ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.15
  • ARTICLES
  • MEMOIRES D'UN ANCIEN DE LA VIEILLE ASSOMPTION
    CHAPITRE V
  • L'Assomption, I, n° 7, 1 avril 1875, p. 53-54
  • TD 7, P. 15-17; CO 246.
Informations détaillées
  • 1 CALOMNIE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 MAITRES
    2 BISMARCK, OTTO VON
  • 1 avril 1875.
  • Nîmes
La lettre

Il s’est écoulé bien du monde par cette porte de l’Assomption, et il me serait difficile de me rappeler les noms de tous les maîtres que j’y ai vus. Il faut bien dire que cette fondation, entièrement sui generis, avait un charme très-grand, mais qu’elle imposait certains sacrifices. Or, on en voulait les agréments, on n’en voulait pas les charges. Que de professeurs, ne pouvant y vivre, revenaient, après l’avoir quittée, avouer que rien ne vaut l’Assomption! Pourquoi donc l’avez-vous abandonnée? Ah! pourquoi? Tous ne disaient pas la vraie raison; c’est que peut-être on les avait remerciés, parce qu’ils ne savaient pas tenir leurs classes ou pour d’autres motifs. Alors, il fallait trouver des prétextes. J’en sais que se plaignaient qu’on ne les payait pas; quand on vérifiait, l’accusation se trouvait fausse, mais on avait trouvé une explication. Quelquefois je me suis demandé s’il ne serait pas bon d’afficher au parloir le motif pour lequel on s’est, dans le passé, débarrassée de certaines gens. Peut-être, seraient- ils peu satisfaits, mais cela leur éviterait la peine de recourir aux plus incroyables inventions.

Je demande la permission de raconter une histoire arrivée à un de mes amis intimes, directeur d’un établissement dans un département voisin. Il apprend que l’on dit beaucoup de mal de son collège; il remonte à la source et trouve que le calomniateur est un habitant de L… « Monsieur, va-t-il lui dire, comment savez-vous que ma maison va mal? -Monsieur, je le sais par telle personne de Nîmes ». (Je connais force Nimois dont la langue semble trempée dans du verjus.) Le vénérable principal part pour Nîmes, va trouver l’individu désigné et renouvelle sa question; l’autre lui nomme un Vicaire de M…, à une ou deux lieues de Nîmes. Troisième visite à M. -« Monsieur l’abbé, vous avez dit à M. que ma maison allait mal, d’où le savez-vous? » Le vicaire, embarrassé, finit par avouer qu’il l’avait supposé. « Monsieur l’abbé, vous mériteriez d’être traduit en police correctionnelle et je vais examiner ce que j’ai à faire ». En général, les dénonciateurs sont lâches et disposés à nier leurs turpitudes. Le pauvre vicaire se trouble, s’embrouille, fait des excuses. Le principal se retire et écrit à peu près en ces termes: « Monsieur l’abbé, je pourrais bien vous traiter sévèrement; mais, si vous n’êtes pas trop respectable, je veux respecter votre soutane; je me contente de vous administrer le plus rude châtiment qu’un laïc puisse infliger à un prêtre: je vous pardonne ». Peut- être si, à l’Assomption, on eût procédé ainsi, on eût évité bien des tripotages; il est à regretter que l’invincible mépris que, dans cette maison, on éprouve pour les calomniateurs, ait empêché d’avoir plus souvent recours aux procédés de ce cher principal. Mais que voulez-vous? S’il est arrivé d’écrire à quelqu’un, c’est qu’on avait pour lui un reste d’estime, et devant certaines réponses par trop casuistiques, on s’est souvent senti désarmé par la pieuse poltronnerie qui s’abritait derrière des dénégations qui n’en étaient pas.

Mais c’est trop longtemps s’occuper d’êtres qui n’en valent guères la peine. Laissons-les grouiller dans la fange avec les reptiles de M. de Bismarck, et passons.

UN ANCIEN
Notes et post-scriptum