ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.97
  • ARTICLES
  • AUX LECTEURS DE LA REVUE
  • Revue des Bibliothèques Paroissiales et des faits religieux de la Province Ecclesiastique d'Avignon, III, Nº 1, janvier 1853, p. 3-10.
  • TD 7, P. 97.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 ARCHEOLOGIE CHRETIENNE
    1 BEAU LITTERAIRE
    1 BON EXEMPLE
    1 CLERGE
    1 CONCILE PROVINCIAL
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 JURIDICTION EPISCOPALE
    1 LECTURE DE LA VIE DES SAINTS
    1 LIVRES
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 POLEMIQUE
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 RESTAURATION DES MOEURS CHRETIENNES
    1 SAINT-SIEGE
    1 THEOLOGIE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    3 ALLEMAGNE
    3 ANGLETERRE
    3 AVIGNON
    3 FRANCE
    3 MIDI
    3 PARIS
  • janvier, 1853.
  • Avignon
La lettre

AUX LECTEURS DE LA REVUE (1)

Un des génies les plus profonds des temps modernes, M. de Maistre, fait observer que le propre de toute oeuvre durable est d’avoir de petits commencements. Cette condition, la Revue des Bibliothèques paroissiales l’a certainement remplie, et nous voulons y voir une garantie d’avenir pour une publication destinée, ce semble, à produire les plus heureux résultats dès qu’elle aura atteint ses légitimes développements.

Aussi bien, les circonstances paraissent aujourd’hui la favoriser. Les journaux dont l’ardente polémique préoccupait si vivement, il y a un an à peine, les esprits, perdent tous les jours de leur intérêt. Le Moniteur suffira bientôt pour donner les nouvelles. Sans vouloir examiner si le silence est un bien ou un mal, nous constaterons seulement que le besoin d’activité propre à l’esprit français, doit prendre une autre direction. On fera un peu moins de polémique de parti, mais on voudra toujours faire de la polémique; le combat changera de terrain, et de la politique, il passera à la littérature, aux sciences, à la philosophie, à la religion. Enfin, il faudra bien que l’on s’occupe de quelque chose.

Sous ce rapport, et pour satisfaire à l’invincible besoin d’être préoccupé d’un ordre d’idées quelconque, notre modeste ;Revue nous semble offrir de précieux avantages. Nous savons, il est vrai, qu’elle n’a point tous ceux des publications de ce genre établies au centre de la France. Paris a sous ce rapport des privilèges incontestables et exclusifs; mais nous croyons aussi, nous, avoir les nôtres. Paris est un foyer de science dont le rayonnement s’étend jusqu’aux extrémités du pays. Mais aussi, tout ce qui n’est pas Paris subit une sorte d’infériorité dont on commence à se fatiguer en province. De Paris ne peuvent partir que les publications qui ont un but général. Or, n’est-il pas à désirer de voir se former dans les départements d’autres centres où puissent être traités plus à fond certains problèmes qui, pour être moins généraux, n’en intéressent que plus les populations?

Et qu’on ne se méprenne point sur notre pensée: il ne s’agit point pour nous d’aborder les questions d’intérêt matériel. En dehors de celles-là, il en est une foule encore toutes palpitantes pour certains départements ou certains diocèses, et ce sont celles-là surtout dont nous voulons parler. Sous ce rapport, la Revue des Bibliothèques paroissiales ose prétendre à une réelle utilité. Pourquoi n’exercerait-elle pas dans le Midi de la France une influence semblable à celles qu’obtiennent des publications pareilles en Angleterre ou en Allemagne? Les esprits de nos contrées sont-ils moins capables de prendre coeur aux luttes littéraires, philosophiques ou religieuses, que ne le sont les froids habitants du Nord? Y aurait-il vraiment dans la légèreté de nos esprits d’insurmontables obstacles à s’occuper avec quelque persévérance de tout ce qui est sérieux, de tout ce qui tend à faire monter le niveau des intelligences? Cette supposition, nous ne pouvons l’accepter pour le Clergé de la province d’Avignon, et jusqu’à preuve palpable du contraire, nous persisterons à dire qu’elle est évidemment fausse. Aussi attribuons-nous à une toute autre cause certaines observations faites sur la Revue, et dont nous sommes résolus à tenir très-grand compte.

Quelques personnes se sont plaint de ce que la Revue semblait réduite au seul concours donné par les habitants de la ville où elle s’imprime. Nous ne pensons pas que ce puisse être un reproche à faire à ses anciens rédacteurs. Ils ont assez souvent fait appel à la bonne volonté de leurs confrères des autres diocèses pour être pleinement justifiés. Pourquoi cet appel a-t-il été si rarement entendu? Quel qu’en soit le motif, nous pouvons assurer qu’il n’en sera plus ainsi désormais. Plusieurs ecclésiastiques ont promis un appui sérieux et actif, et se sont partagé à l’avance les matières à traiter; même un certain nombre d’articles est déjà rédigé, afin que désormais la Revue, quoiqu’avec des proportions plus considérables, ne souffre aucun retard dans sa publication.

Mais, hâtons-nous de le déclarer dans toute la sincérité de notre âme, la collaboration des hommes qui sont venus se joindre à nous, quelque précieuse qu’elle soit, ne saurait nous suffire. Il nous faut encore plus: il faut que la Revue soit l’oeuvre de tout le clergé de notre Province ecclésiastique. Nous ne pouvons renoncer à y voir un lien précieux destiné à unir tous les membres de cette famille hiérarchique, et puisque l’oeuvre des Bibliothèques paroissiales, dont la Revue n’est qu’un rameau, a grandi sous la bénédiction des Pères du Concile d’Avignon, pourquoi, forts d’une protection si haute, nous lasserions- nous de faire appel, jusqu’à ce qu’on nous réponde, à tous ceux qui comprennent de quelle importance il est pour le clergé de marcher toujours comme un seul homme sous l’empire de pensées communes et de communs sentiments? Le moyen que nous proposons ici n’est sans doute pas indispensable, mais qui oserait en contester l’utilité, surtout quand il est encouragé si puissamment par le Pontife que sa position appelle à exercer une haute influence sur les cinq diocèses auxquels nous nous adressons plus spécialement?

Qui n’est frappé aujourd’hui de la dislocation universelle des sociétés? Tout tend à se disjoindre, et l’on espère, en s’individualisant, acquérir une nouvelle vie, comme le polype, par des morcellements nouveaux. Ce mal des sociétés modernes, la société spirituelle en avait subi en quelque sorte les affreuses conséquences, et les tentations de l’esprit parlementaire, pour nous isoler entre nous, semblaient avoir obtenu de funestes succès. Heureusement ces rapports entre le centre de l’unité catholique et les évêques, que les gouvernements passés avaient tendu à affaiblir par tant de moyens, deviennent tous les jours plus nombreux. Pourquoi ce travail de régénération qui s’opère et pousse vers le centre de l’unité catholique, ne le reproduirions-nous pas d’une manière analogue pour les provinces ecclésiastiques? Ce serait là un des plus beaux fruits des conciles particuliers, où l’autorité des évêques, fortifiée par la solennité même de leurs actes, se dépouille de l’apparence d’arbitraire que quelques mauvais esprits lui reprochent, se manifeste dans tout ce que l’union lui donne de force, et ne laisse aucune excuse à une indépendance coupable.

En effet, quelle puissance n’acquièrent pas ces décrets collectifs par lesquels plusieurs Pontifes s’engagent solidairement à faire respecter les lois qu’ils promulguent, après les avoir fait revêtir de la plus haute de toutes les sanction? Ce merveilleux travail vers l’unité, opéré par la tenue des conciles, tous ne l’ont pas compris encore, mais tous, espérons-le, le comprendront bientôt, et il faudra vouloir fermer obstinément les yeux à la lumière pour refuser d’en reconnaître les féconde résultats.

Mais tandis que nos chefs et nos pères se fortifient en s’unissant, et retrempent leur autorité par l’hommage qu’ils en font à la chaire de Saint Pierre, au moment même où ils l’exercent de la manière la plus haute, pourquoi, nous pénétrant de leur esprit, et sous leur protection, n’essaierions-nous pas, dans un ordre inférieur, un travail semblable quant au but, quoique différent dans les moyens? Aux évêques appartient le droit de prononcer avec autorité, à nous de commenter leurs actes pour en expliquer aux peuples toute la sagesse. Or, qui ne voit l’avantage d’explications communes et d’uniformes commentaires? Si donc l’on nous demande quel but nous nous proposons dans la Revue, quel en sera l’esprit, nous répondrons sans hésiter: L’esprit de nos conciles; et quant au but, nous n’en avons point d’autre que d’inspirer un amour toujours plus grand pour l’unité catholique.

Entrons dans quelques détails sur les divers développements que nous donnerons désormais à notre publication. Il importe de bien se persuader d’abord que les Bibliothèques paroissiales et la Revue ne sont qu’une seule et même oeuvre et se prétent un mutuel concours. Seulement, les Bibliothèques sont plus particulièrement destinées aux fidèles; la Revue s’adresse au clergé et aux Chrétiens plus instruits. Nous conjurons donc les personnes qui se plaignent des limites dans lesquelles on a restreint le choix des livres, de se rappeler la classe de lecteurs auxquels ils doivent être plus particulièrement distribués. La Revue, au contraire, se propose de tenir MM. les Ecclésiastiques au courant des questions qui peuvent les intéresser en dehors du monde politique. On sent tout de suite qu’il n’est plus nécessaire d’une publication quotidienne, du moment qu’on n’y cherche pas les nouvelles du jour. Comme aussi le cadre d’une seule feuille d’impression était trop restreint pour aborder des matières qui n’ont d’intérêt qu’autant qu’on les traite avec un certain développement, au lieu d’une seule feuille, la Revue en aura désormais deux, qui représenteront environ 48 pages in-octavo. Douze à peu près seront réservées aux Bibliothèques paroissiales; les autres seront consacrées à des articles plus développés sur les questions dont le clergé aime à s’occuper plus généralement.

Plusieurs savants ecclésiastiques, qui ont été ou qui sont encore Directeurs de Séminaires, nous ont promis des articles de théologie; le concours de divers professeurs employés dans des établissements libres, nous garantit d’excellents travaux sur l’histoire, la philosophie, la critique littéraire; nous nous occuperons également de la grande question de la charité chrétienne. On comprend qu’en face des attaques de la philanthropie et du socialisme, cette question soulève une intéressante controverse, et nous nous proposons de la traiter à fond.

L’on nous a promis également quelques études sur les monuments religieux du midi de la France. Ces travaux, auxquels le clergé prend chaque jour une plus grande part, ont une utilité immédiate, puisqu’ils arrêtent bien des mutilations déplorables, aident à d’intelligentes restaurations, occupent les loisirs du clergé des campagnes, et permettent d’espérer que si la paix qui nous est faite nous laisse le temps d’élever des monuments religieux, nous aurons le droit d’y prier dans des églises vraiment chrétiennes, et nous ne serons plus condamnés à fléchir le genou dans de vrais temples païens.

Nous permettra-t-on d’inviter nos lecteurs à nous fournir tous les renseignements possibles sur un ordre de développement qui nous semble plein d’attraits? Quelle est la ville, quel est le village même, où la tradition n’ait pas conservé le souvenir d’une vie pure et sainte, et complètement ignorée cependant, en dehors du sol obscur où elle s’est écoulée? C »est un jeune ouvrier qui s’est maintenu toujours à l’abri des passions; c’est une mère de famille dont les épreuves n’ont point troublé l’esprit de foi, n’ont point ébranlé la forte piété; c’est un homme dans la vigueur de l’âge qui, frappé tout à coup par la grâce, fait succéder, et pour toujours, à un long enchaînement de désordres, l’énergie d’un retour sincère, et l’exemple persévérant de vertus outragées par lui jusqu’alors.

Ces faits, et d’autres semblables, recueillis avec empressement dans la Revue, s’adresseront à une double classe de lecteurs, et aux abonnés des Bibliothèques paroissiales, et à MM. les Curés, qui pourront quelquefois les citer avec fruit dans leurs catéchismes et leurs instructions familières.

Nous lisions, il y a quelques années, dans le prospectus d’un journal religieux la proposition faite par l’un de nos premiers écrivains, de remplacer par des vies de Saints les abominables feuilletons qui ont si puissamment contribué à pervertir la France. Cette idée, d’une exécution difficile, ce nous semble, pour une feuille quotidienne, nous paraîtrait d’une application heureuse à un recueil comme le nôtre. Le choix des lecteurs rendrait plus utiles ces sortes d’essais, et nous serions très-heureux si, parmi ceux qui nous portent quelque intérêt, il s’en trouvait qui voulussent bien prendre la plume pour publier les actes de quelques serviteurs de Dieu peu connus.

Mais, encore une fois, nos efforts seraient peu de chose, si le clergé de toute la Province ecclésiastique d’Avignon ne faisant de la Revue des Bibliothèques son oeuvre, et ne lui assurait une efficace protection. Le succès matériel est assuré; des mesures sont prises à cet égard, et ce n’est pas, qu’on le sache bien, le côté qui nous préoccupe.

La Revue subsistera malgré quelques oppositions et quelques défiances, comme en doit rencontrer toute oeuvre qui vient de Dieu. Ces défiances, ces oppositions sont respectables, aussi ne les combattrons-nous pas. Nous laisserons au temps le soin de les dissiper. Pour nous, nous croirons avoir fait ici quelque bien, si nous avons pu former dans le midi un lien nouveau pour les membres su sacerdoce, un moyen puissant de fraternelles communications, et concouru, sous l’oeil d’une autorité bienveillante, à donner une impulsion plus active aux dispositions providentielles qui tendent à retremper le clergé, les catholiques sincères, dans des pensées de science et de zèle, et dans un amour plus grand de l’unité catholique.

L'ABBE d'ALZON, Vic. général de Nîmes.
Notes et post-scriptum
1. Quoique la quantité des matières soit doublée le prix de l'abonnement ne sera que très-légèrement augmenté, et de 3 francs porté à 4 dans l'étendue de la Province ecclésiastique d'Avignon, et 5 francs en dehors de la Province.