ARTICLES

Informations générales
  • TD 7.18
  • ARTICLES
  • MEMOIRES D'UN ANCIEN DE LA VIEILLE ASSOMPTION
    CHAPITRE VI
  • L'Assomption, I, n° 7, 1 avril 1875, p. 54.
  • TD 7, P. 18-20.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 EQUIPE SCOLAIRE
    1 MAITRES
    2 BASTIEN, CLAUDE-HIPPOLYTE
    2 COUSIN, VICTOR
    2 CUSSE, RENE
    2 EVERLANGE, LEON D'
    2 FOURNERY, LOUIS
    2 GOUBIER, ACHILLE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 TENNEMANN
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 ANDUZE
    3 AUSTRALIE
    3 NIMES, EGLISE SAINTE-PERPETUE
    3 SAINT-GILLES
  • 1 avril 1875
  • Nîmes
La lettre

Pendant la première année, le P. Tissot resta de fait à la tête de la maison. De très nombreux conseils étaient tenus; on se réunissait dans le parloir actuel; une bonne et douce intimité s’établissait entre les maîtres. Là, on voyait M. Cusse, élève très-distingué de l’école normale primaire, travailleur acharné, fumeur implacable, mort en Australie; M. l’abbé Blanchet, ravissant jeune homme, effrayé du ministère des paroisses, et qui est allé mourir, je le suppose, chez les Iroquois; M. l’abbé Bastien, qui lui succéda à Saint-Gilles, et mourut, lui aussi, un an après; M. l’abbé Léon d’Everlanges, curé d’Anduze; M. Fourney, qui, encore élève, se fit au lycée une très-mauvaise affaire pour avoir découvert qu’une dissertation donnée par le professeur de philosophie comme sienne était tout bonnement (sauf deux ou trois expressions) la préface du manuel Tennemann mise en tête de la traduction, préface faite par M. Cousin.

Le P. d’Alzon, M. Goubier, curé de Sainte-Perpétue, assistaient à ces conseils. J’ai toujours regretté que l’on ait égaré les procès-verbaux de ces réunions; ils renfermaient les plus précieux motifs de certaines décisions sur lesquelles on est revenu plus tard, pour retourner encore aux premières traditions.

Je ne nomme pas tous les maîtres présents à ces réunions heureuses et pleines de vie; leur nom ne sera pas oublié pour cela, mais il faut un peu de temps pour que la vieille mémoire d’un ancien reprenne à l’aise ses souvenirs. On essayait, on tâtonnait, on avait d’excellentes idées, on en avait d’impossibles; mais, sous toutes les propositions les plus humoristiques, on sentait une sève exubérante qui n’avait besoin que d’une culture vigoureuse pour porter les fruits les plus savoureux. On était en pleine floraison, et l’on attendait l’automne avec impatience.

Père Laurent, posez-vous là, que je vous croque. Le jeune abbé Laurent, non encore prêtre, mais ayant fini son cours de théologie, avait une aptitude spéciale pour les mathématiques, l’histoire, la littérature et la philosophie. La première fois qu’il se présenta chez le Père d’Alzon, rue Margueritte, celui-ci se dit, à part lui: « Quel joli garçon ce serait, s’il n’avait pas le nez de travers! » L’abbé Laurent avait l’air modeste et intelligent à la fois, le ton excellent; il était propre sans vanité, il causait doucement et bien, il avait les manières d’un homme parfaitement élevé. Etait-il timide? était-il légèrement froid? Le P. d’Alzon ne put le distinguer du premier coup, mais en l’accompagnant à la fin de sa première visite, le P. d’Alzon se disait: Quel ravissant professeur l’abbé Laurent nous fera! Je n’ai dit que la moitié de son nom, il s’appelle Laurent, mais il s’appelle aussi Charles. Qui n’apprécierait pas l’abbé Charles avec sa voix de rossignol, avec ses chansons toujours neuves, avec ses calembours rafraîchis, avec ses colères d’oiseau-mouche, avec son ex-amour du confort, transformé par la vie religieuse en cette aimable austérité qui le rend si bon pour les autres, assez sévère pour lui, travailleur infatigable, faisant, sans avoir l’air d’y toucher, de la besogne comme quatre, tordant son coeur, comme il l’assure, pour ne pas se montrer le plus aimant des hommes, et élevant toujours le niveau de ceux qui l’entourent. Je n’en finirais pas, mais pour ne pas le fâcher, je m’arrête.

UN ANCIEN
Notes et post-scriptum