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Informations générales
  • TD 6.288
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  • ETUDES AU POINT DE VUE COMPARATIF DE L'ETAT ACTUEL DE LA SCIENCE ET DU RECIT COSMOGONIQUE DE MOISE, PAR M. DE MARIN DE CARAURAIS
  • Revue de l'Enseignement chrétien, N. S., X, n° 56, décembre 1875, p. 170-173.
  • TD 6, P. 288
Informations détaillées
  • 1 ANCIEN TESTAMENT
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CREATEUR
    1 CREATURES
    1 DOGME
    1 ECRITURE SAINTE
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 INSPIRATION BIBLIQUE
    1 MONDE CREE
    1 PANTHEISME
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 REVELATION
    2 ARISTARQUE
    2 GALILEE
    2 MARIN DE CARAURAIS
    2 MOIGNO, FRANCOIS
    2 MOISE
    2 NEWTON, ISAAC
  • décembre 1875.
  • Nîmes
La lettre

Voici un aveugle qui vient parler couleurs, un ignorant qui vient parler science. Je crois pourtant en savoir assez pour avoir le droit de témoigner, sauf quelques restrictions très-légères, mon admiration pour le livre de M. de Marin de Caraurais, et motiver mon admiration.

Dieu, l’univers, l’homme, tel est son cadre qu’il remplit par un commentaire sur les premiers chapitres de la Genèse.

Partant de ce principe, que tout fait a une cause, il remonte de cause en cause jusqu’à la cause première, qui est sa cause à elle-même, qui est Dieu, il donne la preuve a posteriori de cette existence infinie. Comme au-delà de Dieu il n’y a rien, impossible de donner de Dieu une preuve autre que les créatures, preuve infime en elle-même, mais la seule que dans l’ordre naturel la raison puisse porter. L’auteur a-t-il suffisamment démontré, non pas comment tout fait supposant une cause, il faut remonter à une cause première, mais comment tout fait supposant une cause, il faut remonter à une cause première, mais comment d’une série de faits et de causes finies on peut remonter à une cause infinie, c’est ce que je ne saurai affirmer. Il y a dans ce passage du fini à l’infini quelque chose qui me trouble et que je ne saisis pas suffisamment dans l’argumentation de l’auteur. A ce point je désirerais un peu plus de lumière. Peut-être n’ai-je pas suffisamment suivi la chaîne du raisonnement, et alors faut-il seulement accuser l’infirmité de mon intelligence, mais j’avoue que je n’ai pas vu suffisamment clair; c’est peut- être seulement affaire de rédaction, [qui sera] un peu plus développée dans une édition prochaine. Cela dit, je conjure les jeunes gens qui après leurs études classiques, veulent se livrer à des travaux sérieux sur les sciences naturelles, de prendre M. de Marin pour guide. Sauf la lacune signalée, tout est à méditer sur la manière dont il prouve Dieu par les créatures, et il est difficile de donner un plus beau commentaire de la constitution de dernier Concile sur les rapports de la foi et de la raison.

L’existence de Dieu prouvée, il faut prouver qu’il est créateur, et réfuter l’erreur admise si généralement dans l’humanité avant Jésus-Christ, sauf par le peuple de Dieu que la matière était éternelle, ce qui aboutissait au dualisme ou au panthéisme dans toutes leurs monstruosités.

Mais quand on arrive à l’explication des actes divers par lesquelles Dieu, après avoir créé la première matière,l’a ordonnée, divisée, organisée, les objections surgissent, les systèmes se croisent, et il est difficile de voir clair dans les diverses applications, contradictoires si souvent, que les savants donnent au nom de la science.

Deux règles sont à poser, la première que si Dieu a parlé, le meilleur est de suivre pas à pas la parole de Dieu. Oui, sans doute, mais comment? Il ne s’agit pas des ennemis de la révélation, il s’agit de fils soumis aux décisions de l’Eglise, et dont les solutions diverses sont opposées les unes aux autres.

Rien de plus sage que le principe établi par l’auteur des Origines. Sauf les affirmations bibliques, dans les sciences naturelles, la prudence ne permet de procéder que par hypothèse. C’était ce que l’Inquisition demandait à Galilée, autant que j’ai pu comprendre quelque chose à l’histoire de l’astronome florentin si embrouillée par l’incrédulité.

Et, en effet, que de faits crus irréfutables pour la science d’autrefois, réfutés à leur tour par la science moderne. M. l’abbé Moigno dans ses Mondes, ne nous disait-il pas l’autre jour que la gravitation et ses lois telles que Newton l’avait inventée, branlait terriblement au manche. On perfectionne tout cela, et de perfectionnement en perfectionnement, tout cela finit par être complètement changé.

La conclusion est évidente: c’est que des systèmes bâtis sur des hypothèses sont hypothétiques, et que les objections qu’on en tirerait seraient hypothétiques elles-mêmes. La controverse se réduit à ceci, supposé que j’ai raison, comment répondez-vous à mon raisonnement? -J’y réponds en vous promettant de m’en occuper, quand vous aurez prouvé que vos prémisses sont certaines.

Or, le spectacle de toutes les montagnes d’arguments écroulées comme des châteaux de cartes, est une preuve négative, sans doute, mais une preuve préparatoire bien puissante en faveur de l’immutabilité du dogme catholique. On entasse inventions sur inventions, progrès sur progrès. Les découvertes modernes ont pulvérisé le récit biblique sur la création; puis étant donnée la liberté d’interprétation laissée par l’Eglise à propos de certains faits, les savants modernes d’il y a un siècle, cinquante, vingt-cinq ans, se trouvent démolis par les savants modernes d’aujourd’hui, en attendant que ceux-ci le soient à leur tour par les savants modernes de la semaine prochaine ou de l’an prochain. Et vive la science moderne dans ses attaques contre la foi. O tour de Babel! La vue de toutes ces lueurs menteuses se résolvant en ténèbres est triste, elle est aussi bien consolante. Après tous ces assauts donnés à la révélation, quand la fumée du combat est dissipée par un souffle salutaire, on voit la masse biblique rester debout dans sa vieille majesté, on l’a attaquée, on l’attaque, on l’attaquera. Manet in aeternum.

Or, si la Bible se trouve successivement justifiée de tous les reproches qu’on élève contre tous ses récits primitifs, étant donné l’esprit investigateur de l’homme, n’est-il pas intéressant pour la science chrétienne d’opposer recherches à recherches, études à études, pour élucider les récits des premiers jours? Plusieurs explications pourront être fautives, comme des explications antérieures l’ont été, mais il en résultera, sinon la certitude scientifique, au moins la preuve évidente qu’aucun effort humain ne peut ébranler la parole de Dieu sur l’origine de l’univers.

Maintenant que certaines intelligences aient un invincible attrait pour fouiller le sein de la terre et les entrailles de la nature, pourquoi pas? Pourvu qu’au fond elles reconnaissent le Dieu personnel créateur, distinct essentiellement des autres êtres? Certes (l’opinion de) ceux qui ont dit parce que Dieu est un être et que les créatures sont des êtres, on peut raisonner de Dieu comme des créatures, ont professé une erreur basée sur une vérité, mais cette erreur n’est malheureusement pas assez signalée à une foule de bons esprits qui tombent par l’assimilation fausse de l’idée des deux êtres, l’être divin et l’être créé, dans les erreurs que cette confusion finit par produire.

Notre intention n’est pas de suivre M. de Marin dans son explication de l’oeuvre des six jours, il expose les systèmes qui fournissent à ses yeux la solution aux objections de la science moderne, et nous invitons les esprits légitimement curieux des problèmes de la nature, de le prendre pour guide, alors même qu’ils n’accepteraient pas toutes ses données.

Lui-même, on nous l’a dit, s’attend à ce que des découvertes nouvelles fournissent de nouvelles solutions, et peut-être des objections nouvelles. Pour nous, ce qui ressort de ces travaux si consciencieux et toujours à recommencer, c’est la vérité plus manifeste de cette parole du Saint-Esprit: Mundum tradidit disputationi eorum. Entassez les systèmes contre le récit biblique, ils semblent d’un poids écrasant, et voilà que tel fait inaperçu jusqu’alors, tout à coup constaté, souffle sur vos théories et renverse vos châteaux de cartes.

Je parlerai peu de ce qui a été dit sur l’homme; la partie philosophique est naturellement très abrégée, et peut-être trop. Peut-être est-il préférable d’abréger plus encore. Peut-être M. de Marin a-t-il donné la mesure de ce que certains esprits charmés par les études des sciences naturelles, peuvent produire de philosophie, ce qu’il dit nous semble très juste. Parviendra-t-il à éviter la critique de certains raisonneurs incapables de formuler un ensemble d’idées, mais très aptes à faire jaillir des objections d’une pointe d’aiguille? Je n’en sais rien. En tout cas, M. de Marin se consolera s’il trouve sur sa route cette espèce d’Aristarques d’autant plus aigres qu’ils sont plus inféconds et soulevant plus de difficultés, à mesure qu’ils comprennent moins ce qu’ils attaquent. Quant aux gens de bon sens, ils remercieront l’auteur des Origines de leur avoir fourni la jouissance de lire un beau livre et d’avoir ajouté une nouvelle apologie de la Genèse dans les explications qu’il nous donne.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum