ARTICLES

Informations générales
  • TD 6.170
  • ARTICLES
  • NOS SOUHAITS DE BONNE ANNEE AUX LECTEURS DE LA REVUE.
  • Revue de l'Enseignement chrétien, N. S., IV, n° 21, janvier 1873, p. 241-245.
  • TD 6, P. 170.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ATHEISME
    1 CONGRES DE L'ENSEIGNEMENT LIBRE
    1 ECOLES
    1 ELECTION
    1 ENGAGEMENT APOSTOLIQUE DES LAICS
    1 INSTITUTIONS POLITIQUES
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LEGISLATION
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 LIBRE PENSEE
    1 MAITRES
    1 NATURALISME
    1 NEUVAINES DE PRIERES ET DE PENITENCES
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGANISATION SCOLAIRE
    1 PELERINAGES
    1 PRIERES PUBLIQUES
    1 PROFESSEURS D'UNIVERSITE
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    1 SCEPTICISME
    1 SOUSCRIPTION
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
  • janvier 1873.
  • Nîmes
La lettre

Que sera pour la conquête de la liberté d’Enseignement l’année 1873? -Ce que voudront les catholiques, mais ce qu’ils voudront énergiquement. Et nous souhaitons aux lecteurs de la Revue de l’Enseignement chrétien de se bien pénétrer de cette vérité, qu’après tout cette liberté sera ce qu’ils voudront avec énergie.

Les souvenirs du Congrès sont là pour justifier notre affirmation. Qui eût espéré que cette convocation réunirait près de 350 membres, autorisés par leur mission, leur position, leurs travaux, a s’associer dans un but commun? Il faut davantage, et ce qui nous reste à conquérir sera conquis, si nous agissons résolument.

Je me permets d’indiquer quelques moyens, sans exclure les autres qui pourront être proposés par tous les hommes qui ont à coeur de favoriser la revendication de nos droits en général, et en particulier du droit à l’expansion de la vérité.

Nous souhaitons à nos lecteurs d’organiser des prières, et surtout des prières publiques, des comités d’action, sur tous les points de la France, des souscriptions nombreuses et abondantes, enfin de préparer le Congrès futur, qui continuera l’oeuvre si importante du premier.

Les prières publiques. -Si jamais la lutte entre la foi et la pensée, non pas libre, mais esclave de l’incrédulité, a été manifeste dans sa terrible grandeur, certes c’est bien aujourd’hui. Les libres penseurs ont leurs armes. La libre pensée, mère des libres passions, trouva dans ses tristes filles d’épouvantables auxiliaires, et nous savons jusqu’où des alliées de cette espèce peuvent aller. Puissantes surtout par l’égoïsme, se croyant tout permis, elles osent tout, et leur audace sans pudeur est une des grandes causes de leurs succès politiques et autres. C’est la guerre à mort contre le monde surnaturel, dans tous les ordres de la pensée et de l’action humaine, avec une habileté et une fureur parfaitement combinées.

Mais, nous aussi, nous avons nos armes; et ces armes, si nous voulons les employer, auront une portée immense; le monde surnaturel est pour ainsi dire à nos ordres; les saints, les anges, Dieu lui-même nous offrent leur concours. Il suffit de le demander par la prière, mais surtout par la prière publique. La société est devenue païenne et césarienne, incrédule. Le scepticisme philosophique, passé à l’état de scepticisme social, la fait chanceler sur ses bases; il faut lui rendre sa solidité vitale. Et ce qui a été fait est un encouragement pour ce qui se fera, si on le veut bien. Est-ce que les catholiques ne sentent pas, d’un bout de la France à l’autre, qu’ils commencent à être exaucés. Est-ce que les pèlerinages de l’été et de l’automne n’ont porté aucun fruit? Est-ce que ces neuvaines de novembre, scandales et afflictions pour plusieurs, n’ont pas créé d’utiles et incontestables courants? Est-ce que le pressentiment d’une résurrection à la vie chrétienne n’apparaît pas comme une joie et une espérance pour les uns, et comme un sujet d’irritation et de fureur pour les autres? -Qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre est frappé du résultat des prières offertes à la justice divine prête à frapper. Il s’agit de prier encore plus et de multiplier ces actes publics destinés à purifier l’atmosphère politique et sociale, empestée par le blasphème et le sacrilège de nos discours, de nos moeurs, et de quelques-unes de nos lois. Sachons recourir à la prière sur toutes ses formes, si belles, si multiples, si puissantes. Nous ne tenons point à telle ou telle forme; toutes sont parfaites, pourvu qu’elles aient les vraies conditions de la prière. On nous a accusés bien à tort d’un monopole dont nous avons horreur. Nous sommes prêts à aider, selon la mesure de nos forces, toute tentative d’oeuvre pieuse destinée à obtenir de Dieu qu’il pousse nos législateurs à nous donner la mesure de liberté la plus convenable à l’enseignement catholique.

Des comités d’action. -Il n’en faut pas un, mais autant que la France compte de centres de quelque importance. Que ces comités s’occupent de la fondation d’écoles primaires, de collèges, d’écoles commerciales, pourquoi pas? Nous appelons l’attention de nos lecteurs sur cette dernière catégorie d’établissements, destinés à préparer un nombre considérable d’hommes, par qui la France sera nécessairement gouvernée un peu plus tôt, un peu plus tard, s’il est vrai que l’élément démocratique tende à se développer de plus en plus. Que ces écoles soient confiées à des congrégations, rien de mieux; mais, parce qu’elles seraient livrées à des laïcs, est-ce une raison pour ne pas y faire pénétrer l’élément religieux? Tout cela veut de sérieuses études, des travaux incessants, des observations de tous les jours. Et puis, quelle influence n’y a-t-il pas à exercer dans les élections à tous les degrés, pour obtenir que les Conseils municipaux, généraux, que les assemblées législatives nous accordent tout ce à quoi nous avons un incontestable droit? A eux de préparer des pétitions pour la liberté d’Enseignement, et de les faire signer. On en a déjà présenté un grand nombre; ce n’est pas assez. Il faut beaucoup plus de signatures. En face des pétitions démagogiques pour l’Enseignement laïc et obligatoire, tout catholique doit être pétitionnaire pour la vérité.

Ces comités n’auraient-ils pas matière à un ample travail, s’ils organisaient des cours populaires et autres, dont la politique serait exclue, mais où la religion serait vengée, les vérités sociales affirmées, les causes de nos catastrophes signalées, les erreurs les plus répandues réfutées? On ne se contente plus aujourd’hui de la presse pour pervertir le peuple, la parole y est aussi profanée. Il faut plus que jamais se servir de la parole comme instrument de propagande chrétienne. Les cours auront de plus une autre grande utilité, s’ils fournissent à des hommes d’études l’occasion de parler au public et de se préparer pour plus tard à un autre auditoire, celui de nos universités libres.

Des souscriptions. Quand la loi sur l’Enseignement secondaire fut promulguée, on laissa à l’initiative individuelle d’ouvrir les établissements libres, et cela se conçoit. Il était facile de prévoir, par une certaine expérience, que les fonds nécessaires seraient trouvés; et, quand même quelques essais malheureux seraient tentés, on pouvait croire que peu à peu l’influence chrétienne lutterait victorieusement contre l’influence universitaire. C’est ce qui a eu lieu; c’est ce qui se manifestera bien autrement, quand la liberté à tous les degrés sera accordée, et que le couronnement des études classiques pourra être obtenu dans des universités libres.

Mais la fondation de ces universités est chose bien autrement grave. Il faut un plus grand nombre d’hommes, ces hommes doivent être rétribués selon leur valeur personnelle, au moins dans une certaine proportion. Des capitaux sont nécessaires, et il importe que des souscriptions aident à les trouver. Nous signalons la nécessité d’un travail préparatoire, il n’est pas trop tôt d’y réfléchir pour savoir par quels moyens seront trouvés les fonds indispensables à ce qu’il faudra faire.

Enfin, des sujets de discussion pour le futur Congrès. -La Revue ne peut rien préjuger, elle n’a la prétention d’être, dans tous ces travaux, qu’un humble pionnier, mais que de questions à traiter!

Les questions intérieures; -à quoi se rapportent les recherches à faire pour obtenir des maîtres capables, les indications utiles pour les trouver, depuis le professeur de l’Université jusqu’au plus humble surveillant. -Puis les programmes universitaires qui nous seront propres. Point capital, si nous voulons secouer le joug de l’Université légale; et, comme condition de ces programmes, classification des sciences qui seront du ressort de notre enseignement. Enfin, plan d’organisation des futures universités. Que de travaux, que de discussions préparatoires un pareil plan n’implique-t-il pas?

Nous souhaitons à nos lecteurs de s’en occuper au plus tôt. S’ils veulent se communiquer le fruit de leurs expériences ou de leurs réflexions, les pages de la Revue leur sont offertes. Même après plusieurs mois d’un échange cordial d’idées, les travaux du futur Congrès seront encore immenses, si nous ne voulons pas marcher à l’aventure et bâtir sur un sable incertain.

E. D'ALZON
Notes et post-scriptum