient passé ces paysans qui refusaient leur pain à nos soldats, trouvant habile de le réserver pour l’envahisseur; où ont été élevés et ceux qui ont fui si facilement et ceux qui ont vaillamment combattu; quels maîtres ont eu les gens de Belleville et quels maîtres ont eu les marins, les mobiles bretons et les zouaves pontificaux.

Delenda Carthago, Nous avons subi et nous subissons encore, puisque c’est encore légal, des professeurs universitaires vomissant, dans les journaux, ce que nos coeurs catholiques stigmatisent du nom d’impiété. Mais l’Université conservera- t-elle le droit d’imposer à nos enfants de tels hommes pour professeurs?

L’institution qui, depuis soixante ans, a eu successivement des apothéoses et des anathèmes pour tous les régimes, est-elle autre chose qu’une école d’incrédulité sociale? Après une pareille expérience, un gouvernement quelconque peut-il s’y appuyer? Et ne vaut-il pas mieux, puisque les temps présents paraissent incapables d’autre chose, réclamer au moins, pour la majorité catholique des Français, la liberté d’enseignement? Question vitale qu’il est plus que jamais nécessaire d’étudier sous toutes ses faces.

Premier motif de notre réapparition.

Mais il ne suffit pas de renverser, il faut aussi reconstruire. Qui ne sait que la question des Universités libres devient de plus en plus opportune? Plusieurs de NN. SS. les évêques en sont préoccupés: quelques-uns même sont prêts, dit-on; mais que de prêtres, que de catholiques instruits seraient heureux de s’entendre pour combiner les moyens d’utiliser des forces, inoccupées parce qu’elles sont inconnues?

Notre Revue ne fût-elle qu’un modeste bureau de renseignements pour ceux qui, voulant fonder quelque chose, nous demanderaient des collaborateurs, et pour ceux qui désireraient être envoyés u travail, nous nous tiendrions pour satisfaits.

Aujourd’hui on peut espérer plus, si nous faisons appel à tous les hommes convaincus de la nécessité de remplacer, pour les catholiques, l’enseignement universitaire à tous les degrés par l’enseignement chrétien, à tous les degrés aussi.

Pour cela, il faut s’entendre de tous les points de la France. Si d’autres eussent, avant nous, élevé la voix, nous nous serions rattachés à eux avec empressement. Sur quelque point des départements qu’eût retenti leur appel, nous eussions dit: c’est là qu’il faut se grouper; nous sommes de ceux qui, adversaires de la centralisation universitaire, n’aiment guère plus la centralisation parisienne, alors même que nous nous voyons trop souvent condamnés à la subir.

Pour atteindre notre but, il faut un programme. Rien de plus simple que de le formuler: nous n’en avons pas d’autre que la doctrine de l’Eglise sur toutes les questions dogmatiques, morales, sociales qu’elle a tranchées. Dans ces derniers temps, les lumières apportées par le Syllabus et le Concile du Vatican ne laissent aucun nuage pour la conscience de tout loyal catholique.

Si nous sommes inflexibles sur le fond inébranlable de la foi, nous appelons la plus grande liberté de discussion sur les moyens de donner l’enseignement à tous les degrés, sous la direction et selon les intentions de notre mère l’Eglise. Quant aux questions de méthodes anciennes à conserver ou à ressusciter, de méthodes nouvelles à inaugurer, nous provoquerons les discussions les plus approfondies. Nous réclamons même certaines contradictions, afin de porter le jour sur les points encore obscurs.

En commençant notre Revue ne paraîtra que tous les mois. S’il était nécessaire, nous multiplierions les numéros; aucun sacrifice à cet égard ne nous coûterait. Le temps seul nous apprendra ce qu’il y a de mieux à faire.

Combattre l’Université, la renverser, si faire se peut, par les moyens que fournit la loi;

Aider à la fondation des universités catholiques;

Offrir un centre d’actions et de correspondances, soit privées, soit publiques, à ceux qui veulent s’occuper de cette immense question;

Prendre pour un point de départ l’enseignement de l’Eglise; pour appui, la direction de Rome et de NN. SS. les évêques qui voudront bien nous bénir;

Quant au choix des moyens, exciter toutes les propositions utiles à se produire, et, au sujet de ces propositions diverses, provoquer des correspondances, des objections, de pacifiques controverses:

Telle est la pensée qui a inspiré la réapparition de la Revue de l’Enseignement chrétien. Si elle est comprise, les chefs des établissements catholiques de la Ligue de l’Est, qui naguère réclamaient avec tant d’énergie la liberté de l’enseignement supérieur, nous prêterons un efficace concours; nous le leur demandons, nous le demandons surtout à ceux que les malheurs de la France auraient séparés pour un temps de la mère-patrie et que, malgré l’odieuse tyrannie du vainqueur, nous considérerons toujours comme des frères.

EMMANUEL D'ALZON, Des Augustins de l'Assomption.
Notes et post-scriptum